Yamoussoukro / Croyant avoir affaire à des voleurs : Les Frci tuent les passagers d’un taxi
Le 14 septembre 2011 par Nord Sud - Triste spectacle, hier matin, à Yamoussoukro. Un taxi en piteux état perforé de part en part par des balles est immobile derrière une concession
Le 14 septembre 2011 par Nord Sud - Triste spectacle, hier matin, à Yamoussoukro. Un taxi en piteux état perforé de part en part par des balles est immobile derrière une concession
de Morofé au carrefour de l’aéroport international. Plusieurs impacts de balles de fusil de guerre sont visibles sur les portières côté chauffeur. Des badauds observent et commentent à qui mieux-mieux. A l’intérieur, deux jeunes hommes sans vie, l’un affalé de tout son long sur les sièges avant, l’autre, agenouillé devant la portière droite la tête baissée sur le siège. A les voir, l’on croirait qu’ils dorment après une virée bien arrosée. Soudain, fusent des cris et des imprécations. Un vieux Mossi habillé de blanc pleure et maudit les «criminels qui ont ôté la vie à mon fils.» Son épouse est inconsolable et crie autant que les jeunes femmes qui l’accompagnent. A côté d’eux, un Peuhl du Fouta-Djalon qui récite des versets coraniques, son jeune frère auprès de lui. Ce sont les parents des victimes du drame. C’est Diallo Adama, le jeune Peuhl qui peut expliquer ce qui s’est passé malgré la douleur qui l’étreint et qu’il contient difficilement. «C’est mon frère Diallo Amadou Sadjo qui est couché là», relate-t-il, en désignant le jeune inerte ‘’agenouillé’’ devant la portière du véhicule. Son frère, poursuit-il, vit dans le village de Mahounou-Akouê à quelques encablures de l’aéroport de Yamoussoukro. «Dans la nuit, autour de 2h, un groupe de bandits puissamment armés est arrivé dans le village et a encerclé une boutique sécurisée par des antivols. C’était la seconde fois que l’on attaquait la boutique», commence-t-il. Lors de la première attaque qui a eu lieu l’année dernière, les cris des villageois ont fait fuir les assaillants. C’est peut-être pourquoi l’un des voleurs de cette nuit-là a crié que cette fois-ci, le boutiquier n’échappera pas. Ils s’étaient effectivement équipés de matériels pour scier les antivols. Ce qui ne les a pas empêchés de tirer sur la boutique avant de fuir, les villageois ayant commencé à crier. C’est une de ces balles qui blesse Amadou Sadjo à l’épaule. Il a donc fallu l’emmener au Chr de Yamoussoukro parce que le jeune homme perdait du sang. «C’est ce qui nous a amenés à aller réveiller Sawadogo Ousseyni, l’unique chauffeur de taxi qui dort dans le village avec ses parents», ajoute-t-il. Et, malgré la maladie dont il souffrait, Sawadogo accepte de transporter le blessé et deux accompagnateurs à l’hôpital. Arrivés à l’aéroport de Yamoussoukro, voilà que des éléments des Frci qui y tiennent un barrage les sifflent. Comme ils étaient habillés et armés de la même manière que les assaillants, le chauffeur refuse d’obtempérer et redouble de vitesse, les feux de détresse allumés. Commence alors une course-poursuite. Les éléments des Frci croyant avoir affaire à des voleurs en fuite et les occupant du taxi croyant avoir à leurs trousses d’autres voleurs. Au niveau du carrefour de l’aéroport qui débouche sur le quartier Morofé, les Frci, disent des témoins, tirent plusieurs coups de feu. La Toyota Corolla n° 3461 EF 01 fait une embardée, traverse le vaste boulevard pour se retrouver derrière le caniveau. «Après un tonneau entre le trottoir et le caniveau», assure un riverain qui dit avoir tout vu. A ses dires, les soldats ayant constaté leur malheureuse méprise ont immédiatement appelé leur hiérarchie. Le «chauffeur et Diallo Ibrahim sont grièvement blessés aux jambes. Le boutiquier et un jeune dioula du nom de Bamba Seydou sont morts sur-le-coup».
«Il était 4h10 lorsque j’ai été réveillé par les tirs. Je n’ai même pas entendu le choc de la voiture qui, vu son état, a sûrement fait un tonneau», déclare un riverain qui ajoute qu’il a entendu «4 coups de feu en deux fois et quelqu’un qui criait ‘’couche-toi, couche-toi ! Pris de peur, je me suis caché sous mon lit et n’en suis sorti que le matin pour constater le drame.»
Au Chr où les blessés ont été conduits, des villageois de Mahounou-Akouê affirment que ceux qui ont attaqué le village étaient en tenue militaire, cagoulés et armés de kalachnikovs.
Ousmane Diallo à Yamoussoukro