Manipulation ou complot : Grabo toujours attaquée à la veille des procès de Gbagbo

Par Aujourd'hui - MANIPULATION OU COMPLOT:7 attaques en deux ans, 38 jeunes arrêtés,14 libérés, 24 personnes encore détenues, Grabo, la ville qui est toujours attaquée à la « veille » des procès de Gbagbo.

Le Président Laurent Gbagbo à La Haye. Grabo, la ville qui est toujours attaquée à la « veille » des procès de Gbagbo.

Le gouvernement ivoirien a annoncé avant-hier une attaque meurtrière à Grabo qui a fait onze victimes. Aucune piste n’est formellement envisagée pour l’instant.

Néanmoins, c’est la septième incursion d’assaillants à Grabo, à une dizaine de kilomètres de la frontière libérienne. Et chaque fois, les événements coïncident toujours avec le procès de Laurent Gbagbo.

Déjà sept attaques, entre 2014 et 2015.Une quarantaine d’arrestations, des jeunes de la région en particulier accusés d’être des miliciens pro-Gbagbo. Hubert Oulaye, ancien ministre de la fonction publique de Laurent Gbagbo fait également partie des personnes incarcérées.

Arrêté en 2015 après un retour d’exil négocié avec l’Etat, ses geôliers lui reprochent d’avoir commandité la mort de

deux soldats de l’Onuci tués par des assaillants qui n’ont jamais été identifiés.

Les exécutants courent donc. D’ailleurs, pour montrer à quel point il n’est pas toujours facile de comprendre l’attitude du gouvernement ivoirien, sur la quarantaine d’arrestations, quatorze détenus passés pour la plupart par des traitements inhumains à la DST ont déjà recouvré la liberté.

Sans tambour ni trompette et souvent sans le moindre jugement. Cela n’a néanmoins pas empêché le régime d’écrouer à la Maca, en juin dernier, six autres jeunes et trois autres de plus en octobre (deux) et en novembre (une), ramenant à 28 les originaires de Grabo écroués à la Maca. Tous sont accusés d’atteinte à la sûreté de l’état parce que dans la simplification gouvernementale des données, le Libéria abrite des milices pro-Gbagbo. Ce serait donc leur descente régulière qui justifierait ces

différentes attaques. Hier, le journaliste de RFI n’a pas vu autre chose.

«D’après certains témoins cités par les journaux ivoiriens, les assaillants seraient venus du Liberia. La frontière est à peine à dix kilomètres d’Olodio. L’une des pistes des enquêteurs pourrait donc aussi être celle de fidèles de Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien. Depuis la crise postélectorale de 2011, des miliciens pro-Gbagbo basés au pays voisin ont été tenus responsables de plusieurs attaques dans cette région de l’Ouest particulièrement instable.

Cela faisait néanmoins près d’un an qu’aucune attaque de cette ampleur n’avait eu lieu. Celle-ci est la première depuis l’élection présidentielle d’octobre dernier. »

Des affirmations, d’autant plus gratuites que quatre ans après l’arrestation de l’ancien président, aucun mercenaire travaillant pour lui n’a jamais été identifié, encore moins son pays d’origine. Cela dit, miliciens pro-Gbagbo, le mot est ainsi lâché. Simple paresse de journaliste ou témoignage de la version gouvernementale des événements en préparation ?

Ce qui est certain, c’est qu’à la suite de ces arrestations, la répression du régime s’est jusque-là abattue sur les jeunes supposés pro-Gbagbo ou accusés comme tels. Au surplus, ces attaques sont généralement tombées à pic, soit toujours à quelques jours ou semaines de l’audience du Président Laurent Gbagbo à la CPI. Comme si on les téléguidait. D’ailleurs, pour saisir l’enjeu des corrélations qui sont faites au niveau international, l’ONU jugeait en 2014 que la paix est revenue en Côte d’Ivoire et que seuls les combattants venus du Libéria constituaient une vraie source de menace pour le pays. Il

ne faut pas non plus oublier que toutes les demandes visant à obtenir la liberté provisoire de Gbagbo à la CPI ont été refusées au seul motif qu’il bénéficiait encore de soutiens organisés et que ces derniers n’avaient pas renoncé à la prise du pouvoir par les armes.

Un rapport d’experts de l’Onu a même souscrit, sans la moindre

preuve, que les exilés du Ghana en particulier disposaient des moyens colossaux et que ces derniers avaient des liens avec des djihadistes maliens. Mais ce rapport n’a finalement jamais été endossé par l’ONU, visiblement cousu de fils blancs.

Or, à deux mois du procès de Gbagbo et de Blé Goudé à la CPI,

le même scénario semble se répéter.

RFI a donc donné le ton des pistes que le gouvernement privilégie.

Ce qui, à la vérité, pourrait justifier de nouvelles arrestations

parmi les partisans de l’ancien chef de l’état ivoirien et particulièrement parmi ceux qu’on appelle « les Gbagbo ou rien », en comparaison avec les radicalisés de l’aile Affi que le régime semble avoir choisi. La fermeture de la mine de Gamina dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire est pourtant analysée

par de nombreux experts comme un « incident » susceptible

de provoquer des convoitises, et particulièrement celles de ceux

qui y régnaient déjà en maître absolu. « Aucune information n’a été donnée quant aux raisons qui sous-tendent cette attaque, mais ceci semble découler de la fermeture d’une mine d’or clandestine dans cette même région de l’ouest, le site de Gamina, près de Daloa.

La mine de Gamina était contrôlée d’après un rapport des experts des nations unies par Issiaka Ouattara, ancien rebelle, promu lieutenant colonel au lendemain de la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara en 2010. Selon le même rapport, la mine rapportait un minimum de 97 millions de dollars, une manne qui servaient à entretenir près de 16 000 employés clandestins. A l’issue de cette fermeture, l’idée d’une recrudescence de la violence dans cette région du pays était devenue évidente. Sauf que personne ne peut dire exactement d’où provient la menace et qui en est l’instigateur », explique l’AFP mag.

Cette donnée qui est désormais publique va-t-elle continuer à raisonner le chef de l’état qui devrait enfin rentrer de son long séjour français ?

Nul ne le sait.

Sauf qu’en Côte d’Ivoire, 18.000 ex-combattants sont toujours dans la nature. Ils n’avaient pas attendu leur reprofilage pour disparaître dans la nature avec leurs armes. Autre signe des temps, le quotidien pro-gouvernemental rapportait hier la cérémonie de dépôt volontaire de 904 armes et près de

3000 munitions à Korhogo. Comme quoi, il faudrait un jour

changer d’argument pour voir la réalité de l’insécurité dans notre pays en face.

Sévérine Blé