Manifestations annoncées du Fpi: Le RDR a peur de sa propre ombre
Par Correspondance particulière - Manifestations annoncées du Fpi. Le RDR a peur de sa propre ombre.
Pourquoi ce branle-bas de combat du RDR, pour une annonce portant sur un simple moyen d'expression démocratique que sont les marches?
Le porte-parole principal du RDR, Joël N’Guessan, a donné le ton et tous les journaux proches du RHDP ont suivi ce 31 mars. «Affi et ses camarades
préparent la guerre», prévient La Matinale; «Le FPI annonce des troubles», déclare Le Démocrate; «Le match retour et l’assaut final du FPI dévoilés», souligne L’intelligent d’Abidjan; «FPI, yako. Affi et ses hommes basculent dans la paranoïa, le délire et le mensonge», tonne Le Patriote. Même le quotidien L’inter, d’habitude sobre et mesuré parce que d’une ligne éditoriale neutre, n’y a pas échappé: «Le FPI veut tout mélanger».
Pourquoi ce branle-bas de combat? Le FPI, après son Comité central extraordinaire tenu le 29 mars, a donné mandat au secrétariat général du parti de prendre toutes les dispositions en vue de l’organisation d’actions d’envergure allant des sit-in aux opérations villes-mortes en passant par des marches sur toute l’étendue du territoire national. Conformément à l’article 11 de la loi portant constitution de Côte d’Ivoire ainsi libellé: «Les libertés de réunion et de manifestation sont garanties par la loi.» L’ex-parti au pouvoir s’élève contre le transfèrement de Charles Blé Goudé à La Haye qui annonce, selon lui, la rupture du dialogue politique avec le gouvernement, l’échec du processus de réconciliation nationale et l’absence du libre exercice du jeu démocratique.
«Le Front Populaire Ivoirien (FPI) a pris définitivement l’option de troubler la quiétude des ivoiriens au cours de son Comité central, tenu le samedi 29 mars dernier», s’indigne Joël N’Guessan qui poursuit: «Au moment où notre pays renoue avec la paix sociale et le développement après plus d’une décennie de gabegie et de désordre sous le régime des frontistes, M. Affi N’Guessan et ses amis veulent nous ramener dans le gouffre et le chaos. Ils sont déterminés à nous faire revivre les pires moments de la crise postélectorale».
Alors, fou de rage, il sonne le tocsin : «Ont-ils conscience des dangers qu’ils font courir à notre pays? Sont-ils prêts à assumer les conséquences de leurs déclarations et des actions graduées qu’ils comptent mener? Sur qui et sur quoi Affi N’Guessan et ses camarades du FPI comptent pour envisager mélanger le pays? Savent-ils que les parents des milliers de victimes de la crise postélectorale ainsi que les millions d’Ivoiriens, soucieux de préserver la paix sociale, les attendent pour les encadrer et les accompagner lors de leurs marches et sit-in?»
La réaction disproportionnée et enflammée du porte-parole principal du RDR signifie que les tenants du pouvoir jouent, eux-mêmes, à se faire peur. Car ayant peur de leur propre ombre. Faisons un peu d’histoire avec seulement deux exemples pour rafraîchir notre mémoire collective. Le 4 décembre 2000, pour annoncer la manifestation de protestation du RDR contre l’invalidation de la candidature d’Alassane Dramane Ouattara aux législatives du 10 décembre, Le Patriote, porte-voix des Républicains, titrait en gros caractères gras sur toute la largeur de sa première page: «TROP C’EST TROP ! La marche a bel et bien lieu ce matin». En dessous de ce titre, figure une carte de la Côte d’Ivoire coupée en deux, d’Est en Ouest, par une large et affreuse balafre. Sous cette carte mutilée, il est écrit, en guise de légende : «La Côte d’Ivoire au bord de la sécession».
A la quatrième page de cette parution, Le Patriote publiait une «Déclaration des cadres du Nord». Cette déclaration produite à l’issue d’une assemblée générale tenue le 3 décembre 2000, au siège du Rdr, à la Rue Lepic, par des gens qui se définissaient comme «les élus et les cadres ressortissants du Grand Nord», proclamait : «Le peuple du Nord a été traité tantôt comme étranger, tantôt comme Ivoirien de circonstances.» Les auteurs de la déclaration, manipulant politiquement l’ethnicité, menaçaient d’envisager «la nature des nouveaux types de rapports entre (leur) région et le reste du pays».
Amadou Soumahoro, l’actuel secrétaire général intérimaire du Rdr, sonnait alors la révolte: «Il n’y aura pas d’élections législatives dans le Nord; nous allons demander au gouvernement d’enlever dans nos régions tous les emblèmes et symboles de la République de Côte d’Ivoire.» La manifestation fut donc violente et meurtrière ce 4 décembre: officiellement 3 morts dont un policier. Et sur le modèle de la carte balafrée, notre pays a été coupé en deux après la rébellion armée du 19 septembre 2002.
Les 25 et 26 mars 2004, Abidjan a connu des jours sombres. Quatre partis politiques (PDCI-RDA, RDR, UDPCI et MFA) et trois groupes armés (MPCI, MJP et MPIGO), signataires de l’accord de Linas-Marcoussis et baptisés G7, ont décidé d’en découdre avec le pouvoir FPI. Ils ont rejeté la médiation de John Kufuor, chef de l’État ghanéen et alors président en exercice de la CEDEAO, arrivé expressément à Abidjan le 24 mars et maintenu leur manifestation pourtant déclarée interdite. Le bilan, lourd, est jusqu’à ce jour inconnu. Accablant les plus hautes autorités de l’État, la commission d’enquête de l'ONU a également dénoncé la responsabilité des organisateurs de la marche dont Cissé Ibrahima dit Bacongo (alors porte-parole du RDR) qui, sachant qu'elle était interdite et à haut risque, n'y ont pas participé; jetant en pâture leurs militants.
Dans l’opposition, le FPI a déjà organisé, sans véritablement troubler l’ordre public, plusieurs meetings dont certains ont été perturbés (place Ficgayo à Yopougon, Oumé, Port-Bouët, Bonoua notamment) et entrepris des tournées nationales de son président Affi à travers le territoire ivoirien, même si des sites comme la commune d’Abidjan-Abobo lui ont été interdits par les tenants du pouvoir. Mais alors que ce parti, sur sa lancée, veut exprimer son désaccord politique avec le pouvoir par les seuls recours démocratiques qui s’offrent à lui (sit-in, marches, etc.), le RDR, instruit de ses propres violences et dans ses petits souliers, remue ciel et terre pour tirer la sonnette d’alarme.
Une correspondance particulière de Ferro Bally