Justice - Me Jean-Serge Gbougnon, avocat de Blé Goudé: “Blé Goudé ne répondra à aucune question d’aucun juge’’ (avocat)

Le 19 mars 2013 par IvoireBusiness - “Blé Goudé ne répondra à aucune question d’aucun juge’’.

Me Jean-Serge Gbougnon, l’un des avocats de Charles Blé Goudé l’ex-leader des jeunes patriotes ivoiriens pro-Gbagbo arrêté le 17 janvier à Accra puis extradé le lendemain à Abidjan, a affirmé dimanche que son client “ne répondra à aucune question d’aucun juge tant que les conditions légales d’une audition de fond se sont pas réunies’’, dans une interview à ALERTE INFO.
Vous avez lors d’un point d’un point presse le 24 janvier dernier indiqué que vous ignorez le lieu de détention de votre client Charles Blé Goudé et qu’il vous était impossible de communiquer avec lui. Avez-vous maintenant accès à votre client ?
C’est le statuquo. Depuis qu’il a été extradé à Abidjan jusqu’à ce jour, aucun de ses avocats n’a pu avoir accès à lui. Encore même que nous ne savons toujours pas où il est détenu malgré tous les courriers que nous avons adressé aux différentes autorités et les démarches que nous avons entreprises auprès du juge d’instruction et du procureur.
Le mandat de dépôt sous lequel M. Blé a été placé devrait pourtant être assorti de la mention de son lieu de détention
C’est ce qui devrait se passer quand on est dans un Etat de droit. Quand le juge met une personne sur mandat de dépôt, le parquet qui exécute le mandat de dépôt doit indiquer le lieu où cette personne est détenue. En l’occurrence, on détient les personnes qui sont sous mandat dépôt à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) qui est la prison civile du lieu de son arrestation ou de sa détention ou encore du lieu où le juge d’instruction l’a inculpé. Donc, Blé Goudé devrait être normalement détenu à la MACA si nos règles étaient respectées. Mais jusqu’à ce jour, il n’est pas à la MACA alors qu’un mandat de dépôt a été décerné. Le juge d’instruction nous a dit qu’il appartenait au parquet d’exécuter le mandat de dépôt. Nous nous sommes adressés au parquet qui nous a dit que Blé Goudé n’est pas un prisonnier ordinaire et pour sa sécurité il le détient. Mais qu’il allait nous tenir informé pour organiser sa défense. Mais ni le parquet ni le juge d’instruction ne nous a dit où est détenu Blé Goudé. Soit ils le savent mais ils nous le cachent et c’est grave soit ils ne le savent pas et c’est encore plus grave.
Le ministre de la sécurité Hamed Bakayoko a dit qu’il était en résidence protégée
Le ministre doit avoir l’excuse de ne pas savoir de quoi il parle parce que s’il savait de quoi il parlait il n’aurait pas évoqué la résidence protégée qui ne veut rien dire en droit. Nos textes parlent plutôt de résidence surveillée qui a un régime juridique assez clair. Il y a les conditions pour mettre une personne en résidence surveillée c’est-à-dire les conditions d’application du régime de la résidence surveillée. Nous ne sommes même pas dans le cadre d’une résidence surveillée.
Quelles sont alors les conditions pour appliquer la mise en résidence surveillée ?
Quand l’Etat estime à un moment donné qu’une personne peut porter atteinte à l’ordre public. Cette personne est assignée à résidence. On lui notifie par décret qu’elle est assignée à résidence. On lui en donne les conditions mais cela n’empêche pas qu’il ait accès à sa famille et à ses avocats. Jusqu’à présent nous n’avons eu connaissance d’aucun décret qui dit notre client Blé Goudé est en résidence surveillée.
La défense de Blé Goudé ne pourrait t-elle pas par exemple mener ses propres investigations pour découvrir son lieu de détention ?
Vous savez nous sommes avocats, nous avons des règles. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas à commencer à violer nous-mêmes ce que nous croyons être une boussole qui est la loi. Nous agissons strictement dans le cadre de la loi. Je veux en tant qu’avocat entrer dans un cadre légal c’est-à-dire que les autorités qui le détiennent le disent et nous permettent de voir là où il est, les conditions de sa détention. En ce moment, nous pouvons parler pour dire officiellement notre client est détenu dans tel endroit. Nous n’allons pas utiliser des voies parallèles parce que nous ne sommes pas des hors-la-loi.
Blé Goudé a été auditionné le mercredi 30 janvier dernier au palais de justice du Plateau. A-t-il été de nouveau entendu après cette audition ?
Blé Goudé n’a pas encore été entendu. Lors de sa dernière audition le 30 janvier, nous nous sommes ouvertement opposés à ce qu’il soit entendu sur le fond parce que nous avons estimé que les conditions légales d’une audition de fond n’étaient pas réunies. Et tant que ces conditions persistent M. Blé Goudé ne répondra à aucune question d’aucun juge. Nous ne sommes pas en train de quémander nous demandons simplement que nos droits soient respectés.
Quelles sont ces conditions ?
Ces conditions c’est qu’il faut que les avocats aient accès à leur client pour préparer sa défense. Dans notre code de procédure pénale même l’interdiction de communiquer c’est de dix jours maximum et n’est pas opposable aux avocats. Il y a le droit à la défense qui un droit sacré. Donc si ces conditions ne sont pas réunies notre client n’est pas en état de parler à qui que ce soit. On ne peut pas déporter une personne du Ghana à Abidjan en deux ou trois jours puis demander qu’il vienne parler au juge sans qu’il n’ait eu au préalable accès à ses avocats pour préparer sa défense.
A quel stade sommes-nous dans l’affaire Blé Goudé ?
On en est au point zéro puisqu’aucune audition sur le fond n’a été réalisée jusqu’à présent. On nous a brandi la dernière fois des auditions qui se seraient passées dans certains endroits. On en est au point zéro parce que les gens au lieu de respecter ce qu’il y a comme textes de loi en Côte d’Ivoire veulent passer outre et nous ne pouvons pas l’accepter.
Un procès de Blé Goudé n’est donc pas envisageable à court terme ?
Je ne peux pas dire qu’un procès n’est pas envisageable. Dans touts les cas, si le juge instructeur estime qu’il a assez d’éléments pour aller à un procès. On ira à un procès. C’est lui qui décide.
Vous aviez lors de votre point de presse du 24 janvier prévu des procédures devant la cour de justice de la CEDEAO contre la Côte d’Ivoire et le Ghana qui a selon vous violé les droits de Blé Goudé. Ou en êtes-vous avec cette procédure ?
Pour des questions d’organisation interne nous avons sursis à ces différentes actions et au moment opportun on vous tiendra informé.
Le nom de Blé Goudé a été plusieurs fois cité lors de l’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo à la cour pénale internationale (CPI). Pensez-vous que la CPI y est pour quelque dans son arrestation ?
Je n’en sais rien
Vous ne craignez pas qu’il soit transféré à la CPI ?
Cela ne peut pas être une crainte pour nous parce que si être transféré à la CPI était une crainte, beaucoup de personnes en Côte d’Ivoire ne dormiraient pas sur les deux oreilles. Si les conditions du statut de Rome sont réunies pour qu’on le transfère à la CPI on le transfère à la CPI. Donc, nous n’avons aucune crainte particulière encore que juridiquement il y a beaucoup à dire sur cette question. Blé Goudé est poursuivi en Côte d’Ivoire pour des crimes qui sont passibles devant la CPI. Il a été inculpé pour crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre. Le traité de Rome dit quand une personne est poursuivie dans son pays d’origine pour les mêmes crimes, la CPI devient incompétente. Est-ce que cela empêche la Côte d’Ivoire d’extrader Blé Goudé ? Est-ce que la CPI dans ces conditions peut connaitre de l’affaire Blé Goudé ? Il y a beaucoup de considérations juridiques qui doivent être prises en compte. Pour le moment, le transfert de Blé Goudé à la CPI n’est pas à l’ordre du jour.
Après l’audition de Blé Goudé le 30 janvier dernier, Me Claver N’Dri, l’un de vos collègues du collectif des avocats, avait soutenu que M. Blé subissait une torture morale
Juste avant d’aller à l’audition, nous avons eu le temps de parler avec lui. Il nous adit clairement qu’il subissait une torture morale. Dans le sens ou il a reconnu lui-même qu’il n’a jamais été agressé physiquement mais il nous a décrit les conditions dans lesquelles il était détenu. C’est ce qu’il a résumé pour dire qu’il subit une torture morale. Il nous a dit qu’il est dans une maison où il n’a pas de livres, où il ne voit personne, où il est enfermé entre quatre murs sans avoir même accès à la cour de la maison.
Les mouvements de Blé entre son lieu de détention et le palais de justice ne peuvent-ils pas lui permettre de se localiser ?
Je vais me garder de rentrer dans certains détails mais sachez une chose. Les conditions de son transfert de l’endroit où il est détenu au palais de justice ne lui permettent pas de localiser exactement l’endroit. Sinon le quartier et l’environnement peuvent lui être familiers mais c’est la description exacte du lieu qu’il n’a peut être pas.

SKO
source alerteinfo