Hervé Gouaméné, avocat des prévenus : ‘Que les procès aient lieu et que la vérité soit sue’’

Par L'Intelligent d'Abidjan - Réaction de Me Hervé Gouaméné, avocat des prévenus des 14 prisonniers politiques libérés.

Vous défendez ceux qu’on qualifie de «pro-Gbagbo». 14 d’entre eux sont remis en liberté provisoire, est-ce que vous avez été mis au courant de la procédure ?
Nous avons appris dans la presse comme tout le monde qu’il y a un certain nombre de nos clients qui ont été libérés. Si l’information est vérifiée, c’est une bonne chose. Il s’agit de personnes qui sont en détention depuis près de deux ans pour des faits qui manifestement ne sont même pas fondés. Donc qu’ils soient aujourd’hui (ndlr, hier) en liberté provisoire, c’est déjà un commencement de justice. Maintenant on espère qu’ils seront plus tard élargis. Et nous sommes heureux avec eux tout en osant croire que tous ceux qui sont injustement emprisonnés puissent également bénéficier de toute cette mesure. Et qu’on mette fin à cette justice à double vitesse, cette justice des vainqueurs. Et qu’on revienne à la normale.

Comment appréciez-vous le fait que le gouvernement ait été informé sans que les avocats ne soient au courant ? pour vous est-ce une décision du conseil des ministres?
Je n’ai aucune preuve que ça vient d’un conseil des ministres. J’ai vu cela dans la presse. Si la décision vient du conseil des ministres, je suppose que c’est une grâce présidentielle. Mais en tant qu’avocats, si c’est une décision du juge d’instruction, il va la notifier. Nous attendons les avis dans les heures ou jours à venir. Et si c’était une grâce, ça m’étonnerait car la grâce ne s’applique qu’aux personnes qui ont été jugés et condamnés. Or les gens sont en détention préventive, et ils ne peuvent pas bénéficier de la grâce. Mais comme nous ne savons pas encore officiellement le fondement de cette liberté. Mais si liberté il y a, c’est une bonne chose.

Il y a Simone Gbagbo qui reste en prison, quelle est votre appréciation ? Y a-t-il une libération sélective selon vous ?
Nous notons que tout le monde n’a pas bénéficié de cette largesse du pouvoir, ce que nous aurions souhaité. Mais en tout état de cause pour nous, hormis cet aspect de liberté provisoire à hauts relents de communication ou de lobbying politique, nous voudrions véritablement que les processus judiciaires qui ont été entamés puissent aller à leur terme. Que les juges d’instruction qui ont été saisis, puissent soit prononcés le non-lieu ou envoyer les gens en détention. Que les procès aient lieu et que la vérité soit sue sur ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire entre novembre 2010 et avril 2011.
Si ce n’est pas le cas ? Cela vous laisserait sur votre faim?
Quand on ouvre une information judiciaire, c’est pour aller à des procès. Nous voulons qu’on aille à des procès, que la vérité soit dite, qu’on sache qui a fait quoi ? Qui a tué les 1000 personnes à Duékoué ? Qui a tué à Abobo avec le commando invisible ? Il faut que tout cela soit su.

Vous ne craignez pas que l’opinion vous reproche de ramer à contre-courant en disant qu’on libère vos clients et que vous tirez encore sur la corde au lieu de vous réjouir?
Vous voulez qu’on saute de joie parce que quelqu’un s’est réveillé un matin, il a mis en prison des innocents. Et pour des questions politiques et de communication les libère, vous voulez qu’on touche le ciel. On est content mais nous voulons qu’on aille jusqu’au bout. Si on veut une justice, il faut que ce soit une belle justice et non une justice sélective, une justice des vainqueurs. On n’en veut pas !

Réalisée par S. Debailly (coll. FO)