Disparition de Guy-André Kieffer : Comment la France a tout préparé
Le 09 janvier 2012 par Notre voie - Qui a tué le journaliste Franco-canadien Guy-André Kieffer ? Qui avait intérêt à le voir disparaître et pourquoi ? Dans son édition N° 3273 du mercredi 6 mai
Le 09 janvier 2012 par Notre voie - Qui a tué le journaliste Franco-canadien Guy-André Kieffer ? Qui avait intérêt à le voir disparaître et pourquoi ? Dans son édition N° 3273 du mercredi 6 mai
2009, le quotidien Notre Voie a fait des révélations importantes relatives à la disparition du confrère. Cela grâce à un document authentifié des services secrets français dont nous avions pu obtenir copie. Huit (8) ans après la disparition de Kieffer et au moment où un corps, présenté comme le sien a été découvert (en attendant les résultats du test d’Adn), nous vous livrons en intégralité l’article de Notre Voie. Car la vérité ne doit pas être occultée comme Paris a longtemps tenté de le faire concernant le bombardement de Bouaké en novembre 2004.
Chaque jour que Dieu fait, une nouvelle information vient montrer combien la piste française est la plus plausible pour retrouver le journaliste et homme d’affaires franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu à Marcory (Abidjan), le 16 avril 2004. Cette semaine, c’est une des deux plus importantes pièces à conviction que recherche la justice française que nous proposons à nos lecteurs pour qu’ils se forgent leur propre opinion de cette affaire de règlement de compte que Paris a rendue scabreuse. Ce document secret, dont nous avons pu obtenir copie et que nous proposons à votre lecture est, comme son nom l’indique, un bulletin quotidien d’informations. Il a été édité par la Direction du renseignement, un service de la Direction générale des services extérieurs, laquelle est logée au Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères). Le destinataire n’est autre que l’Elysée par le biais de son conseiller Afrique, Michel De Bonnecorse, le « monsieur Afrique » du temps de l’inénarrable Jacques Chirac. Ce bulletin dit tout ce que nous savons mais également ce que nous ne savons pas de l’affaire Guy-André Kieffer. Ce que nous savons déjà de la bouche d’un de ses amis qui a voulu s’ouvrir à la presse à visage découvert le 29 janvier dernier, c’est que le journaliste avait des informations brûlantes sur l’implication directe de Paris dans la survenue de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. Ce que nous savions aussi c’est que le confrère franco-canadien avait de réels problèmes financiers, ce qui l’a même obligé à faire partir son épouse chez ses parents au Ghana pour se faire soigner. Ce que nous ne savions pas, c’est tout le reste.
Premièrement, qu’un haut gradé de la police nationale (nous taisons volontairement son nom pour l’heure), patron d’un service hautement sensible, soit le correspondant (et quel correspondant !) de la DGSE (le service de renseignement français) en Côte d’Ivoire.
Deuxièmement, que les informations que détenait Kieffer inquiétaient Paris au plus haut point car elles pouvaient détériorer ses relations avec Abidjan en plus de livrer ses ressortissants à la vindicte populaire.Troisièmement, que l’Elysée ait pris la décision surprenante d’envoyer en Côte d’Ivoire, un « émissaire » pour « empêcher par tous les moyens Guy-André Kieffer » de vendre ses informations aux autorités ivoiriennes. Quatrièmement, que le haut gradé de la police ivoirienne en question, un commissaire principal, ait pu trouver un deal de quelques centaines de millions de fcfa avec un autre Ivoirien pour que ce dernier accuse les autorités ivoiriennes d’avoir assassiné le journaliste franco-canadien.
Au décompte final, le système mis sur pied par Paris avec la complicité de certains Ivoiriens a fonctionné à la perfection. Entre le 7 avril 2004, date d’émission de ce document et le 16 avril de la même année, date de l’enlèvement de Kieffer, neuf jours seulement se sont écoulés. Ils ont plié l’affaire en neuf jours pour que leur compatriote n’ait pas le temps de vendre ses infos sensibles.
D’ailleurs, et on le sait depuis les premiers jours de son enlèvement, Kieffer avait rendez-vous ce jour-là (le 16 avril 2004) avec des partenaires qui devraient lui donner un peu d’argent pour qu’il aille au Ghana soulager son épouse. Tous ceux qui ont échangé avec cette dernière le soulignent, toute la journée, elle n’a pas cessé de l’appeler sur la ligne téléphonique de la maison parce qu’ils avaient rendez-vous. A chaque fois, c’est la gouvernante qui répondait inlassablement : « Je ne sais pas, je ne sais pas où patron est parti… ».
La suite de Satanic 3, nom de code de l’opération française contre Guy-André Kieffer, est connue. Des Ivoiriens pris ici et là, accusent les autorités ivoiriennes d’avoir assassiné Kieffer. Une campagne médiatique des plus sordides est en marche qui ne donne la parole qu’à ceux qui accusent, jamais aux accusés. La nommée Osange dont on dit qu’elle est toujours l’épouse du journaliste a esté en justice pour « enlèvement, séquestration et assassinat ». Selon les informations en notre possession, lors de la perquisition qu’il a faite, il y a peu, à la Cellule africaine de l’Elysée, dans le cadre de la recherche de la vérité sur cette affaire, le juge Patrick Ramaël serait entré en possession du document que nous publions. Sur place, il a eu vent de ce qu’il y aurait une suite à ce bulletin traitant en profondeur de l’affaire Kieffer. C’est que, selon une source proche du dossier, juste après la disparition de Kieffer préparée par la DGSE, la Direction de la surveillance du territoire français (DST) a envoyé, elle aussi (après la mission de la DGSE), une mission en Côte d’Ivoire pour faire le point de la situation. Le 28 avril 2004, c’est-à-dire près de deux semaines après l’enlèvement de Kieffer, la DST produit son rapport de mission qui retrace les péripéties de l’enlèvement du Franco-canadien et sa destination finale. Etant sûr d’être tombé sur la vérité de la disparition du journaliste, le juge Patrick Ramaël a demandé au ministère de l’Intérieur de mettre à sa disposition, le télégramme fait par la DST sur sa mission à Abidjan. Mais le ministère français de l’Intérieur lui a dit niet en invoquant le « secret défense ». Le juge fait alors une requête écrite au ministère de l’Intérieur, le 20 août 2008, pour qu’on lui mette à disposition ce document. A son tour, Michèle Alliot-Marie, ministre français de la défense, saisit, le 25 septembre 2008, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) pour demander la déclassification et la communication du télégramme du 28 avril 2004 de la DST contenant des informations de première main sur l’enlèvement du journaliste et homme d’affaires. Le 4 décembre 2008, la CCSDN donne un avis défavorable à la requête confirmant ainsi le refus qui a été opposé au juge Ramaël par le ministère de l’Intérieur. On s’en doutait bien. La suite du bulletin devrait rendre compte à l’Elysée de la fin de l’opération Satanic 3. Cette opération s’étant terminée par un succès retentissant avec la disparition (à jamais ?) du journaliste-homme d’affaires qui empêchait Paris d’aller à fond dans l’affaissement du pouvoir du Président Gbagbo, il était impossible à l’Elysée, quelle que soit la tête, de déclassifier la pièce à conviction numéro 2. Pour sûr, la France sait toute la vérité. Elle connaît l’identité, taille, poids, couleur de la peau, etc. des ravisseurs de Kieffer puisque c’est elle qui les a envoyés en mission secrète. La vérité triomphant toujours du mensonge, son mensonge à elle qui s’est levé très tôt le matin pour engager la course est en train de s’essouffler. Et très bientôt, la vérité, nue, se saura. La France perd donc son temps à classifier des pièces à conviction, à évoquer le secret défense. Bref, à choisir la fuite en avant.
(In Notre Voie N° 3273
du mercredi 6 mai 2009)
Abdoulaye Villard Sanogo