CPI: Ouattara pris à son propre piège. La majorité des plaintes vise le camp Ouattara

Le 05 octobre 2011 par Le Nouveau courrier - La lecture du rapport de la CPI recensant les victimes et la nature de leurs griefs met à mal la fable qui fait de Gbagbo le méga-

Alassane Ouattara passant en revue les membres de son gouvernement à l'aéroport Houphouët Boigny d'Abidjan.

Le 05 octobre 2011 par Le Nouveau courrier - La lecture du rapport de la CPI recensant les victimes et la nature de leurs griefs met à mal la fable qui fait de Gbagbo le méga-

coupable de la crise ivoirienne. La majorité des plaintes déposées vise les FRCI, les FAFN et les Dozos. D’où vient la fausse évidence que Gbagbo doit être conduit à la CPI et pas Ouattara ? C’est le fond du scandale.
Le microcosme de la diplomatie et des médias occidentaux nous ont habitués à tant de partialité dans le traitement de la crise ivoirienne que nous avons tous fini par admettre que chaque fois que la «communauté internationale» se saisit d’un des dossiers la concernant, c’est pour aider le camp Ouattara, son allié naturel, contre le camp Gbagbo, son ennemi permanent.
L’annonce du lancement des enquêtes de la Cour pénale internationale sur la crise ivoirienne a donc, tout naturellement, suscité une joie profonde dans le camp Ouattara, qui voit déjà Gbagbo mourir symboliquement, être « emmuré vivant » dans les dédales d’une juridiction qui prend tellement son temps qu’elle est très rarement allée au bout d’une procédure qu’elle a initiée. Dans une symétrie émotionnelle parfaite, les supporters, électeurs et sympathisants du président Gbagbo sont plongés dans une insondable tristesse, prêts à voir une machine internationale à la fois puissante et partiale broyer leur champion.
Dans les deux camps, peu nombreux sont ceux qui ont lu le rapport sur «la situation en République de Côte d’Ivoire» déposé sur les bureaux des juges Silvia Fernández de Gurmendi, Elizabeth Odio Benito et Adrian Fulford, de la troisième chambre d’accusation. Ce rapport dresse le bilan des plaintes reçues. Et indique très clairement que la majorité des plaintes vise le camp Ouattara, qui se considère comme le « propriétaire » local de la CPI, qui a le privilège d’y envoyer ses ennemis et y bénéficie d’une immunité toute naturelle...
Il faut pourtant faire un peu de comptabilité pour montrer une fois de plus à quel point la réalité des violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire s’éloigne du storytelling du camp Ouattara et des médias internationaux généralement complaisants envers lui. Ainsi, 1038 « communications », incluant des textes écrits, des bandes sonores et des vidéos de victimes présumées sont arrivées au bureau du procureur de la CPI. 679 d’entre elles ont été considérées comme recevables, tandis que 359 ont été écartées. 655 plaintes concernaient des individus, et 26 des groupes d’individus.
L'ONUCI et la force Licorne accusées d'être aux côtés des tueurs pro-Ouattara
Les victimes individuelles les plus nombreuses appartiennent au groupe Krou (Bété, Guéré, Dida, Wobé, etc…). Elles sont au nombre de 287. Vient ensuite le groupe Akan, avec 151 victimes. 97 victimes sont Mandé, 5 appartiennent au groupe voltaïque, 21 à d’autres groupes ethniques. 94 personnes n’ont pas spécifié leur groupe ethnique.
302 victimes ont indiqué avoir souffert d’un ou de plusieurs crimes commis le 28 novembre 2010 ou après par des individus ou des groupes liés ou appartenant à Alassane Ouattara. 107 d’entre eux se plaignent de forces pro-Gbagbo ou de supporters de Laurent Gbagbo. 93 se plaignent d’autres forces et 82 victimes n’ont pas donné ce type d’information.
Les victimes imputant leurs souffrances au camp Gbagbo se plaignent des FDS, de la CRS, de la FESCI et de la communauté dida. Les victimes du camp Ouattara accusent les FRCI (sous la responsabilité directe de l’actuel chef de l’Etat ivoirien), les Forces nouvelles (sous la responsabilité directe du Premier ministre Guillaume Soro), les chasseurs traditionnels Dozos, affiliés aux FRCI, et plus globalement des « Dioulas » ou des personnes parlant Bambara. « Par ailleurs, onze victimes accusent l’ONUCI et la force française Licorne d’être impliquées dans les crimes commis par les supporters de Ouattara », écrit le rapport de la Cour pénale internationale.
Le camp Ouattara a suscité des "collectifs de victimes"
22 des 26 collectifs de victimes ont été constitués, selon le rapport de la Cour pénale internationale, contre le camp Gbagbo. On imagine aisément que le camp Ouattara, qui règne sur le pays, a fait le maximum pour enregistrer un grand nombre de personnes. Et il est d’ores et déjà évident que la crédibilité de chacun des témoins cornaqués sera examinée avec intérêt.
Les 22 collectifs représentent 799 personnes,vivant en majorité dans le district d’Abidjan. Les 4 autres collectifs accusent le camp Ouattara et représentent au moins 127 personnes.
Pourquoi Gbagbo est en prison et Ouattara en liberté?
A la lecture de ce rapport de la CPI, on est frappé par le caractère symétrique des accusations. Les uns accusent les FDS, les autres les FN et les FRCI. Les uns accusent la FESCI, les autres les Dozos. Personne n’accuse personnellement ni Laurent Gbagbo, ni Alassane Ouattara d’avoir tenu l’arme assassine. Un seul type de responsabilité peut être, à ce stade des témoignages, imputé aux deux hommes : la responsabilité politique.
D’où vient-il que Gbagbo est considéré comme un pestiféré et Ouattara comme un saint ? D’où vient-il que Gbagbo soit embastillé, privé de droit de visite, menacé de la CPI, tandis que Ouattara jouit des ors de la République et de la « respectabilité internationale » ? En 2002 et en 2010, ce sont les troupes pro-Ouattara qui ont déclenché la guerre. Dans les deux cas, Gbagbo n’a fait que se défendre en tant que chef de l’Etat. Il n’a fait que défendre son pays comme le droit international le lui donne droit.
Dans les deux cas, les troupes pro- Ouattara étaient des troupes irrégulières, soutenues par des pays étrangers en dehors de ce que permet le droit international. Le seul «mythe» qui donne de la consistance au discours international pro-Ouattara, c’est une « victoire » électorale qui n’a jamais été consacrée par la plus haute juridiction ivoirienne. Et à propos de laquelle la presse ivoirienne est interdite par le CNP d’enquêter et de s’interroger..

Le Nouveau courrier