Côte d’Ivoire: 11.000 combattants pro-Ouattara intégrés. Milice tribale ou armée nationale ?

Le 30 juin 2011 par Notre voie - L’intégration à l’armée future de 11000 soldats issus de l’ex-rébellion est acte grave de conséquence pour la cohésion de la grande muette.

Soldats Frci au repos.

Le 30 juin 2011 par Notre voie - L’intégration à l’armée future de 11000 soldats issus de l’ex-rébellion est acte grave de conséquence pour la cohésion de la grande muette.

Même Félix Houphouët-Boigny sous son régime de parti unique n’a pas porté si loin et de façon si inquiétante pour l’unité nationale, la tribalisation de «la grande muette». Certes, la Milice du PDCI-RDA devenue quelques années plus tard la Garde Républicaine durant le régime du parti unique comportait de nombreux soldats issus du groupe baoulé, ethnie du président Houphouët. Cependant l’ampleur n’était pas aussi préoccupante qu’elle l’est aujourd’hui avec le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara. Qui a pris la décision en tandem avec le Premier ministre, Guillaume Soro, secrétaire général des forces nouvelles (ex-rébellion armée), d’intégrer 11 000 combattants pro-Ouattara au sein de la nouvelle armée.
La répartition de ces soldats se présente comme suit : 2300 combattants volontaires et 8700 ex-rebelles des Fafn. La particularité de ces 11 000 soldats est que primo, ils sont à presque pour ne pas dire tous, originaires du nord du pays et issus de la même ethnie, soit celle du chef de l’Etat (malinké) ou celle du Premier ministre (sénoufo). Secundo, ces soldats ne s’en cachent pas, ils soutiennent avoir pris les armes pour la cause du Président Alassane Dramane Ouattara. A preuve, les 2300 combattants volontaires sont appelés comme tels parce qu’ils se sont « volontairement » joints, nous a-t-on dit, à l’offensive des forces pro-Ouattara contre Abidjan.
Etant qu’Ivoiriens, les ressortissants du nord ont le droit au même titre que leurs frères des autres contrées du pays d’intégrer l’armée nationale. Donc il ne devrait pas y avoir d’acrimonie à ce niveau.
Mais là où le bât blesse, c’est lorsque 11 000 combattants issus d’une même sphère géographique identique et d’une même ethnie intègrent d’un tour de main, une armée nationale. Censée être le creuset de l’unité nationale, de la cohésion et de la diversité. Sur un effectif (hormis gendarmerie, police, douane, eaux et forêts) prévisionnel de 30.000 hommes incluant ex-Fds et ex-rebelles, si 11.000 hommes appartiennent à une même zone ethnique, cela pose un grave problème à la fois éthique, structurel qui pourrait avoir à la longue, des conséquences sécuritaires.
Au plan éthique, il s’agit clairement d’une armée particulière au sein d’une armée globale. Ce qu’on ne verrait jamais dans une démocratie. La France qui a activement aidé le régime ivoirien actuel à s’installer devrait regarder de près ce qui est en train de se construire. Surtout que l’Elysée a dépêché un conseiller militaire auprès du nouveau chef de l’Etat.
En plus, il y aura forcément un problème de commandement. Car, ces 11 000 soldats recrutés dans les conditions que l’ont sait se sentent plus proches des Com’zones et autres chefs de guerre de l’ex-rébellion, que des officiers des forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci). Un autre problème existant déjà se trouvera exacerbé par la présence de cette armée de 11 000 hommes aux allures de milice tribale. C’est la suspicion et la crise de confiance.
Cherchant à sortir de l’une des plus grandes crises de son histoire, la Côte d’Ivoire sous Alassane Dramane Ouattara devrait avancer avec tous ses fils et filles sans poser des actes qui sentent à mille lieues, l’exclusion, l’injustice et le tribalisme. D’autant que c’est justement contre ces travers que le chef de l’Etat s’est engagé de lutter. Il l’a indiqué dans son discours d’investiture le 21 mai dernier à Yamoussoukro. Se considérant comme une victime de l’ivoirité, de l’exclusion et du tribalisme, le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, doit donner aujourd’hui des gages aux populations ivoiriennes qu’il est « l’homme du changement » comme il l’avait promis. Et cela passe par la prise de décisions pour conduire le pays vers la réconciliation, l’unité et la paix. Et non celles qui pourraient les diviser davantage et accroître leur anxiété en l’avenir.
Didier Depry (didierdepri@yahoo.fr)