Après les affrontements entre Frci et populations Agni : Arrah, une ville morte et divisée

Publié le vendredi 17 février 2012 | Notre Voie - La ville d’Arrah, située sur l’axe routier Bogouanou-Bonahouin, dans la région du N’Zi Comoé, a connu une vive tension, dimanche et lundi

Soldat FRCI dans l'Ouest ivoirien.

Publié le vendredi 17 février 2012 | Notre Voie - La ville d’Arrah, située sur l’axe routier Bogouanou-Bonahouin, dans la région du N’Zi Comoé, a connu une vive tension, dimanche et lundi

derniers, suite à des affrontements entre les populations autochtones Agni et les Frci soutenus par les Malinké. 72 h après ces violences, Arrah est une localité défigurée où règne désormais la méfiance entre les communautés.
Mercredi 15 février, il est 12 h 31min lorsque notre équipe de reportage arrive à Arrah. Le vent sec de l’harmattan balaie la ville. L’atmosphère est lourde. La commune est dans un silence de tombe. Les véhicules sont peu visibles dans la circulation. Au corridor d’entrée de la ville, on constate la présence des soldats de l’Onuci. Ils sont détendus et donnent même le sentiment de se tourner les pouces. Juste après le barrage, un hapatam détruit, gît à même le sol. Les charpentes ont été cassées. Quelques mètres plus loin, des tables renversées. Une boutique apparemment pillée est visible. La toiture emportée ainsi que les marchandises. A l’opposé de la voie, il y a les restes d’un maquis-restaurant incendié. On peut voir les charpentes de bois calcinées, des tessons de bouteille éparpillées et un impressionnant amas de cendre. Les habitations n’ont pas échappé à la furia. Certaines ont été incendiées, d’autres démolies. Il n’y a vraiment pas d’animation dans les rues. Très peu de personnes circulent. Un fait notable qui retient l’attention, c’est la présence de groupuscules de personnes le long de la voie principale. Les jeunes gens sont rassemblés en groupe et dévisent. Chaque mouvement d’inconnu suscite des regards.

Désolation à Belleville et Akpatasso

Belleville, un des sous-quartiers de la commune où il y a une forte concentration d’autochtones Agni. Ici, c’est la désolation. De nombreuses maisons calcinées dégagent une odeur suffocante. Devant certaines habitations, il y a un amas de cendre qui témoigne de l’ampleur des dégâts. Les murs des habitations ont cédé sous l’effet de l’incendie et présente de larges fissures. Les maisons épargnées sont restées fermées. Les occupants ont fui la ville ou ils sont encore terrés chez eux. Il y a beaucoup d’habitations dont les portes sont défoncées. Il en est de même pour certains magasins ou petits commerces qui ont été littéralement pillées avant d’être saccagées. C’est le cas de la Superette de M. N’Doli Eponon situé à la rue commerciale de Belleville II.

Djoulakro plus animé que les autres quartiers de la ville

Cette Superette existe depuis de longues années et constitue une référence à Arrah. N’Doli Eponon estime à près de 51 millions de Fcfa, le coût des dégâts. Un huissier de Justice était présent sur les ruines pour la constatation du sinistre. A quelques mètres de là, un bazar tout aussi célèbre a été pillé pendant deux jours. «Des pousses-pousses ont été mobilisés pour piller le magasin alors que les soldats de l’Onuci étaient présents», soutient un témoin. Ekpatasso, le sous-quartier qui abrite la cour royale, n’a pas été épargné. Des appatams détruits, des habitations incendiées, des pneus brûlés, des tessons de bouteilles jonchant partout. Ici, il y a un semblant de normalisation. Dans certaines cours, des femmes s’affairent au ménage. Les jeunes sont regroupés par endroits. On peut imaginer qu’ils parlent de la situation qui prévaut. Au marché d’Arrah. Les tables sont vides. Les boutiques et les commerces sont hermétiquement fermés. Quelques rares magasins ont ouvert, mais il n’y a aucun client. Par mesure de précaution, la plupart des commerçants ont juste ouvert un battant de leur portail. Il règne une atmosphère de calme. Bien qu’ayant échappé aux pillages, certains commerces ont leurs portes métalliques détruites. C’est le cas pour Adama Sangaré, un commerçant malien. «On a détruit toutes mes machines ainsi que ma marchandise», soupire-t-il.

La résidence privée du Roi pillée et incendiée

Nous arrivons au sous-quartier Djoulakro qui abrite une forte communauté malinké. L’atmosphère qui y règne tranche avec la tension dans les autres sous-quartiers de la ville. Ici, il y a plus d’animation. On rencontre davantage de personnes dans les rues. De nombreuses boutiques sont ouvertes et reçoivent de la clientèle comme d’ordinaire. Aux abords des rues, il y a des femmes vendent de l’alloco et des beignets. Notre équipe est même interpelée par un vendeur de viande. «Il y a un Kilo de viande», dit le vendeur. «Merci, c’est gentil», ai-je répondu avant de continuer.
Contrairement à Akowonin, Ekpatasso et Belleville, les maisons à Djoulakro n’ont pas été touchées. De ce côté de la ville, on n’a pas le sentiment qu’Arrah a connu des affrontements meurtriers. Chez Adama Sangaré, chef de la communauté malinké et ailleurs, il n’y a rien à signaler. Hormis l’artère principale du sous-quartier où des pneus ont été incendiés ainsi que quelques tables cassées. Seul élément à relever, la présence de gendarmes, à proximité la résidence de M. Adama Sangaré. Il est un peu plus de 15 h quand nous atteignons le quartier résidentiel situé au nord de la ville. Un détachement des soldats de l’Onuci dans des chars et des véhicules de type 4X4 traversent la ville. Leur passage n’émeut pas les populations. Quelques centaines de mètres plus loin, un dispositif composé d’éléments de la gendarmerie et des casques bleus.
Tout près, deux hommes en tenues militaires sont assis à côté d’un barrage de fortune. Ce sont des éléments des Frci. Ils causent. Quartier résidentiel, de nombreuses maisons ont été pillées et incendiées. Parmi elles, la résidence privée du Roi d’Arrah, Nanan Tehoua II. C’est une grande villa qui en imposait.Aujourd’hui, elle est menacée d’écroulement. Outre le roi, plusieurs cadres identifiés comme des militants pro-Gbagbo ont également leurs habitations détruites. Il s’agit de Kouamé oi Kouamé, frère aîné du président Front populaire ivoirien, Pascal Affi N’Guessan (prisonnier politique). Dongo Assanvo, secrétaire national du Fpi chargé des fédérations du N’Zi Comoé ; Kouamé Anoh, enseignant à la retraite et N’Guessan Ahoundjo. Chez M. Ahoundjo, un engin des travaux publics et un véhicule stationnés dans le parking ont été également incendiés. Un peu plus de 16 h, notre équipe de reportage quitte Arrah, après avoir rencontré les responsables des différentes communautés Agni et Malinké, pour tenter de comprendre les affrontements survenus. Après les folles journées de dimanche et lundi derniers, le calme est certes revenu mais Arrah est loin d’avoir retrouvé son animation habituelle. Tous les établissements scolaires sont fermés, à l’instar de la plupart des services publics. Les communautés Agni et Malinké se regardent en chiens de faïence malgré les assurances du ministre délégué à la défense, Paul Koffi Koffi, qui a lancé un appel à la paix. Le bilan officiel fait état de 3 morts et de plusieurs blessés n

César Ebrokié