Alternance 2020/ Dosso Aboubakary: « Avec ou sans le Rdr, le Pdci doit être prêt à prendre le pouvoir en 2020 » (Interview)

Par Soir Info - Alternance en 2020/ Les déclarations de Dosso Aboubakary « Avec ou sans le Rdr, le Pdci doit être prêt à prendre le pouvoir en 2020 » (Interview).

Le débat sur le Pdci réunifié et l’alternance en 2020 a été relancé après le dernier Bureau politique du Rdr et la sortie médiatique du secrétaire général dudit parti, Amadou Soumahoro. Ancien vice-président de la jeunesse du PDCI, Dosso Aboubakary s'est livré dans une interview réalisée par nos confrères du journal Soir Info.

Dans cette interview qu’il nous a accordée, Dosso Aboubakary dit haut ce que d’aucuns pensent tout bas au sein de son parti, le Pdci-Rda. Membre du Bureau politique, ancien vice-président de la jeunesse sous Koudio Konan Bertin (KKB) et actuel président de l’Observatoire pour la réussite de l’appel de Daoukro (Orad), ce cadre du Pdci gratte où ça démange.

Il y a un peu plus d’un an, le président Bédié lançait l’appel de Daoukro. En tant que président de l’Observatoire pour la réussite de l’appel de Daoukro (Orad), quel bilan faites-vous de cet appel ?

Pour nous, le bilan de l’appel de Daoukro est positif. Comme nous nous plaisons à le dire au niveau de l’Orad, cet appel repose sur un trépied ; deux des piliers ont été réalisés, à savoir l’investiture du président Alassane Ouattara comme candidat unique du Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix) et sa réélection à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2015. Ces deux axes ayant été concrétisés, nous en déduisons que l’appel de Daoukro est à 100% réussi.

Peut-on vraiment dire que l’appel de Daoukro a réussi à 100%, alors que la question du parti unifié coince ?

Effectivement, nous avons tous appris par la presse, que le Bureau politique du Rdr n’est pas favorable à l’idée que les dirigeants de ce parti, retournent au Pdci conformément au vœu du président Bédié. En tant qu’observateur de l’appel de Daoukro, nous nous inquiétons. Comme aime à le dire le secrétaire exécutif du Pdci, le Professeur Guikahué, l’appel de Daoukro est un tout, un package ; on ne peut en prendre un et laisser l’autre. Comme vous l’avez rappelé, cet appel de Daoukro prend en compte le parti unifié, c’est pourquoi nous sommes inquiets après la position adoptée par le Bureau politique du Rdr. Nous exprimons notre indignation suite à cette décision qui, selon nous, va fragiliser les relations entre les partis membres du Rhdp.

Au Rdr, on reproche à votre parti, le Pdci, d’avoir changé les règles du jeu en passant de l’idée de parti unifié Pdci-Rdr au Pdci réunifié. N’est-ce pas ceci qui explique cela ?

Non, je ne crois pas. Car, à la vérité, rien n’a changé ou plutôt si quelque chose a changé, c’est en vue de consolider les liens entre les partis membres du Rhdp. Le président Bédié est un visionnaire. C’est vrai qu’il avait fait une première proposition, mais en faisant cette deuxième proposition, il n’est guidé que par le souci d’un meilleur brassage entre les différents partis du Rhdp. Car, à l’origine, tous ces partis sont sortis du Pdci, donc ce nouveau projet du président Bédié vise à améliorer la première idée qu’il a lancée dans le cadre de l’appel de Daoukro.

En fait, le Bureau politique du Rdr a dit être pour le parti unifié et non le Pdci réunifié…

Je ne crois pas qu’ils aient dit qu’ils sont pour le parti unifié. Le Bureau politique du Rdr a clairement exprimé son refus de la proposition du président Bédié de voir le Rdr retourner au Pdci. Ils ont dit qu’ils vont mener des réflexions en interne pour voir dans quelle mesure les partis du Rhdp pourraient se mettre ensemble. A l’Orad, nous pensons que les uns et les autres doivent privilégier l’intérêt national et se départir des calculs tendant à faire croire qu’on peut gagner seul. Nous avons prouvé au Rhdp que, unis, nous sommes forts ; nous l’avons prouvé depuis les élections de 2010 à ce jour. Je pense que c’est pour consolider cette union que le président Bédié a lancé l’idée de Pdci réunifié.

Avant le Bureau politique du Rdr, le secrétaire exécutif du Pdci avait déclaré que la proposition de Bédié d’appeler au retour de tout le monde au Pdci tenait lieu d’instruction. N’est-ce pas cela qui a fâché le Rdr ?

Le président Bédié n’est pas le président du Rdr. Les instructions qu’il peut être amené à donner, et auxquelles faisait allusion Pr Guikahué, ne concernent sûrement que le Pdci et ses militants.

Comment avez-vous accueilli les déclarations faites par le secrétaire général du Rdr, Amadou Soumahoro, quelques jours après le Bureau politique de son parti ?

La sortie médiatique d’Amadou Soumahoro, tout comme celle du porte-parole du Rdr, Joël N’guessan, sont des sorties confligènes. Nous sommes offusqués par de tels propos incendiaires. Quand on est secrétaire général d’un parti, fut-ce par intérim, ou porte-parole d’un parti, on ne parle pas comme le militant lambda. A ce stade de responsabilité, ce que vous dites a un impact sur les militants de base. De tels propos ne sont pas de nature à préserver la paix que la mise sur pied du Rhdp et l’appel de Daoukro ont permis d’instaurer. Si Bédié a lancé l’appel de Daoukro, c’est pour consolider la paix et la stabilité ; il faut donc que nos propos s’inscrivent dans cette dynamique. En tant qu’observateur, nous nous élevons donc contre les déclarations de ces deux personnalités du Rdr, parce qu’elles mettent à mal l’appel de Daoukro.

En réaction à ces déclaration d’Amadou Soumahoro, la jeunesse du Pdci a produit un communiqué pour demander au président Bédié de suspendre sa participation au Rhdp, et aux ministres issus du Pdci de se préparer à sortir du gouvernement. Partagez-vous leur position ?

Je pense qu’en faisant cette sortie, la jeunesse du Pdci voulait exprimer son mécontentement devant ce qui se passe mais aussi exprimer son inquiétude face à la position arrêtée par le Bureau politique du Rdr, en réponse à la proposition faite par le président Bédié, d’appeler au retour au Pdci de tous les autres partis du Rhdp. Comme on dit, il faut que jeunesse se fasse, elle s’est donc exprimée avec son tempérament. Comme vous avez pu le constater, Bédié, en homme de grande sagesse, a mandaté le porte-parole du Pdci pour appeler les uns et les autres au calme. Il a dit que lui et son frère, le président Ouattara, sont en phase. Nous faisons confiance aux deux leaders.

Au point où en sont les relations entre le Pdci et le Rdr aujourd’hui, croyez-vous vraiment que Bédié et Ouattara sont encore en phase ?

Le président Bédié a démontré jusque-là que la parole est d’or ; il n’a jamais trahi sa parole. Et nous faisons confiance au président Ouattara. Nous savons qu’il ne trahira pas la confiance que le président Henri Konan Bédié a placée en lui, que nous autres, cadres du Pdci, avons placée en lui, malgré la grogne de la base. Nous avons dû tout mettre en œuvre pour les convaincre de suivre le guide qu’est Bédié. Cependant, le Pdci doit se préparer à toutes les options. Avec ou sans le Rdr, il doit se tenir prêt à prendre le pouvoir en 2020. Nous devons nous mettre dans la peau d’un parti politique qui s’apprête à reconquérir le pouvoir d’Etat !

La déclaration de Kobena Adjoumani, à laquelle vous faisiez tantôt allusion, a été perçue par certains comme un acte de trahison de Bédié. Voyez-vous les choses de la même façon ?

Je tiens à souligner que la déclaration dont vous parlez a été faite par le porte-parole du Pdci ; il ne s’agit donc pas d’une initiative personnelle du ministre Adjoumani. Il a parlé au nom du président du Pdci-Rda. A travers ce communiqué, le président Bédié a dit qu’il était en phase avec son frère Alassane Ouattara, et qu’ils se retrouveront pour discuter. Nous encourageons les deux leaders à se retrouver pour faire en sorte que l’appel de Daoukro ne soit pas foulé aux pieds. En même temps, je voudrais faire remarquer que la position du Bureau politique du Rdr doit interpeller le Pdci, en ce sens que le Pdci ayant vocation à prendre le pouvoir pour l’exercer, il doit se donner les moyens de reprendre le pouvoir en 2020. Et cela, même si, par extraordinaire, certains cadres du Rdr n’étaient pas prêts à soutenir l’alternance en faveur du Pdci en 2020. C’est pourquoi, nous invitons nos aînés à changer de discours. Nos militants doivent se mettre en tête que le Pdci doit reconquérir le pouvoir, avec ou sans un allié !

Est-ce à dire que votre parti doute que le Rdr puisse se plier à l’alternance au profit du Pdci en 2020 ?

Non, nous n’avons aucun doute. Nous faisons entièrement confiance aux leaders du Pdci et du Rdr. Cependant, nous sommes en politique où tout peut arriver. Il importe donc que le Pdci prenne toutes ses dispositions de sorte que si, par extraordinaire, le Rdr ne respectait pas la parole donnée, que le Pdci ait toutes les cartes en main pour reprendre le pouvoir.

D’aucuns estiment que c’est dans la perspective de l’alternance prévue pour 2020, que Bédié a justement proposé que tout le monde revienne au Pdci. Ce qui devrait donner l’opportunité à certaines personnalités issues du Rdr de prétendre à la succession de Ouattara en 2020, en se réclamant du Pdci-Rda. Faites-vous la même analyse ?

Il ne s’agit nullement de faire une analyse. L’appel de Daoukro est suffisamment clair sur la question. Il dit que le Pdci doit soutenir la candidature du président Ouattara à l’élection présidentielle de 2015, ce qui a été fait. Il dit également que les partis membres du Rhdp, notamment le Pdci et le Rdr, doivent constituer un parti unifié. Enfin, l’appel de Daoukro dit qu’en 2020, l’alternance doit se faire au profit du Pdci-Rda. Autrement dit, le Pdci doit exercer le pouvoir en 2020. Il ne s’agit pas de faire une analyse mais de s’en tenir à ce gentleman agreement.

En fait, ce que nous voulons dire, c’est qu’en appelant au retour de tout le monde au Pdci, certains cadres du Rdr, dont vous n’ignorez pas les ambitions, pourraient prétendre à la succession de Ouattara en se réclamant du Pdci. Les cadres de votre parti ne courent-ils pas le risque de voir la fameuse alternance leur filer entrer les doigts ?

Ce que vous dites n’est pas faux, mais je pense que nos aînés devraient pouvoir s’entendre sur cette question. Le moment venu, on devrait savoir qui partira d’où pour devenir quoi. Pour moi, quand Bédié parlait d’alternance en faveur d’un cadre du Pdci, c’est bien du Pdci actuel qu’il parle, c’est-à-dire le Pdci des Ahoussou Jeannot, Niamien N’goran, Niamkey Koffi et bien d’autres. Donc si un cadre du Pdci devait être candidat pour succéder au président Ouattara en 2020, ce serait parmi ceux-là.

Avec un tel discours, le Pdci ne court-il pas le risque de braquer le Rdr contre lui ?

Non, pas du tout. Car comme je l’ai dit, l’appel de Daoukro dit qu’en 2020, c’est un cadre du Pdci qui doit prendre le pouvoir. Mais comme nous sommes en politique, si par extraordinaire l’allié venait à renier sa parole, il faut que le Pdci soit prêt à prendre le pouvoir.

A'D.
avec Soir Info