Alphonse Djédjé Mady, candidat à la présidence du Pdci-Rda : « Il serait bien pour Bédié de passer la main »

Le 04 septembre 2013 par Notre Voie - Alphonse Djédjé Mady « Il serait bien pour Bédié de passer la main ».

Dans la seconde partie de l’interview qu’il a accordée à Notre Voie, le professeur Djédjé Mady, Secrétaire général du Pdci-Rda et candidat à la présidence du parti, parle de la démocratie en ballotage au sein de la plus vieille formation politique ivoirienne.
N.V : Monsieur le secrétaire Général, quand vous faites le point, qu’est-ce que le RHDP vous a rapporté ?
A.D.M: Beaucoup de choses. Le bilan, c’est que l’Alliance a réussi au moins à mettre un terme à la crise postélectorale, à faire en sorte que les résultats proclamés de la présidentielle soient respectés et qu’aujourd’hui on se mette ensemble pour essayer d’aider celui qui aura gagné à mettre de l’ordre et à mettre la Côte d’Ivoire au travail.

N.V : Nous posons la question parce que de nombreux militants du Pdci…
A.D.M : J’ai compris la question, mais pour le moment, je ne peux pas parler en termes de postes mais en termes d’intérêt général. Parce que ceux qui se plaindront toujours parce qu’ils n’ont pas eu de postes, ils sont nombreux à commencer par moi-même puisque vous me regardez ainsi. L’idée d’Houphouët-Boigny par rapport à l’avenir de la Côte d’Ivoire est connue, mais aussi son idée pour le rôle de la Côte d’Ivoire en Afrique et dans le monde. Ce sont des principes de base que nous partageons avec les membres du Rhdp. Maintenant quel est le rôle qu’on donne à chacun, ça c’est la question.

N.V : On vous a vu au plus fort de la crise vous battre pour défendre le Rhdp. Etes-vous satisfait aujourd’hui de la façon dont les choses sont conduites dans le pays ?
A.D.M : Vous savez, un grand effort est en cours. Si on peut le citer, le Président Gbagbo disait qu’ « on ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un gala ». La Côte d’Ivoire a quand même connu dix ans de guerre avec des morts. Et je crois que le plus important aujourd’hui, c’est la volonté qui doit nous animer d’aller à la réconciliation. On doit comprendre que c’est un processus délicat et lent qui n’avance pas au gré de nos souhaits. Mais au moins, il est en cours. Faire en sorte que les Ivoiriens se retrouvent et se réconcilient, faire en sorte que ce passé douloureux puisse être oublié et qu’ensemble, quelque soient nos options politiques, nous apportions tous notre contribution à l’édification de notre pays et que la démocratie se joue. Aujourd’hui une tendance peut gagner, demain ça peut être le tour d’une autre comme on le voit dans les pays qui nous entourent. En pleine période de guerre, le Mali organise des élections, le perdant vient féliciter le vainqueur. Comprendre que si on va à des élections, on peut perdre comme gagner, et que si on perd, ce n’est pas la fin du monde, en revanche si on gagne, on est au service de tout le monde. C’est cela qui doit nous guider. Et dire aujourd’hui que la Côte d’Ivoire a retrouvé la sérénité comme par le passé, avant la crise, je ne le dirai pas. L’effort doit se faire au niveau de tout le monde parce que ce n’est pas facile de sortir de la guerre. Nous n’avons pas tous la même sensibilité, nous n’avons peut-être pas tous subi les dégâts de la même manière. Mais il y a une volonté d’aller à la réconciliation, si je tiens compte de ce que quelques leaders du Fpi viennent d’être libérés. Pourvu que tout cela continue et contribue au rapprochement des frères et sœurs que nous sommes. Beaucoup de choses restent à faire et c’est ensemble que nous devons les faire.

N.V : La presse proche du Rdr vous assimile à un adversaire d’Alassane Dramane Ouattara parce que vous êtes candidat contre Bédié. Qu’en dites-vous ?
A.D.M : S’ils avaient raison de considérer que je suis un adversaire du Président Ouattara, je ne serais pas candidat. Dans la plateforme de l’alliance, il est clairement écrit qu’au cours de l’élection présidentielle, chaque parti est libre de présenter un candidat. Au 2ème tour, on soutient le mieux placé. Et nous ne sommes pas entrain d’arrêter des candidatures à l’élection présidentielle. Nous sommes en train de régler des problèmes internes au Pdci-Rda. Demain, le Rdr peut aller au congrès tout comme l’Udpci ou le Mfa qui vient d’effectuer sa rentrée politique. Il y a l’autonomie de chaque parti politique qui est reconnue au sein de l’alliance. Donc celui qui dit que le Pdci aura un candidat en 2015 ne trahit pas la plateforme du Rhdp. Vous savez, concernant la question, Anaky Kobenan a crié haut et fort la nécessité pour le Rhdp d’avoir un candidat unique au 1er tour lors de la présidentielle 2010, il n’a pas été écouté parce qu’on a voulu mettre en application cette base de l’alliance qui fait que chaque parti garde son autonomie et qu’on soutient celui qui est le mieux placé au 2ème tour. Chacun a eu un candidat au 1er tour, le mieux placé était le candidat du Rdr, le Rhdp l’a soutenu. S’il se trouve demain qu’on renégocie, et qu’on dit en Rhdp, avant d’aller à la présidentielle, on aura un seul candidat, cette nouvelle base de négociation, si elle est acceptée par tous les partis, sera applicable. Mais pour le moment, ce qui lie les quatre partis du Rhdp, c’est ce que je vous ai expliqué. Donc une candidature à la tête du Pdci ne signifie pas qu’on est candidat conte le président Alassane Ouattara. Sinon le président Bédié, candidat au Pdci, dans cette logique, serait alors candidat contre le président Alassane Ouattara ?

NV : Si vous avez un tête-à-tête avec Henri Konan Bédié, qu’allez-vous lui dire ?
A.D.M : Je lui parlerais avec toute la courtoisie que cela requiert parce qu’on n’est pas en conflit et jusqu’à preuve du contraire, c’est le président du parti jusqu’au nouveau congrès. C’est aussi mon aîné. Je lui dirai qu’il faut que le congrès se tienne dans le calme pour que le Pdci sorte de ce congrès avec une cohésion renforcée.

N.V : Allez-vous lui dire, par exemple, de ne pas se présenter ?
A.D.M : Ce n’est pas mon rôle d’interdire les candidatures. Je lui rappellerais peut-être si l’occasion m’était donnée, que voici ce que disent les statuts, qu’il gagnerait en grandeur, en honorabilité, en respectant les textes, parce qu’il sait ce que c’est que respecter les textes. Pour moi, il serait bien qu’il soit un Mandela ivoirien. C’est-à-dire aujourd’hui, avec la notoriété qui est la sienne, qu’il soit le président d’honneur du Pdci-Rda auquel le Président de la République, lui-même, se réfère en tant qu’aîné, et auquel les responsables du Pdci pourraient avoir recours sur des sujets importants. Je pense qu’aujourd’hui, il serait bien qu’il passe la main.

N.V : Un secrétariat général du Pdci convoqué par Maurice Kakou Guikahué s’est tenu récemment contre votre gré comme si vous aviez été démis. Comment appréciez-vous cette situation ?
A.D.M : Qui peut me démettre? Celui qui a présidé la réunion continue de signer secrétaire général adjoint. Il est l’adjoint de qui ?

N.V : Mais des membres du secrétariat général ont effectivement participé à la réunion qu’il a convoquée?
A.D.M : C’est de l’indiscipline. Mais cela est un autre problème. Aux termes des statuts du Pdci, c’est vrai que c’est le président élu qui choisit un secrétaire général qu’il présente au congrès. Le congrès peut ne pas accepter. Moi, je le dis avec toute l’honnêteté nécessaire, c’est par la volonté du président Bédié que je suis secrétaire général du Pdci-Rda puisque c’est lui qui m’a présenté au congrès qui m’a élu. Je lui dois cela et il n’y a vraiment pas de problème. Le Secrétaire général ne peut donc être démis que par le congrès. Le président du parti qui l’a proposé, lui-même, au congrès ne peut pas le démettre. Quel est donc ce responsable du Pdci-Rda qui peut démettre un secrétaire général ? Comme on entend un autre jeune affirmer qu’il parle désormais au nom de la jeunesse. Ecoutez, la presse a une lourde mission. C’est de contribuer à l’éducation politique de la population. Quelqu’un élu par un congrès ne peut être déposé ainsi.
Seul le congrès doit le faire, c’est cela qu’on appelle le parallélisme des formes. Les conditions dans lesquelles le secrétaire général est élu sont dans les statuts tout comme les conditions dans lesquelles il doit être remplacé. Il y a deux conditions qui permettent au président de pourvoir au poste de secrétaire général. Ce sont les cas de décès et de démission. Dans ces cas, le président du parti présente une personne au bureau politique qui entérine la décision et celle-là devient le secrétaire général. C’est écrit dans les textes. Or, je ne suis pas encore mort, je n’ai pas démissionné et le président Bédié n’a pas encore présenté une personne au bureau politique. Le bon sens devrait nous habiter et la haine devrait avoir des limites. Il faut qu’il y ait la sérénité, il faut qu’il y ait la liberté d’expression, le dialogue. Il faut que la démocratie se joue au sein du Pdci-Rda. Que le Pdci évite la manipulation et les manœuvres grossières dans ses rangs. Qu’il reste uni et cohérent, et que nous allions au congrès pour que celui qui sera choisi soit le leader autour duquel tout le monde se retrouve. C’est ce que devrait être, à mon sens, le Pdci-Rda.

Interview réalisée par Boga Sivori et Armand Bohui