Manipulée par la France: La Cedeao est-elle encore crédible ?

Le 21 février 2012 par Notre voie - Manipulée par la France, pour des intérêts économiques et géostratégiques, incapable de se prendre en charge notamment au plan

Chefs d'Etats membres de la CEDEAO.

Le 21 février 2012 par Notre voie - Manipulée par la France, pour des intérêts économiques et géostratégiques, incapable de se prendre en charge notamment au plan

sécuritaire ; prise en otage par des dictateurs françafricains présents en son sein ; malade de son leadership depuis plus d’une dizaine d’années, la Cedeao poursuit inexorablement sa descente aux enfers. Au grand dam des populations qui ne croient plus en elle. La nouvelle présidence en exercice ouverte au terme du 40ème sommet des chefs d’Etat tenu à Abuja (Nigeria), les 16 et 17 février dernier, ne changera rien. Bien au contraire.

Créée le 28 mai 1975, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’a jamais véritablement pu réaliser son objectif majeur d’intégration des 15 Etats de la sous-région. Les pays membres de la Cedeao étaient 16 au départ. Mais avec le retrait, en 2001, de la Mauritanie, la Cedeao compte désormais 15 membres. Avec une superficie de 5,1 millions de km2 soit 17% de la superficie totale du continent africain, la Cedeao regroupe une population estimée en 2006 à 261,13 millions d’habitants. Elle est la 25ème économie du monde. De nombreux pays membres de la Communauté regorgent de richesses naturelles et minières variées : or, diamant, fer, pétrole, cacao, café, hévéa, uranium etc. Comme on le constate, la Cedeao possède des atouts pour son développement et son autodétermination. Malheureusement, ces 15 Etats ont toujours piétiné leur propre souveraineté pour demeurer à la remorque de certaines puissances occidentales notamment la France. Perdant ainsi leur crédibilité au fil des années. La France et certains autres pays développés s’appuient sur des chefs d’Etat de la Cedeao pour piller, via des conflits armés, les richesses de l’espace.
Ce fut le cas du pétrole nigérian convoité par la France qui soutiendra avec des mercenaires et des armes, les rebelles sécessionnistes du Biafra. La Côte d’Ivoire sous Houphouët-Boigny jouera aux côtés de la France, un rôle néfaste, durant cette rébellion armée déclenchée en mai 1967 et qui durera plus de deux ans.

Le Biafra, la France
et Houphouët

Faisant plus d’un million de morts. Le Français Philippe Letteron entré en 1963 au Secrétariat de la Présidence de la République française pour les affaires africaines et malgaches, et ayant effectué plus d’une dizaine de missions au Biafra pendant la guerre, a témoigné, dans ses mémoires, du rôle de Paris dans le drame nigérian. Plus de 33 ans après la guerre du Biafra, la Cedeao ne s’est toujours pas émancipée. Certains régimes sont protégés par des bases militaires installées dans les pays (Côte d’Ivoire, Togo, Sénégal) ; l’intégration économique est un échec et la France continue d’imposer ses choix politiques au nom de ses intérêts.
Comme en 1967 au Biafra, la France a activement encadré et soutenu la rébellion armée déclenchée en 2002 en Côte d’Ivoire. Comme en 1967, Paris s’est appuyé sur un pays de la Cedeao pour déstabiliser un autre Etat de la Cedeao.

Le drame ivoirien
et la Cedeao

En 1967, c’était la Côte d’Ivoire d’Houphouët contre le Nigéria; en 2002, ce fut le Burkina Faso de Blaise Compaoré contre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo. Président en exercice de la Cedeao, c’est sur le perron de l’Elysée, le 16 septembre 2002, après un entretien avec le chef de l’Etat français, Jacques Chirac, que le Président sénégalais, Abdoulaye Wade, a annoncé la guerre en Côte d’Ivoire. Deux jours plus tard, alors que ni les populations ni le gouvernement de Côte d’Ivoire ne s’y attendaient, des rebelles pro-Ouattara tentent un coup d’Etat mué en rébellion armée. Qui occupe le nord du pays. Bien qu’il fût président en exercice de la Cedeao, Abdoulaye Wade avait torpillé les négociations de paix de Lomé (Togo) entre le gouvernement ivoirien et les rebelles. Des négociations conduites par le chef de l’Etat togolais, Gnassingbé Eyadema, et placées sous l’égide de la Cedeao. Wade a sabordé le travail de la Cedeao, à la grande colère d’Eyadema, pour que triomphe le complot français de janvier 2003 contre le Président ivoirien d’alors, Laurent Gbagbo. A travers la fameuse table-ronde de Linas-Marcoussis puis de Klébert.
La situation ivoirienne s’est dégradée au gré des humeurs de l’Elysée qui voulait la tête de Gbagbo.

Paris installe son «pion»

Qu’il a fini par obtenir, en avril 2011, après une action militaire de l’armée française. Son «pion» installé au pouvoir à Abidjan et les richesses du pays placées sous le contrôle de l’hexagone, la France ne cache pas sa joie. Mais avant, la Cedeao a été mise à contribution pour ramener la Côte d’Ivoire dans «l’empire français». Tous les présidents en exercice de la Cedeao ont eu leur part de combat pour la cause de la France. Abdoulaye Wade (2001-2003), John Agyekum Kufuor (2003-2005), Mamadou Tandja (2005-2006), Blaise Compaoré (2006-2008), Umaru Yar’Adua (2008-2010) et Goodluck Jonathan (2010-2012). Même le très controversé président de la commission de la Cedeao, James Victor Gbého, qui occupe pourtant ce poste depuis le 16 février 2010 grâce au soutien de la Côte d’Ivoire de Gbagbo n’y est pas allé par le dos de la cuillère. C’est lui qui jugeait qu’un recomptage des voix du deuxième tour de la présidentielle ivoirienne serait une grosse injustice. L’incarcération illégale de Laurent Gbagbo à la Cpi depuis le 29 novembre 2011 sur ordre de la France avec le soutien de la Cedeao suscite une vague de colère au sein des populations de la communauté ouest-africaine voire du continent tout entier. Les populations en ont marre visiblement de voir une Cedeao et une Union africaine sous tutelle de l’Occident.
Et alors que les populations étaient en droit d’attendre que la CEDEAO affirme sinon son indépendance au moins son autonomie, avec Alassane Ouattara à sa tête, ce n’est rien moins que la perpétuation de la domination occidentale.

Didier Depry didierdepri@yahoo.fr