Afrique-Chine : un sommet pour prendre date

Par Le Point - Afrique-Chine. Un sommet pour prendre date.

Le président chinois Xi Jinping à l'ouverture du sommet sino-africain ce 3 septembre 2018. © LINTAO ZHANG / POOL / AFP.

Le 7e Forum sur la coopération sino-africaine ouvert à Pékin va permettre de mieux sonder la réalité des relations du continent avec l'empire du Milieu qui est désormais son premier partenaire commercial.

PAR LE POINT AFRIQUE

Voilà un sommet qui tombe à pic. En pleine guerre commerciale avec l'Amérique de Donald Trump, la Chine et son président Xi Jinping devraient profiter de cette rencontre pour montrer combien la Chine est un pays « ami » là où le président américain est accusé de parler de « pays de merde ». De quoi mettre en valeur les nombreux investissements, particulièrement dans les infrastructures, que la Chine assure à coups de milliards de dollars sur le continent.

« En Afrique, Pékin cherche à allonger sa liste toujours plus longue de pays amis, particulièrement dans le nord et l'ouest francophone du continent, témoigne Adebusuyi Isaac Adeniran, expert à l'université Obafemi Awolowo, au Nigeria, cité par l'AFP.

À l'occasion donc de ce septième Forum sur la coopération sino-africaine, un rendez-vous qui a lieu tous les trois ans, alternativement en Chine et en Afrique, le président chinois Xi Jinping est l'hôte pendant deux jours de nombre de dirigeants africains dont, entre autres, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Nigérian Muhammadu Buhari, l'Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, l'Ivoirien Alassane Ouattara ou encore le Sénégalais Macky Sall.

La Chine au centre du jeu économique...

Il faut dire que Pékin a su bien jouer et séduire progressivement le maximum de pays du continent au détriment de son rival, Taiwan qui n'a plus que le petit eSwatini (ex-Swaziland) comme partenaire. En effet, tous les pays d'Afrique reconnaissent désormais le régime communiste, le Burkina Faso ayant rompu cette année ses liens avec le gouvernement rival de Taïwan. Et Pékin a ouvert l'an dernier à Djibouti sa première base militaire à l'étranger.

Vu du côté africain, « le besoin d'argent chinois occupera le devant de la scène » lors du forum de Pékin, prédit encore Adebusuyi Isaac Adeniran. L'argent, le président Xi ne demande pas mieux que d'en prêter à l'Afrique, d'ores et déjà incluse dans ses « Nouvelles routes de la soie », un projet pharaonique de construction d'infrastructures destinées à relier la deuxième économie mondiale à ses partenaires commerciaux.

« L'initiative sera probablement étendue afin d'y incorporer la totalité de l'Afrique », prévoit Cobus van Staden, spécialiste des relations Chine-Afrique à l'Institut des affaires internationales (Afrique du Sud). Pour rappel, lors du dernier sommet, à Johannesburg en 2015, Xi Jinping avait annoncé une enveloppe de 60 milliards de dollars en aides et en prêts à destination des pays africains.

... mais des signes d'inquiétude apparaissent ici et là

Il faut savoir que les entreprises publiques chinoises, en mal de matières premières, ont aussi investi massivement dans des pays comme le Soudan du Sud ou la République démocratique du Congo. Mais les prêts chinois soulèvent des inquiétudes pour la stabilité financière de pays qui pourraient se retrouver lestés par un lourd endettement pour de longues années. À titre d'exemple, la dette publique de Djibouti a explosé de 50 % à 85 % du PIB en l'espace de deux ans, suscitant l'inquiétude du Fonds monétaire international (FMI) à l'égard des créances dues à Pékin.

Ailleurs, des citoyens dénoncent parfois le recours à la main-d'œuvre chinoise et des contrats par trop favorables aux entreprises de l'empire du Milieu. À Madagascar, des manifestants ont ainsi protesté pendant des mois en 2016 contre l'octroi pour quarante ans à une société chinoise de droits d'exploitation d'une mine d'or. Au Kenya, une ligne de chemin de fer financée par Pékin a été critiquée pour son coût et sa construction à travers des parcs nationaux. Mais le ministre kényan des Transports vient d'annoncer qu'une nouvelle tranche du projet serait signée au sommet de Pékin, pour 3,8 milliards de dollars.

Afrique-Chine : une relation en mutation

Parallèlement, la relation de la Chine avec ses partenaires africains évolue : Pékin ne voit plus seulement l'Afrique comme un marché, mais aussi comme un sous-traitant, afin de compenser la hausse de ses propres coûts de production.

« La Chine cherche à investir dans des industries à fort contenu de main-d'œuvre à mesure qu'elle s'enrichit et vieillit », explique la sinologue Lauren Johnston, de l'université de Melbourne, cité par l'AFP.

L'influence croissante de Pékin provoque parfois des réactions vives. La semaine dernière, le président namibien, Hage Geingob, a renvoyé dans les cordes l'ambassadeur de Chine, qui tentait de lui expliquer ce qu'il faudrait dire lors du sommet.

« Vous n'avez pas à nous dire ce que nous devons faire », lui a-t-il répondu. « Nous ne sommes pas des marionnettes. » Comme quoi, les Chinois ont encore à apprendre des Africains et de leur volonté de mieux maîtriser leur destin.

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