ELECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2020 : POURQUOI BEDIE POURRAIT ALLER DANS LA LOGIQUE DE OUATTARA (2ème et 3e Parties)
Par IvoireBusiness - ELECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2020. POURQUOI BEDIE POURRAIT ALLER DANS LA LOGIQUE DE OUATTARA (2ème et 3e Parties).
ELECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2020 : POURQUOI BEDIE POURRAIT ALLER DANS LA LOGIQUE DE OUATTARA (2ème Partie)
II/ Boulevard 3e mandat
Les voies de circulation et les allées piétonnières de ce boulevard sont composées des éléments suivants : Bédié bichonné, travaillé au corps par du culturisme politique aux fins de lui enlever toute velléité ; Soro harcelé ; opposants divisés, miniaturisés et face à leurs propres contradictions devant les enjeux électoraux nationaux ; intellectuels aphones ou silencieux ; peuple livré à lui-même malgré les efforts de quelques journaux de la tirer de sa torpeur en lui présentant les limites de la gouvernance Ouattara.
Ce boulevard dont nous ne développerons que quelques voies laisse peu de manœuvre au président Bédié qui ne pourra que suivre son cadet dans sa logique d’autant plus qu’au sein de son parti toute velléité de candidature putative pour 2020 semble, pour le moment, contrainte au silence au point qu’à deux ans de la présidentielle, aucune image de personnalité n’accompagne la volonté du PDCI d’avoir un candidat pour 2020. Le bureau politique réunit le 17 juin 2018 n’a pas tranché la question.
Malgré la bravade, il est resté flou comme à l’accoutumée dans la stratégie du PDCI. Il n’a fait qu’entériner le contenu de la conférence de presse du 19 avril dernier en conditionnant la validation du parti unifié à l’application préalable de l’alternance.
Et si, malgré cette pression, le Président Ouattara qui dit n’avoir rien promis à personne sans que le principal concerné le contredise n’accède à pas à cette requête d’alternance, oserait-on l’affronter en 2020 après avoir refusé de le faire en 2015 ? N’a-t-on pas applaudi ses réalisations encore visibles aujourd’hui et ne les a-t-on pas utilisées comme prétexte pour lui ouvrir un boulevard en dévorant même ses propres enfants ?
Qu’est-ce qui a changé de façon concrète dans le mode opératoire du Président Ouattara qu’on avait adoubé en 2010 et en 2015 ? Le PDCI refuserait-il enfin d’être Moloch qui dévore les enfants ? La reconduction de fait de Bédié à la tête du PDCI semble, d’ailleurs, conduire à une réédition du schéma de 2015 en le mettant en pole position mais, cette fois-ci, sans passer par un congrès ; les irréductibles étant aux aguets, une façon de maintenir la cohésion dans la maison et autour de sa personne. Qu’il n’oublie point, cependant, que, si on laisse faire, des chevaux de Troie seront là, à ses côtés, comme en 2010, pour lui faire mordre la poussière. On ne change pas une stratégie qui marche bien comme on ne change pas une équipe qui gagne.
1) On ne change pas une équipe qui gagne
Cette lecture du paysage politique ivoirien basée sur l’adage populaire utilisé par le président Bédié lors de son interview à la télévision internationale TV5 le 13 juin 2013 répond au principe de la reconduction de l’équipe en place dans la gestion des affaires de l’Etat.
Que ce soit la paire Ouattara-Duncan ou la paire Gon-Ahoussou, la cogestion du pouvoir par les composantes du RHDP ne devrait pas subir de changement majeur. Si la coalition RHDP, plus ouattariste qu’houphouëtiste, est maintenue au pouvoir par la volonté de ses deux présidents-locomotives, parce que des principes chers à Félix Houphouët-Boigny sont foulés aux pieds, cela signifiera que les ivoiriens ont décidé, à défaut d’une meilleure alternative, d’accorder leur assentiment aux quotas politiques dans les concours de la fonction publique qui excluent de l’admission les composantes non "rattrapées" de la société ivoirienne.
Cela voudrait aussi dire qu’ils acceptent que bien d’autres choses décriées actuellement continuent d’avoir cours parce que, même si les hommes changent, le système, lui, sera toujours en place : la corruption avec ses scandales à répétition qui n’émeuvent plus les anciens pourfendeurs des refondateurs qui s’étaient pourtant illustrés par de violentes diatribes contre la corruption d’alors, les déguerpissements-expropriations des populations ; le cas le plus récent étant la démolition d’habitations à Cocody-Danga pour le plaisir de certaines personnes qui ont décidé de faire main-basse sur des parcelles bien en vue et à la valeur marchande devenue alléchante en vue d’y bâtir des maisons de haut standing.
La paix est chantée, dansée mais on offre aux ivoiriens, en lieu et place du rameau d’olivier, la baïonnette du combattant prête à cracher de la poudre. La liste est longue et l’objet de cette contribution n’est pas d’énumérer tous les maux actuels du pouvoir Ouattara même si des résultats tangibles existent en termes de béton et d’asphalte aux normes de durabilité quelquefois douteuses.
2) Ils veulent chasser Ouattara sans moyen et en étant dans un boycott permanent
Ce propos concerne l’opposition ivoirienne qui semble à cours de stratégie pour chasser Ouattara du pouvoir et dans les rangs desquels ne pourrait pas sortir, si les choses en restaient là, le possible successeur de Ouattara. La partie significative de cette opposition dont le leader charismatique croupit en prison à la Haye n’est prête à s’associer à personne ou à accorder son soutien à personne dans la conquête du pouvoir.
Quand elle le fait dans quelques manifestations ponctuelles, c’est juste pour échapper à l’étreinte du pouvoir Ouattara et se donner une bouffée d’oxygène. Son association avec les autres réduit l’impact de l’épée de Damoclès sur l’organisation de ses rassemblements le plus souvent interdits par le pouvoir. Les autres leur servent juste de strapontins. Ce ne sont pas Kouadio Konan Bertin dit KKB, Mamadou Koulibaly et Charles Konan Banny qui diront le contraire pour avoir expérimenté les saveurs amères de la collaboration avec les "Gbagbo ou rien". On ne compte plus les coalitions mort-nées avec eux : ils sont très ouverts dans leur mise en place mais aux abonnés absents au moment de passer à l’application des engagements collectivement pris.
Le pseudonyme par lequel ils se désignent et qu’ils exhibent fièrement est, d’ailleurs, assez révélateur et devrait convaincre plus d’un sur leur état d’esprit tant que Gbagbo sera en prison. Ils n’envisagent donc pas accorder leur soutien à des personnes qu’ils soupçonnent d’avoir combattu Laurent Gbagbo lorsqu’il était au pouvoir.
Lui-même, en tant que fin manœuvrier, ne devrait adouber personne, surtout quand celle-ci n’est pas du même bord que lui, mais tirera le profit en termes de légitimité historique que lui confère le ballet des visites à la Haye. La victimisation, même si elle est réelle dans leur vie quotidienne, leur sert de trépied pour survivre politiquement dans un environnement devenu hostile et Ouattara les y aide bien, lui, leur victimaire. Ils ont aussi besoin d’un Ouattara au pouvoir pour continuer dans cette logique qui les arrange bien. Alors, pourquoi se presser pour le faire partir du pouvoir ?
Le reste de l’opposition n’a pas les moyens humains et matériels pour affronter Ouattara et le déloger de son fauteuil. Leur représentation sur le terrain est approximative et ne peut l’inquiéter. « Ils se cherchent » dit-on, pour utiliser une expression du français populaire ivoirien. Avec une telle opposition, Ouattara peut se représenter autant de fois qu’il le voudra. La seule opposition qui est susceptible de changer la donne pourrait venir des rangs du RDR ou du PDCI.
C’est pourquoi toute l’attention de Ouattara porte sur ce qui se passe à l’intérieur de ces deux partis qu’il veut absolument avoir sous sa coupe afin qu’une telle idée n’y prospère pas ou soit étouffée et son auteur trituré si elle venait à éclore.
Pascal Eblin FOBAH
Maître de Conférences à l’Université Alassane Ouattara,
Analyste politique
ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2020 : POURQUOI BEDIE POURRAIT ALLER DANS LA LOGIQUE DE OUATTARA (3ème partie)
III/ Les six inconnus du futur
Il s’agit, ici, de faits susceptibles de changer toutes les données et les prévisions actuelles. C’est de l’analyse politique adossée à de la prospective exploratoire. Certains lecteurs pourraient y trouver de la prospective stratégique indiquant des attitudes possibles face à des futurs possibles. Mais ce n’est pas le but premier de cette contribution.
Inconnu 1 : La macronisation du paysage politique ivoirien
C’est la victoire de la jeunesse de tous les bords qui a décidé d’écarter les anciens pour imprimer sa marque à la société ivoirienne. Ce serait inédit en Côte d’Ivoire. Cela montrerait que les jeunes des partis politiques ont pris la pleine mesure de leurs responsabilités et ont décidé de s’assumer en n’assumant pas l’héritage belliqueux de leurs aînés.
Mais cette ambition est bordée de nombreux écueils dont l’un est le risque d’aller en rangs dispersés et de baigner dans les eaux nauséeuses de la mégalomanie qui pousse à composer avec les feuilles mortes plutôt qu’avec des têtes fortes, les icônes, celles qui sont susceptibles de faire gagner. La conquête du pouvoir n’est pas une affaire d’émotions ni d’égos mais d’opportunité historique à saisir avec la stratégie qui sied.
Le challenge de la succession à Ouattara face à des adversaires coriaces impose de composer un duo susceptible de ratisser large : une hirondelle ne pouvant faire le printemps selon les nouvelles dispositions constitutionnelles. On ne peut se permettre d’avoir un colistier qui ne vaut pas un clou en termes de représentation parce qu’on a peur que quelqu’un nous vole la vedette.
Disposer de moyens suffisants et avoir de la représentativité sur le terrain, tel pourrait être le secret pour faire tomber les dinosaures de la politique ivoirienne. Il y en a qui, dans la jeunesse, ont les moyens et un audimat puissant et il y en a d’autres qui ont un fort charisme mais à qui les moyens d’une élection présidentielle font défaut. La paire des braves pourrait provenir de la prise en compte de tous ces paramètres et de bien d’autres.
Cette paire des "durs" n’est pas si difficile à trouver à condition que la jeunesse des partis politiques accepte d’avoir un destin croisé et capitalise le possible soutien des 77,3% de la population qui ont moins de 35 ans même s’il n’est pas sûr que tous les membres de cette classe d’âge soient acquis à leur cause.
Quand Emmanuel Macron s’est lancé à la conquête de l’Elysée en 2016, ils étaient une poignée de français à croire en lui parce qu’il tentait l’impossible. Ses détracteurs parmi la vieille garde de la politique française le raillaient.
Il a même été taxé d’homme pressé. Mais, au final, il a surpris tout le monde et a vidé la casserole politique française de sa croûte d’anciens : une hypothèse que beaucoup croyaient invraisemblable un an avant la présidentielle de 2017.
La macronisation du paysage politique sonnera la mise en retraite anticipée de tous ceux qui veulent mourir présidents de la République, présidents de parti ou rester à vie ministres, présidents de conseils d’administration, directeurs généraux, etc. Mais, nous reconnaissons que la Côte d’Ivoire n’est pas la France.
Inconnu 2 : La "Gbagboïsation nkurunzizée"
Ce titre fait de deux noms, Laurent Gbagbo et Pierre Nkurunziza, énonce un scénario catastrophe pour la Côte d’Ivoire qui voit le président sortant s’accrocher au pouvoir malgré sa défaite aux élections et qui réussit, comme Pierre Nkurunziza au Burundi, à faire un troisième mandat en réprimant l’opposition dans le sang.
Ce scénario de la déflagration générale aux multiples conséquences n’est pas à souhaiter pour la Côte d’Ivoire qui revient de loin et qui ne pourrait pas supporter de plonger dans une nouvelle crise politique. Il revient donc aux acteurs de savoir tirer les leçons du passé. Dans ce scénario de la "Gbagboïsation nkurunzizée", la dimension "nkurunzizée" concerne un dérapage éventuel sur le débat à propos du 3e mandat du Président Ouattara.
C’est la réédition des scénarios burkinabé et burundais imbriqués qui ne manquera pas de perturber durablement les activités socio-économiques avec ses scènes de violences et de répression militaire non souhaitables pour un pays qui sort à peine d’une longue crise politique. Malgré les pressions locales et internationales, Blaise Compaoré au Burkina Faso et Pierre Nkurunziza au Burundi, comme actuellement Joseph Kabila en République démocratique du Congo, ont maintenu leur aspiration à rempiler pour un mandat supplémentaire, le mandat de trop aux yeux de tous.
Leur entêtement à se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire a eu les fortunes que l’on sait en termes d’image et de ralentissement des activités économiques de leur pays. Gageons que cette idée de 3e mandat ne vienne pas assombrir la bonne image que le Président Ouattara a donnée de lui. On le sait homme de parole attaché aux principes même s’il craint une implosion de son parti après lui et une possible accession au pouvoir du PDCI qui n’arrangent pas la pérennité de son héritage et de son combat.
On se rappelle ses déclarations devant l’ancienne présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et ses prises de paroles pendant certaines crises dont celle au Zimbabwe. Concernant cette dernière, voilà ce qu’il disait en substance : « Il faut que le président du Zimbabwe quitte ses fonctions dans la dignité. Le président Mugabe est un Combattant. Une personnalité qui a consacré sa vie à la libération de son pays de la colonisation. Mais le monde a changé, et ce qui se passe au Zimbabwe doit interpeller tous les hommes politiques ». Des propos que contredisent ceux fraîchement tenus dans les colonnes de Jeune Afrique : « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes ».
Inconnu 3 : Recomposition des influences au sein du PDCI et remise en cause des engagements pris avec Ouattara
Ce serait le scénario catastrophe pour les ambitions du Président Alassane Ouattara dont les deux leviers politiques sont principalement composés du RDR et du PDCI. Un dysfonctionnement au sein du PDCI ou une crispation autour de l’épineuse question de l’alternance aura pour conséquence de rebattre les cartes au sein de ce parti et de gripper la machine RHDP. Or, Alassane Ouattara a besoin, pour réussir à mettre en œuvre ses ambitions ou celles de son successeur putatif au sein du Rassemblement des républicains, d’un PDCI qui lui accorde son soutien total, sans opposition. On comprend alors son empressement à voir mis en œuvre le projet du parti unifié et son agacement devant les atermoiements du PDCI confirmés par le récent bureau politique du 17 juin 2018.
Inconnu 4 : Ouattara remet tout à plat
Agacé par l’indécision de Bédié sur la question du parti unifié que ce dernier voudrait valider après le règlement de la problématique de l’alternance au pouvoir, Ouattara décide de s’en tenir à son propos selon lequel tout le monde peut se présenter à la présidentielle de 2020 et décide aussi de mettre en congé du gouvernement tous ceux qui ne militent pas pour le parti unifié ou ne se déterminent pas clairement dans sa mise en place hic et nunc.
A l’élection présidentielle, cela aura pour conséquence un émiettement des voies du RHDP qui pourrait favoriser un candidat de l’opposition à condition que celle-ci parte en rang serré aux élections ou favoriser une personnalité faisant l’unanimité autour de sa candidature et qui ratisse suffisamment large dans les rangs du RHDP et dans ceux de l’opposition pour coiffer tout le monde au poteau.
Ce n’est pas le scénario que Ouattara souhaite pour cette fin de second mandat parce qu’il ne manquera pas de détruire l’image qu’il s’est construite de maître incontesté du jeu politique ivoirien depuis que Gbagbo a été évincé du pouvoir. Cela montrerait que tout n’était qu’un château de cartes avec lui. Et pour ne rien arranger, les décisions arrêtées par le bureau politique du PDCI se présentent comme un traquenard tendu au Président Ouattara pour le pousser sur le chemin de la belligérance en même temps qu’une fortification pour faire face à ses représailles.
Vieux briscard de la politique ivoirienne qu’il est et ayant tiré les leçons de ses désillusions suite au fameux appel de Daoukro lancé dans la confiance béate, sans avoir pris les dispositions exigibles en pareille circonstance, Bédié a décidé d’agir dans la finesse pour contraindre le camp RDR à la confrontation publique après les piques de quelques seconds couteaux issus de ce camp, laquelle est de grands dangers pour eux.
Faudra-t-il démettre tous les ministres PDCI du gouvernement, lui retirer toutes les directions centrales, tous les postes de président de conseils d’administration à lui concédés ou agir aussi dans la finesse pour pousser les uns et les autres vers la porte de sortie en utilisant une opération mains propres que les mauvaises langues ne manqueraient pas de qualifier de chasse aux sorcières ou faudrait-il observer une attitude de bouddha devant cette bravade du vieux parti? Le risque est grand pour Ouattara d’ouvrir une boîte de pandore aux implications inestimables qui pourraient totalement échapper à tout le monde.
Ne pas réagir non plus serait mal interprété par les faucons de son camp. Les décisions du bureau politique du PDCI placent le Président Ouattara dans un dilemme cornélien aux conséquences incalculables pour la cohésion au sein du RHDP et pour la stabilité du pays à deux ans de la présidentielle. Alors que le nombre de "Gbagbo kafissa" ("Gbagbo est mieux" en malinké) ne fait que s’accroître dans la société ivoirienne, il n’est pas dans ses intérêts, par rapport à ses ambitions, de se mettre à dos le PDCI ou le camp Soro encore moins le camp Soro et le PDCI coalisés par un sort identique du fait de la pression des caciques du RDR : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », dit-on, à moins qu’il n’engage un passage en force à hauts risques.
Inconnu 5 : Laurent Gbagbo est libéré et le FPI décide enfin de participer au jeu politique
Laurent Gbagbo libéré dans les mêmes conditions que Jean Pierre Bemba, cela ne manquerait pas certainement de bousculer toutes les prévisions et de tout bouleverser en Côte d’Ivoire. Le FPI se trouverait revigoré pour mener la bataille de la reconquête du pouvoir. Ce scénario serait catastrophique pour le RDR et le RHDP mais du pain béni pour tous ceux qui aspirent au changement et qui pourfendent la gouvernance de Ouattara. Toute la torpeur actuelle pourrait disparaître comme par enchantement, remplacée par un activisme que ne manquerait pas de conduire un Blé Goudé remis en selle lui aussi par sa libération.
Inconnu 6 : Le duo-duel des cadets et des benjamins
Ce scénario ne peut prospérer que si les présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié décident de se retirer de la scène politique, convaincus qu’ils n’ont plus rien à prouver. Cette retraite permet aux plus jeunes et aux moins anciens de se mettre en valeur en faisant valoir leurs compétences (nous parlons en termes de générations politiques et non de classes d’âge). Ce scénario a deux orientations possibles.
Soit les présidents Ouattara et Bédié pèsent de leur poids pour pousser les jeunes à différer leurs ambitions et à soutenir leurs aînés ; cela, en portant leur choix sur deux anciens derrière lesquels tout le monde se rangera. Soit ils laissent le jeu de la démocratie se faire afin que les plus représentatifs dans le cœur des ivoiriens l’emportent. Mais la conséquence, ici, est de voir prospérer une guerre des héritiers qui pourrait faire voler en éclat l’entente affichée actuellement et imploser leurs partis respectifs. Nous ne pensons pas que ces deux personnalités accepteraient de voir leur aura entacher par cette sorte de pis-aller. Bernard Zadi Zaourou et Francis Wodié, deux universitaires, ont quitté la tête de leur parti sans chercher à y peser encore. Mais il n’est pas sûr que leur modèle convienne à la personnalité des deux présidents évoqués.
Même officiellement éloignés de la scène politique, ils pourraient continuer de tirer les ficelles. Une démocratie de façade pourrait être instaurée avec un jeu biaisé, contrôlé de bout en bout par les appareils. On a vu, dans ce pays, à l’intérieur de certains partis politiques, des élections à bulletin prétendument secret alors que le votant était sommé de présenter son choix à son responsable local debout à côté de l’urne avant que la feuille n’y soit glissée.
En retour, ce dernier lui promettait de le "voir" à la base. Cela a été appelé "la technologie électorale" et fièrement revendiqué par ses concepteurs qui se réjouissaient d’avoir fait mordre la poussière aux outrecuidants. Et, la représentativité de bien de gens qui prospèrent à la tête de certains appareils ne tient qu’à ça qui n’est rien d’autre que de la tricherie par intimidation des votants. Rares sont, en réalité et sur le continent, les partis politiques qui laissent jouer pleinement la démocratie. Tout est ficelé d’avance par la machine qui a toujours raison des téméraires. Seules semblent échapper à cette logique les élections des responsables locaux desdits partis.
Conclusion :
Les 2 ans 4 mois qui nous séparent d’octobre 2020 nous réservent beaucoup de surprises et cette contribution a voulu passer en revue certaines de ces surprises potentielles en essayant d’indiquer le jeu de certains acteurs.
Déjà la question d’un possible 3e mandat du Président Ouattara plonge le pays dans une instabilité qui ne dit pas son nom, même si, pour le moment, le concerné lui-même a différé sa décision définitive en promettant la donner en 2020, le temps d’apprécier sainement les réalités du moment comme le sage le dit de la politique. Dans le jeu politique qui se dessine, le président Bédié détient des cartes importantes, maîtresses mêmes, et qui sont susceptibles de faire basculer les prévisions dans telle ou telle direction.
Même si l’envie d’y aller encore pour un mandat de rachat (comme le 3e mandat de continuité de Ouattara) est palpable dans ses manœuvres à peine dissimulables, il lui revient de savoir choisir ce qui est bien pour la Côte d’Ivoire et le PDCI tout en cherchant à préserver le creuset national mis en place par le Président Félix Houphouët-Boigny dont il est le successeur à la tête du PDCI. Sa responsabilité historique est donc grande dans tout ce qui pourrait survenir en Côte d’Ivoire et il devrait en mesurer le poids.
Une contribution de Pascal Eblin FOBAH
Maître de Conférences à l’Université Alassane Ouattara,
Analyste politique