Politique : Ouattara chez Macron, ce complexe d’infériorité assumé, Par Patrice Dama
Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Politique. Ouattara chez Macron, ce complexe d’infériorité assumé, Par Patrice Dama.
Le quotidien ivoirien « Le Patriote », proche du président Alassane Ouattara, a soutiré un sourire à plus d’un ivoirien le 7 juin dernier. Ce média barrait fièrement à sa Une « Ouattara, le 1er président africain reçu par Macron.. » Patrice Dama vous en parle.
Ouattara fait « leader » par sa réception à l’Élysée ?
Le président Ouattara est à la tête de la Côte d’Ivoire, un pays censé être indépendant. Mais fort curieusement, la réception à venir de celui-ci par le chef de l’État français Emmanuel Macron a fait des émus sur les bords de la Lagune Ébrié. C’est « Le Patriote », principal média proche du RDR et porte-voix non officiel de la politique du gouvernement qui s’est extasié devant cette nouvelle.
Alors comme ça, la visite du président Ouattara en France, à l’Élysée, est la consécration de son « leadership ». Et donc c’est le petit garçon de 35 ans qui a été élu président de la France qui va consacrer le « leadership » de M. Ouattara en Afrique de l’Ouest ? Celui-là même qui était déjà fonctionnaire au FMI lorsque Macron n’était encore qu’un jeune lycéen ?
Donc c’est le président français qui confirme le « leadership » des présidents africains ? Encore aujourd’hui en 2017 ? Seulement par une réception à l’Élysée ? Et donc c’est la France le boss ? Toujours le colon ?
Et dire que ce quotidien a quelques fois tordu le cou aux thèses dénonçant la non-indépendance des États africains vis-à-vis de cette même France… Que doit-on penser de ce titre qui cache mal le sentiment d’accomplissement total et de joie entière des pro-Ouattara pour sa réception à venir par Macron ?
Si tel est qu’ Emmanuel Macron reconnaissait le « leadership » de Ouattara, de quel « leadership » parlons-nous d’ailleurs, il serait venu le rencontrer en Côte d’Ivoire. Parce que Monsieur Ouattara a au moins deux fois l’âge de Macron, c’est ce dernier qui aurait fait le trajet Paris – Abidjan pour saluer un doyen, un ancien, un « leader« .
Macron passe en revue ses troupes africaines
Sinon une autre lecture est faisable de cette convocation du président ivoirien par le nouvel entrant à l’Élysée. Macron bat le rappel des troupes (françaises en Afrique) pour faire l’État des lieux de son pré-carré. Ça va être l’occasion pour lui d’entendre de vive voix le premier des Ivoiriens le rassurer sur sa « disponibilité » à préserver les intérêts de la France dans sa région.
Il pourrait même lui passer certaines consignes, surtout contre les agitateurs de l’idée d’abandonner le franc CFA. Ainsi, le président Ouattara, « sommité » de la finance qu’il est, continuera de dire que cette monnaie est ce qu’il y a de mieux pour l’Afrique. Il pourra lui dire de continuer à mettre un coup de pression sur ses homologues africains un peu trop laxistes envers leurs ministres promoteurs de cette idée. L’ex-ministre Togolais Kako Nubukpo a déjà fait l’expérience de la compétence de Ouattara à obtenir les têtes des ministres de ses homologues.
Contre un tel service, oui, le président ivoirien pourra continuer d’être reçu à l’Élysée. Et donc d’être reconnu comme « leader ».
Les quartiers d’Abidjan pourront toujours devenir des piscines géantes au moindre caprice de la météo, mais Ouattara sera « leader ».
Les centaines de milliards promis par Ouattara aux régions de Côte d’Ivoire ne tomberont jamais dans leurs caisses, mais Ouattara sera « leader ».
Une bande de voyous armée (mutins) pourra continuer de faire du chantage aux Ivoiriens tous les 3 mois, mais Ouattra sera « leader ».
Le nombre de chômeurs dans le pays ne diminuera pas, mais Ouattara sera toujours « leader ».
« Leader » de quoi au juste ?
Une analyse de Patrice Dama,
spécialiste de la Côte d’Ivoire et Consultant à Afrique Sur 7.