Attaque du Meeting du Front Du Refus par des microbes pro-Ouattara: Comprendre ce qui s'est passé. La théorie de la peur (une analyse de Joseph Titi)
Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Attaque du Meeting du Front Du Refus par des microbes pro-Ouattara: Pour comprendre ce qui s'est passé. La théorie de la peur (une analyse de Joseph Titi).
Samedi dernier, à la place Ficgayo où se déroulait le meeting du Front du refus, des voyous communément appelés " microbes" sont venus attaquer les manifestants regroupés dans l'espace. Armés de hache pour les uns, de marteaux pour les autres, d'armes blanches diverses allant du traditionnel coutelas au pied de biche...
Ces microbes ne constituent pas un phénomène nouveau dans notre pays. Ils sont apparus pendant la crise post électorale et sont une invention, comme ils le disent eux-mêmes, des chefs de guerre de la rébellion, eux-mêmes apparentés à Alassane Dramane Ouattara. Pour autant, depuis 2011, on ne les voyait que dans des agressions de passants, dans le but de voler. Certes, certains blessés ont parfois trouvé la mort. Cela dit, les microbes ne s'étaient pas encore attaqué à des réunions politiques comme celle de samedi dernier. Comment donc analyser ce qui s'est passé samedi?
C'est ce que cet article se propose de faire. En effet, le régime d'Alassane Dramane Ouattara semble convaincu de deux choses. D'un, l'opposition n'est plus impressionnée par la répression policière traditionnelle. Ses militants n'ont en effet plus peur des grenades lacrymogènes, y compris des policiers eux-mêmes, à la fois désarmés et demystifiés par le mépris du régime envers leur corps. De deux, le pouvoir ne semble pas assuré de leur loyauté. Particulièrement de celle des chefs qui savent que la répression des foules peut conduire à la cour pénale internationale son auteur, en cas de changement...
Dès lors, le régime ne pouvait qu'opportunément théoriser une nouvelle forme d'insécurité pour maintenir ses opposants dans la terreur. Le déploiement de microbes pour attaquer les militants du Front du refus participe ainsi de cette stratégie, d'autant plus qu'une telle insécurité ne met pas le gouvernement en première ligne; lui qui peut cependant, selon son bon vouloir, la téléguider, comme un drone.
C'est d'ailleurs le soutien des gens haut placés dans la hiérarchie administrative qui peut justifier l'acharnement desdits voyous contre le meeting de samedi dernier et, surtout, contre une foule de manifestants beaucoup trop nombreux pour leur propre sécurité. Signe des temps, lorsqu'ils ont été repoussés par les manifestants, ces microbes se sont réorganisés pour attaquer les militants isolés, rentrant chez eux. Une telle détermination montre clairement qu'ils ont été gagés. C'est peu dire.
Quelques leçons peuvent être tirées de cette attaque. La première est que le régime est dans une situation difficile et ne semble pas avoir les moyens légaux de faire face aux craintes que lui inspire l'opposition. La deuxième leçon est qu'il faut vite trouver un antidote à l'agression des microbes. Comme cela s'est fait hier à Ficgayo. La troisième leçon est que si le gouvernement théorise une violence spécifique contre les militants du Front du refus, c'est essentiellement pour rassurer Ouattara dont la peur-panique crève désormais les yeux. Nous voilà donc avertis.
Une contribution de Joseph Titi
Directeur de publication du quotidien Aujourd'hui