Le Président Laurent Gbagbo, otage de la démocratie à la Cour pénale internationale : Pourquoi nous devons méditer autour des valeurs démocratiques ? Par Claude KOUDOU

Par Ivoirebusiness - Le Président Laurent Gbagbo, otage de la démocratie à la Cour pénale internationale. Pourquoi nous devons méditer autour des valeurs démocratiques ? Par Claude KOUDOU

Le Président Gbagbo au cours d'une audience à la CPI.

Nombre de gens dans les partis politiques en Afrique en général mais en Côte d’Ivoire en particulier parlent de la démocratie. Mais ceux-là n’ont pas eux-mêmes la culture démocratique. Dès lors, la valeur « démocratie » devient un prétexte alors que c’est ce que l’on reproche à l’ex-puissance coloniale. Il y a là un mythe à déconstruire pour construire avec un rebond, le socle à la fois viable et durable sur lequel les Ivoiriens doivent se rassembler. Pendant la rédaction de cet article, j’ai visualisé encore une fois l’intervention de Laurent Gbagbo pendant l’audience de confirmation des charges du 28 février 2013. Il disait : « Pourquoi dans la justice moderne, y a-t-il des camps retranchés ? …

Madame la Présidente, toute ma vie, et ça, ça se sait non seulement en Côte d’Ivoire mais dans toute l’Afrique et dans toute la France, politique, dans toute la France politique, … j’ai lutté pour la démocratie. … j’enverrai un lot des livres de Gbagbo… Parce que c’est ça l’homme, il marche, il marche mais il laisse des traces sur le chemin qu’il parcourt. Comme ça, on peut le retrouver ! … Nos pays, nos états sont fragiles ; … Nous avons besoin de la démocratie… Madame, regardez la Côte d’Ivoire.

Si nous n’employons pas la démocratie, comment nous allons choisir le chef de l’Etat ? Il y a l’Est, … les Akan qui ont un mode à eux pour choisir leur chef de village ou de canton ou leur roi. Nous avons à l’ouest un pouvoir éparpillé… Quel mode électoral allons-nous prendre ? Donc la démocratie nous aide. Parce qu’elle fait tabula rasa de tout cela. Et elle donne à chaque individu considéré comme citoyen, une voix. C’est pourquoi je me suis engagé dans la lutte pour la démocratie. Et puis nous, qui venons des familles très modestes, s’il n’y a pas la démocratie, jamais on n’aurait des postes élevés. Mais la démocratie ce n’est pas seulement le vote… la démocratie, c’est le respect des textes… »

Cette déclinaison est la pensée qui caractérise l’homme. En croyant en sa démarche, nous avons cru en ceux qu’il avait choisis. L’histoire montre aujourd’hui qu’il y avait des aventuriers parmi ceux-là. Cela doit nous enseigner. Et toutes les méprises ne peuvent donc pas passer par pertes et profits. Si on médite cette partie du discours plein de sens et d’enseignements, on se demande si toutes les élites ou les leaders qui se réclament du Président Laurent Gbagbo sont en phase avec lui.

Les phrases de Laurent Gbagbo sont d’autant plus vraies pour nous qu’avant, mais surtout à partir de 2005, nous avions commencé à réfléchir aux problématiques qu’elles posent. La Coordination des intellectuels africains et des Diasporas africaines a d’ailleurs produit entre autres ouvrages : « Côte d’Ivoire, Un plaidoyer pour une prise de conscience africaine ; mars 2007 » et « La Côte d’Ivoire face à son destin, Et si l’Afrique était Gbagbo ; octobre 2010 ». Les réflexions que nous avons consignées dans ces ouvrages sont pour appuyer la philosophie de l’icône africaine qu’est Laurent Gbagbo.

Après, il faut alors raison gardée, à côté des raisons apparentes ou supposées, travailler sur les raisons profondes. En Côte d’Ivoire, en dehors de ceux qui ont soutenu la prise des armes pour des intérêts égoïstes, combien dans chaque parti sur l’échiquier politique ivoirien se satisfont de l’état actuel du pays ? Après, quand les oligarques finissent de distribuer des billets de banque à quelques nécessiteux pour acheter épisodiquement et de façon palliative le calme, combien de gens dans le peuple pensent que l’on peut s’accommoder d’une situation pareille ? La sensibilisation du peuple sur les enjeux globaux peut donc être une partie de la solution.

Les démarches qui reposent sur des croyances et de la prétention d’avoir une légitimité, sont artificielles parce qu’elles sont gratuitement intimidantes et ont en arrière plan l’idée de protection d’une pensée générationnelle ou la défense d’intérêts inavoués de groupes de personnes. Ce n’est pas cela la démocratie. L’exercice démocratique accepte le choc des idées et la confrontation libre d’opinions, différentes voire opposées pour que « jaillisse la lumière… » qui éclaire l’éclosion d’une synthèse à la fin des débats.

On peut se retrouver, parler et s’auto-applaudir. Mais à côté de cela ou au-delà de cela, quel horizon bâtissons-nous pour tous ceux qui errent dans la désespérance et peut-être dans l’antichambre de la résignation ? Voilà la problématique de fond. On ne peut pas être pour la démocratie et être contre des propositions de méthodes et d’idées novatrices. Quand on fonctionne ainsi, on ne pratique pas les idées fondatrices de Laurent Gbagbo.

Par ailleurs, l’incapacité apparente pour l’instant d’arrêter ce pouvoir autoritaire et l’incidence que cela peut avoir en perte d’espoir sont préoccupantes. Parce qu’ils commencent à perdre espoir, ils deviennent nombreux ceux qui disent : « laissons-le terminer son dernier mandat ! » Cri de cœur. Quand on en arrive là, c’est un signal sur lequel il faut travailler. Et c’est le rôle des élites. Car où est la garantie qu’Alassane Dramane Ouattara partira après un deuxième quinquennat ?

Il faut dire que personne ne gagnera dans la méfiance, dans la frilosité et dans la haine. En éduquant le peuple, il sait ce qui est mauvais pour lui ou bon pour lui. Certains de nos compatriotes ont été abusés de bonne et/ou de mauvaise foi ou ont été utilisés. Ils se rendent compte qu’ils se sont trompés. Comment les recueillir ? Quel espace pour ces Ivoiriens qui avaient également le droit de se tromper comme tout Homme, sauf qu’il s’agit là de vies d’hommes et de femmes supprimées « gratuitement » ?

L’excellence dans la mystification a fait des torts qui ne sont pas bons à occasionner de nouveau. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont détenus à La Haye ; Simone Gbagbo, des anciens ministres, des cadres et d’autres « anonymes » sont emprisonnés arbitrairement dans les geôles de Ouattara, des Ivoiriens sont contraints à l’exil en enfreinte à la Constitution de notre pays, des Ivoiriens abusés et utilisés contre d’autres, … Voilà le tableau sombre d’un pays en voie de défiguration.

L’histoire du Général De Gaulle, de Vladimir Oulianov dit Lénine ; d’indira gandhi ; de l’Ayatollah Khomeini et de Thabo Mbéki … doit instruire nos compatriotes sur la place que doit tenir la Diaspora comme ressources humaines dans la lutte. Ce rappel est pour attirer l’attention pour que des rapports respectueux soient imaginés entre les Ivoiriens de la Diaspora et ceux qui sont au pays ; la Diaspora étant une partie de la population qui doit être vue comme un pan de ressources humaines réelles qui peut beaucoup apporter, quand la distribution du travail est établie dans la transparence et non comme une variable qu’on pourrait ajuster suivant des contingences.

D’autre part, lorsqu’on se trouve dans une telle situation de blocage comme celle dans notre pays, il faut imaginer un mouvement de lutte comme le Conseil national de la Résistance qui comprenait des associations, des partis politiques, des syndicats et des journalistes... Les partis politiques qu’Alassane Dramane Ouattara a décidés de « vider de leur substance » doivent se raviser que la Côte d’Ivoire est comme un chantier sur lequel des membres d’une famille décident de construire une maison où chacun regagnera sa chambre à coucher quand il y rentre. C’est donc dans un pays libéré que les partis politiques pourront jouer leur rôle. Il faut donc qu’au-dessus de tout, tout le monde s’attèle à libérer le pays. Tout comme la libération de Laurent Gbagbo viendra libérer le pays, la libération du pays peut également libérer Laurent Gbagbo.

Tout sera donc à refaire et il faudrait penser à une Constituante. Ce n’est pas aussi simple qu’il s’agisse de s’asseoir demain sur des bombes à retardement. Il faut intégrer le fait que GBAGBO I ne sera pas GBAGBO II. Qui plus est, pour que les Ivoiriens ne soient pas condamnés à une intifada demain, c’est maintenant que les élites de différents bords doivent penser à l’intérêt du peuple en trouvant la voie de libérer ce pays avant que la vente à la découpe soit définitivement accomplie.

Fait à Paris le 21 avril 2016