Thomas Sankara, un héros africain: Discours réponse de François Mitterrand" à "Thomas Sankara" à Ouaguadougou Novembre 1986 (Dernière partie)"

Le 26 mars 2011 par IvoireBusiness - Quant au débat sur le capitalisme, le problème est celui de la nature même du "pacte colonial», que je dénonce et que j'ai toujours dénoncé. Le pacte

Thomas Sankara, ancien Président du Burkina Faso ( "La patrie ou la mort, nous vaincrons").

Le 26 mars 2011 par IvoireBusiness - Quant au débat sur le capitalisme, le problème est celui de la nature même du "pacte colonial», que je dénonce et que j'ai toujours dénoncé. Le pacte

colonial, cela consiste à laisser des pays, comme ceux de d'Afrique, se spécialiser dans la vente de leurs matières premières et de transformer ces matières premières dans d'autres pays...Mais, ce n'est pas la politique de la France!" La politique de la France est de respecter vos décisions"! Les équipements, les investissements que voulez faire au Burkina Faso, cela dépend de vous! C'est vous qui le décidez! Nous n'avons pas à vous dire: «Ne faites pas ceci ou faites autre chose. Nous avons simplement à vous dire: Nous pouvons vous donner un coup de main si vous nous le demandez..." L"Afrique a été pillée. J’ai parlé de matières premières. J’aurais dû parler des hommes! Pendant des siècles, on vous a exploité humainement: On a volé vos hommes, vos femmes, vos enfants. On s'est servi de vous. Je comprends votre refus, votre révolte, et j'approuve votre combat. Vous avez raison de refuser d'être un continent sacrifié. Le moment est venu où vous devez vous-mêmes développer vos économies à partir de ses biens et de ses hommes. Et le devoir de ces pays qui ont profité abusivement du travail africain, c'est de restituer à l'AFRIQUE une part de ce qui a été pris au travers des siècles derniers. C’est pourquoi les pays industrialisés dits avancés ont à l'égard des peuples Africains le devoir d'apporter des contributions volontaires. J’ai toujours défendu la thèse du développement. J’ai fait des propositions pour tenter d'adoucir la loi rigoureuse du paiement des dettes, parce que j'ai estimé que cela ne servait à rien d'écraser sous des charges telles qu'il serait incapable de rendre quoi que ce soit, et qu'il s'essoufflerait lui-même. Voilà je vous explique les choses simplement, un peu longuement peut-être, mais je ne pouvais pas moi, écouter le président "Sankara", faire un petit compliment aimable puis renter me coucher et dormir: "C'est un homme un peu dérangeant le président "Sankara"!C'est vrai, il vous titille, il vous pose des questions. Avec lui, il n'est pas facile de dormir en paix, il ne vous laisse pas la conscience tranquille. Moi, là-dessus, je suis comme lui avec 35 ans de plus! Il dit ce qu'il pense, je le dis aussi. Et je trouve que dans certains jugements, il a le tranchant d'une belle jeunesse et le mérite d'un chef d'Etat totalement dévoué à son peuple. J’admire ces qualités qui sont grandes, mais il tranche trop; à mon avis va plus loin qu'il ne faut...Qu'il me permette de lui parler au nom de mon expérience. Cela dit, s'il n'était pas comme il est, chef d'Etat jeune, entouré d'hommes jeunes, avec des idées neuves, s'il n'était pas comme cela à 37 ans, dans quel état sera-t-il à 70 ans! Je l'encourage mais pas trop... Et je n'ai pas à me mêler de votre politique intérieure, si j'étais ce soir devant un autre chef d'état que le Président "Sankara", je n'aurais sans doute pas eu à répondre à toutes les questions qu'il m'a posées. Mais la disposition de la France à l'aider serait la même! Retenez bien ce que je vous dis: ce n'est pas parce qu'il y a une équipe jeune, dérangeante quelques fois un peu insolente au verbe libre, que nous devons faire moins et nous retirer sur la pointe des pieds. C’est parce qu'elle est là que nous devons nous parler les yeux dans les yeux et dire: Nous vous estimons, vous représentez une chance pour votre peuple. Qu’est-ce qu'on peut faire pour que cela marche? Vous avez besoin de nous, eh bien! Vous nous le direz. Vous n'avez pas besoin de nous? Eh bien dans ces cas-là, on s'en passera... Il ne faut pas décider de ce que moi je dis, mais pour le reste vous pouvez décider. C’est vous qui décidez chez vous: et puis j'espère que vous viendrez un jour à Paris pour continuer de développer ce qui vous parait bon pour votre pays. Bien entendu à Paris, vous décidez pour le Burkina Faso. Parce que pour Paris, c'est moi...Nous avons discuté comme vous devez le faire, j'imagine Monsieur le président, dans vos bureaux politiques..On discute ici! Quand vous parlez les autres se taisent? non? Quand les autres parlent, vous vous taisez, vous? Non, hein, et bien moi je fais comme vous! Moi, je ne me froisse pas de propos qui pourraient me heurter, dès lors qu'ils proviennent d'un esprit que je sens ouvert et bienveillant à mon égard. Si la discussion s'arrêtait avant d'avoir commencé alors nous tomberions dans un système de pensée très dangereux."Il faut que des idées neuves s'accordent à la force vitale de l'histoire, il ne faut pas que l'histoire se fige dans des concepts périmés"! Je ne veux pas me mêler de politique intérieure; il doit y avoir des débats ici, comme il y en a ailleurs..Vous avez à lutter contre des forces énormes, des forces de la nature souvent hostiles... Vous avez à vous défendre contre des ambitions, les pressions et les détournements. Votre tâche est très lourde et je ne m'en voudrais de la compliquer aussi peu que ce fût! "

En somme, Un discours émaillé de non dit, car il fallait lire entre les lignes de l'allocution du Président "Mitterrand" pour se rendre à l'évidence que "Thomas Sankara" venait de perdre politiquement le pouvoir...De sources concordantes, dans l'avion du retour qui le ramenait à Paris, le président "Mitterrand" n'avait pas digéré ce procès implicite du néocolonialisme français fait par le jeune capitaine progressiste! Mais entre ce discours historique et son exécution une année plus tard, beaucoup d'avatars ont émaillé les rapports entre "Sankara" et le vieux "Houphouët" qu'il traitait de "gardes-chiourmes" de l'impérialisme...... A bon entendeur, salut!
Yves T Bouazo