Prétendues manœuvres de Gbagbo pour se maintenir au pouvoir: Un politologue détruit les thèses de Bensouda

Par Correspondance particulière - Un politologue détruit les thèses de Bensouda sur les prétendues manœuvres de Gbagbo pour se maintenir au pouvoir.

Le président Laurent Gbagbo avait-il échafaudé une politique visant à se maintenir au pouvoir comme le prétend Fatou Bensouda? Dans ce texte, le politologue ivoirien, Arsène Dogba, démonte avec force arguments vérifiables, cette thèse du procureur de la Cour pénale internationale (Cpi).
Les obstacles constitutionnels et les blocages politiques posés par la rébellion, causes des reports successifs des élections de sortie de crise.
Dans son Document amendé de Notification de Charges (DNC), l’accusation déclare que, malgré l’implication de la communauté internationale, le président Gbagbo, entre 2005 et 2010, a manœuvré pour se maintenir au pouvoir. Dans l’analyse du Bureau du Procureur tendant à justifier cette honteuse allégation, nous relevons, entre autres, deux graves affirmations totalement dépourvues de bon sens; à savoir : (1)-Le refus du Président Gbagbo d’aller aux élections et (2)-La mise en place d’un plan commun. Dans le traitement de ce dossier, nous analyserons, évidemment, ces affirmations gratuites, mais aussi et surtout, dans la troisième partie (3), nous projetterons la lumière sur la longue tradition de paix du Président Gbagbo et les douloureuses concessions qu’il a faites au nom de la paix et la stabilité en Cote d’Ivoire.
I- LE REFUS D’ALLER AUX ELECTIONS
Dans l’affaire le Procureur contre Laurent Gbagbo, l’accusation multiplie les allégations sans jamais produire une seule preuve. Le procureur semble n’avoir rien appris de la raclée que lui a infligé, le 3 Juin 2013, les juges de la Chambre 1. En suivant son raisonnement dans cette affaire, l’on se rend compte que le Procureur est complètement perdu dans le traitement de ce dossier hautement capital. Il ne sait plus dans quelle direction orienter ses enquêtes, quels arguments convaincants prendre pour consolider le DCC initial que la Chambre 1 lui a renvoyé pour “insuffisance de preuves”.
Après plusieurs mois de recherches infructueuses de nouvelles preuves, le Procureur s’est résolu à réchauffer les “preuves insuffisantes” pour les présenter à nouveau, le 14 Janvier 2014, aux juges de la Chambre 1 qui les avaient déjà qualifiés de non probantes le 03Juin 2013. Le Bureau du Procureur a alors maintenu dans son DNC amendé, l’allégation selon laquelle, Laurent Gbagbo, a manœuvré pour ne pas organiser les élections dans le but de se maintenir au pouvoir.
Au fin d’incriminer le prévenu, le procureur, a délibérément fait fi des obstacles, constitutionnel (la partition du pays) et politique (le refus des rebelles de désarmer) qui ont grippé le processus électoral depuis 2005. Il ne prend pas non plus soin de situer les responsabilités entre les trois parties (le Président Gbagbo, la rébellion et les différents Premiers Ministres issus de l’accord de Marcoussis) engagées dans le processus d’organisation des élections de sortie de crise.
En le faisant, le procureur oublie volontairement qu’à l’origine de la résolution de la crise ivoirienne étaient les Accords de Linas-Marcoussis. les accords politiques qui ont presque été dictés au Président Gbagbo, en Janvier 2003, par la communauté internationale; ils exigeaient de lui un gouvernement de réconciliation national dirigé par “un Premier ministre de consensus qui restera en place jusqu’à la prochaine élection présidentielle à laquelle il ne pourra se présenter”, paragraphe 2 (b). C’est ce gouvernement de réconciliation nationale aux pouvoirs très élargis qui avait la lourde tâche de procéder au “désarmement des forces en présence” et de réunifier le pays avant d’organiser l’opération d’identification des populations.
Au paragraphe 2 (a) de l’annexe de l’Accord de Marcoussis, il est écrit clairement que “Le gouvernement de réconciliation nationale assurera l’impartialité des mesures d’identification et d’établissement des fichiers électoraux “. Quant au Président Gbagbo, il devait au sortir de la Table Ronde de Linas-Marcoussis et de Kleber, accepter de dissoudre son gouvernement, annuler le programme de gouvernement, la Refondation, sur lequel les ivoiriens l’avaient élus en 2000 et nommer un nouveau Premier Ministre à qui il céderait une partie des pouvoirs du Président de la République. Et les rebelles devaient accepter de désarmer, s’encaserner et mettre ainsi fin à la partition du pays avant la date constitutionnelle de l’élection présidentielle, 28 Octobre 2005.
Comme on le voit ici, toutes les responsabilités en ce qui concerne particulièrement l’organisation des élections de sortie de crise étaient déjà connues au sortir de la Table Ronde de Kleber. Maintenant, la question qui se pose à nous est de savoir qui, du président Gbagbo, du camp Ouattara et des Premiers Ministres Seydou Diarra, Konan Banny et Guillaume Soro, n’a pas respecté les engagements pris devant la communauté internationale pour lever l’obstacle constitutionnel majeur à l’organisation de l’élection présidentielle: la partition du territoire ivoirien.
1- L’obstacle constitutionnel à l’organisation des élections
Conformément à l’article 38 de la Constitution ivoirienne votée à 86% des suffrages lors du referendum du 28 Juillet 2000, la tenue des élections présidentielles n’était pas possible entre 2005 et 2010 avec un pays divisé en deux. Cet article stipule qu’ “En cas d’événements ou de circonstances graves, notamment d’atteinte à l’intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation“. Or, personne ne peut nier que depuis la tentative du coup d’état du 19 Septembre 2002 qui s’est muée en rébellion, la Cote d’Ivoire connaissait une partition avec les zones Centre-Nord-Ouest (CNO) occupées par les rebelles et le Sud sous contrôle gouvernemental. Cette situation qui n’est pas du fait du Président Gbagbo constituait de fait un obstacle majeur qu’il fallait d’abord lever avant le démarrage des autres opérations qui rentrent dans le cadre de l’organisation des élections de sortie de crise.
a- La part de responsabilité du Président Gbagbo
Comme promis, au sortir de la Table Ronde de Kleber en Janvier 2003, le Président Gbagbo, dissout le gouvernement Affi N’Guessan et nomme M. Seydou Diarra, proche du camp Ouattara, Premier Ministre du nouveau gouvernement de réconciliation nationale dans lequel l’opposition et les rebelles sont majoritairement représentés. Et cela dans les délais voulus par les accords de Kleber.
Mieux, en 2004, pour tenter malgré tout de respecter la date constitutionnelle de l’élection présidentielle, 28 Octobre 2005, le président Gbagbo propose que les listings de 2000 soient utilisés pour la tenue de la présidentielle. Il justifiait son choix par le fait que ces listings avaient été utilisés pour le scrutin qu’il avait lui-même remporté et pour les élections municipales de 2001 que le RDR, proche de la rébellion, avait largement remportées. Mais sa proposition est immédiatement rejetée par les rebelles et leurs alliés du RDR. En lieu et place, les rebelles exigeaient l’identification de la population et un nouveau fichier électoral certainement parce que la réalisation de l’opération revenait désormais au gouvernement dirigé par un des leurs. Cette position soutenue par la France s’est alors imposée au Président Gbagbo. Elle a par la suite été retenue de façon consensuelle par les deux parties. Mais elle n’était pas sans conséquences.
Pour réaliser l’opération d’identification des populations et la mise en place du fichier électoral en toute sécurité, il fallait au préalable désarmer et encaserner les rebelles dans les zones CNO; Ensuite étendre l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire nationale pour marquer l’unité territoriale. L’organisation de l’élection devait être l’aboutissement des quatre premières opérations ci-dessus mentionnées.
b- La part de responsabilité des Premiers Ministres Seydou Diarra et Konan Banny
Sur ces différentes questions, l’accord de Linas-Marcoussis avait déjà défini les attributions du Premier Ministre au paragraphe 3 (g) qui stipule: “Afin de contribuer à rétablir la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national, le gouvernement de réconciliation nationale organisera le regroupement des forces en présence puis leur désarmement. Il s’assurera qu’aucun mercenaire ne séjourne plus sur le territoire national”. Comme on le voit ici, la responsabilité de regrouper, désarmer et encaserner les forces en présence revenait donc au gouvernement de réconciliation nationale dirigée par l’opposition, branche politique de la rébellion. Pour réaliser cette opération importante, la responsabilité revenait aux gouvernements successifs de Seydou Diarra ( 2003- 2005) et Konan Banny (2005-2007) et Soro Guillaume à partir de 2007; Ce sont eux qui devaient s’accorder en premier sur les modalités pratiques et le calendrier des opérations. Mais à quoi avons-nous assisté, une fois que Seydou Diarra et Konan Banny ont été nommés? Les deux hommes se sont naturellement rangés du côté de la rébellion et ont multiplié les actes de défiances au Président de la République dont ils se sont vus attribuer certaines de ses prérogatives constitutionnelles. Les Premiers Ministres Seydou Diarra et Konan Banny recherchaient davantage de pouvoir pendant que les rebelles continuaient leurs attaques contre les positions gouvernementales et les institutions de la République à Abidjan.
Les 11 et 12 Décembre 2003, une tentative de prise de la RTI échoue tout comme celle du camp d’Agban le 1er Décembre 2005 et du camp d’Akouedo le 2 Janvier 2006. Plusieurs rendez-vous qui devaient marquer le début du désarmement ne sont pas respectés par les rebelles; notamment ceux du 15 Janvier, 14 Mai et 09 Juillet 2005.
Et au lieu de faire pression sur le gouvernement et les rebelles pour les contraindre à respecter les engagements pris à Kleber, le Conseil de Sécurité de l’ONU a multiplié les résolutions pour davantage fragiliser le pouvoir du président Gbagbo et les institutions ivoiriennes. Le 1er Novembre 2006, il adopte la résolution 1721 qui selon le Conseil de Sécurité reconduit d’un an le mandat du président Gbagbo et Charles Banny, “avec des pouvoirs étendus” pour le dernier nommé. Le président n’avait donc pas tous les leviers du pouvoir pour bloquer une quelconque élection.
2. Les obstacles politiques à l’organisation des élections
L’opération d’identification des populations et la mise en place d’un nouveau fichier électoral exigées par les rebelles et leurs alliés du RHDP ne pouvaient être réalisées qu’après le désarmement et l’encasernement des rebelles qui ne voulaient pas déposer les armes.
L’Accord de Linas-Marcoussis avait pourtant exigé que le désarmement soit fait juste après la formation du gouvernement de réconciliation nationale qui s’est réuni conformément aux recommandations des accords de Marcoussis en janvier 2003. Cet obstacle n’a d’ailleurs jamais été levé jusqu’à ce jour et ne semble pas être une préoccupation pour le régime Ouattara qui veut continuer d’utiliser ces forces – qui lui sont favorables – pour influencer comme en 2010 les élections de 2015.
Comme nous l’avons démontré plus haut, les raisons qui ont motivé les reports successifs des élections sont essentiellement de deux ordres: constitutionnel et politique. Il faut toutefois faire remarquer que ces deux obstacles étaient les conséquences de l’attaque meurtrière du 19 Septembre 2002 organisée par M. Alassane Ouattara. C’est ce coup d’Etat avorté qui s’est mué en rébellion et a consacré la partition du pays en deux. En réalité, les rebelles n’avaient jamais voulu déposer les armes. Et ils avaient de bonnes raisons de les garder.
Les rebelles savent que leur leader, Alassane Ouattara, n’est pas populaire en Côte d’Ivoire, ils n’ont donc jamais cru en sa victoire par les urnes. L’opposition ivoirienne savait que face à un Laurent Gbagbo davantage populaire, seules les armes pouvaient la conduire à la réalisation de son rêve; celui de faire d’Alassane Ouattara, le chef de l’état de Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, les rebelles n’ont pas voulu déposer les armes dont ils se sont d’ailleurs servis pour influencer les élections de 2010/2011 et parachever leur coup d’état de 2002 avec l’aide de la France et de l’ONU. Désarmer et créer les conditions d’une élection libre, juste et transparente reviendraient à exposer Ouattara à une défaite électorale humiliante.
Par contre, le Président Gbagbo a fait les concessions les plus douloureuses pour que les élections de sortie de crise se tiennent à la date constitutionnelle; c’est-à-dire le 28 Octobre 2005. Il n’a posé aucun obstacle à la mise en place d’un gouvernement de réconciliation nationale dirigé par un Premier Ministre issue de l’opposition, il a accepté une Commission Electorale Indépendante (CEI) où l’opposition était majoritaire. Fort du soutien de son peuple, le Président Gbagbo était certainement le seul a vouloir les élections le plus tôt possible pour reconfirmer sa légitimité.
Alors que tous ces événements sont encore frais dans la mémoire collective, le Procureur de la CPI à déjà du mal à mettre chacun d’eux dans son contexte historique. Cette attitude du Procureur soulève un certain nombre de questions. Les faits sont récents, alors pourquoi le Procureur tente-t-il de violer l’histoire des ivoiriens? Pourquoi tant de légèreté dans cette affaire qui déterminera l’avenir de la Côte d’Ivoire et des relations entre la CPI et le peuple africain? Nous avons vu certains membres de la communauté internationale, féliciter, toute honte bue, Soro Guillaume, Premier Ministre du président Gbagbo, pour selon eux avoir réussi des “élections démocratiques” en Côte d’Ivoire.
S’ils ont eu le courage de féliciter Soro, le Premier Ministre issue des APO, pour les élections truquées de 2010, qu’ils soient honnêtes et aient le même courage pour blâmer Seydou Diarra, Konan Banny et Soro Guillaume pour les reports successifs des élections de sortie de crise. Quant au Président Gbagbo que la France et l’ONU ont dépouillé de ses pouvoirs régaliens, il n’a aucune responsabilité dans ces nombreux reports des élections. Il n’a donc pas manœuvré pour éviter une quelconque élection pendant la crise ivoirienne. Qu’il recouvre donc sa liberté, ici, et maintenant.
II- LA PRETENDUE MISE EN PLACE D’UN PLAN COMMUN
La deuxième allégation honteuse du Bureau du Procureur affirme dans son DNC amendé que le Président Gbagbo a mis en place un Plan Commun pour éliminer ses adversaires politiques, leurs militants et sympathisants. Ce document affirme de façon péremptoire que la chaine de commandement qui exécutait les opérations dudit Plan était essentiellement composée de pro-Gbagbo. Elle était constituée de groupes « parallèles » qui ne “font pas partie de la structure officielle des FDS“, et qui “reçoivent leurs ordres en dehors de la hiérarchie officielle”, soutient le Bureau du Procureur. Poursuivant ses allégations, ce document, bien que reconnaissant qu’il y a eu un coup d’état dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, affirme qu’ “ A partir de cette tentative de coup d’état et afin de résister à la rébellion et de se maintenir au pouvoir, GBAGBO recourt à des mercenaires étrangers”.
On le voit bien, Madame Bensouda n’a rien eu à redire sur les nombreuses victimes de l’attaque terroriste du 19 Septembre 2002, ni sur le choix de la guerre fait par Ouattara qui a abouti au massacre de plusieurs milliers de civils, y compris des femmes et enfants, en lieu et place du recomptage des voix proposé par Laurent Gbagbo. Mais elle a juste constaté qu’à la suite de l’agression, le pouvoir Gbagbo a utilisé des mercenaires pour “résister à la rébellion“ pour “tenter de se maintenir au pouvoir“. Et Bensouda fait cette affirmation comme si la position de légitime défense dans laquelle s’est retrouvé Gbagbo face à cette rébellion meurtrière n’est pas reconnue comme telle par le droit international et principalement par le Traitée de Rome.
A la lecture des passages du DNC amendé concernant l’attaque terroriste qui a fait en moins de 24 heures plus de trois cents morts selon les autorités ivoiriennes le 19 septembre 2002, on a l’impression que madame le Procureur soutenait déjà les rebelles ivoiriens et que son souhait était que Gbagbo ne réagisse pas à l’agression. Nulle part Bensouda n’a indiqué, qu’une action effective a été engagée par le Bureau du procureur contre Soro Guillaume et ses rebelles pour les nombreux crimes commis sur les civiles pendant et après cette attaque.
1- Les soi-disant mercenaires libériens
Le DNC amendé de Bensouda soutient aussi que ces “mercenaires“ étaient libériens et que “ Pendant la période de 2002 à 2004, ces mercenaires libériens auraient commis des meurtres et des viols de civils à grande échelle à l’Ouest de la Côte d’Ivoire”. Heureusement que le Procureure utilise ici le conditionnel pour ce qui concerne les crimes commis à l’ouest par ceux qu’elle a pu, nous l’espérons, identifier comme “mercenaires libériens“.
Pour son information, l’ouest de la Cote d’Ivoire regorge d’énormes ressources minières et agricoles; c’est une zone longtemps convoitée par des prédateurs qui viennent souvent des pays voisins du nord de la Cote d’Ivoire. Cette région a constamment été victime d’attaques de colons Burkinabé et Maliens qui cherchent à neutraliser les populations autochtones pour occuper les forets ivoiriennes. Et cela depuis bien avant la prise du pouvoir par Alassane Ouattara qui, en 1992, avait déjà donné publiquement, son avis favorable à l’installation des colonies Burkinabés en territoire ivoirien. Premier Ministre du Président Houphouët Boigny, Ouattara affirmait lors d’une émission télévisée que la Côte d’Ivoire et le Burkina étaient un seul pays avant la balkanisation de l’Afrique par les européens. Et, il promettait créer un état ivoirien qui part du Golfe de Guinée aux frontières nord du Burkina Faso. C’est pour cette raison que le Burkina Faso, pays d’origine d’Alassane Ouattara, a servi de base arrière à sa rébellion avec la bénédiction de son “frère” Blaise Compaoré. C‘est donc sans surprise que nous avons remarqué qu’à la faveur de la tentative du coup d’état du 19 Septembre 2002, des milliers de Burkinabés ont rejoint la rébellion ivoirienne, avec pour objectif principal: massacrer systématiquement les populations ivoiriennes en zone forestière pour occuper leurs terres.
C’est pour freiner la progression de ces colons burkinabés et réduire les crimes qu’ils commettaient à leur passage que les populations ivoiriennes autochtones agressées dans cette région ont décidé de s’organiser en groupe d’autodéfense. Il fallait prêter main forte aux Forces de Défense et Sécurité (FDS) de Cote d’Ivoire, en sous-effectif et mal équipées. Ces populations prises à partie et totalement traumatisées n’avaient que cette unique option pour défendre leur honneur et sauvegarder l’intégrité de leur territoire, surtout que la France avait délibérément refusé d’honorer l’accord de défense qu’elle avait signé avec l’Etat de Côte d’Ivoire le 24 Avril 1961. Qualifier les dignes fils de cette région de “miliciens” libériens pour avoir résisté à l’imposture relève d’un mépris inacceptable à l’égard du peuple ivoirien.
Nous le constatons bien, dans ce cas comme dans celui de l’agression rebelle du 19 Septembre 2002, le Bureau du Procureur de la CPI a souhaité que les populations croisent les bras et regardent les envahisseurs commettre des massacres à grande échelle pour ensuite prendre le contrôle des institutions républicaines et des terres ivoiriennes.
2- Le mépris du Procureur pour les victimes pro-Gbagbo
On le voit ici également, le procureure n’exprime aucune compassion pour les nombreuses victimes de la région de l’ouest montagneux où environ deux mille civils Wê ont été massacrés les 28 et 29 Mars 2011 par les forces pro-Ouattara lors de leur conquête du pays. Madame Bensouda n’a pas, non plus, abandonné sa méthode sélective des victimes, celle qui consiste à les catégoriser; d’un coté les pro-Ouattara, les anges, qui ont droit à la justice et de l’autre les pro-Gbagbo, les démons, à qui il faut nier tout droit à la justice. Pourtant, Bensouda travaille pour une institution, la CPI, censée défendre toutes les victimes de conflits armés, quelle que soit leur appartenance idéologique, politique ou philosophique.
Malheureusement, dans l’Affaire « le Procureur contre Gbagbo », nous sommes en face d’une justice sélective avec un Procureure dont le seul et unique souci est de clouer au pilori un peuple et son guide pour avoir défendu leur Constitution, la démocratie, leurs terres et leur existence même. Mais surtout pour avoir décidé de s’affranchir de la dépendance des impérialistes occidentaux.
Alors que l’institution pour laquelle elle travaille exige qu’elle fasse preuve de justice et d’équité dans les dossiers qui lui sont soumis, Bensouda continue de renforcer l’idée selon laquelle la CPI est un instrument impérialiste contre les “mauvais” leaders politiques; c’est-à-dire ceux que l’occident soupçonne de nationalisme. Dans le cas ivoirien, le président Gbagbo, l’anticolonialiste, demeure donc le “démon” à abattre et à remplacer par Ouattara, le pro-occidental, l’ange.
Dans cet exercice, Bensouda ne cache plus son parti-pris pour les criminels du camp Ouattara. Alors que plusieurs rapports documentés d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) soutiennent que les crimes ont été commis par les deux camps, le Bureau du Procureur n’a jusque-là délivré des mandats d’arrêt qu’aux seuls membres du camp Gbagbo et à lui-même.
3- La complicité du Procureur avec le camp Ouattara
Le Bureau du Procureur dont la complicité avec les rebelles et les impérialistes occidentaux qui les soutiennent n’est donc plus à démontrer a décidé de traquer un homme dont la lutte politique a conduit la Côte d’Ivoire au multipartisme en Avril 1990; c’est bien Laurent Gbagbo qui a permis à la Côte d’Ivoire de jouir des acquis démocratiques considérables dont elle pouvait se vanter jusqu’à la date du 11 Avril 2011; telles que la Commission Electorale Indépendante (CEI), la limitation du mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une seule fois, la réduction de la majorité électorale de 21 à 18 ans, etc…
Comme le premier, ce dossier amendé est également vide. Le procès que le Bureau de Bensouda cherche inexorablement contre Gbagbo n’aura pas lieu si la procédure engagée et la décision des juges restent conformes aux exigences du droit international; c’est-à-dire, une procédure dont les enquêtes sont faites avec professionnalisme et un verdict des juges guidé par la justice et l’équité. Revenons aux arguments principaux.
4- La reconnaissance du Traité de Rome par Gbagbo
Les arguments de l’accusation se heurtent à la déclaration de reconnaissance du 18 Avril 2003 à laquelle la Procureure fait référence. Dans ce DNC amendé, Bensouda rappelle que la République de Côte d’Ivoire est devenue un Etat partie au Statut de Rome “depuis le 15 février 2013”. Toutefois, l’accusation reconnait que “Déjà, le 1er octobre 2003, le Gouvernement de la Côte d’Ivoire a reconnu, par déclaration datée du 18 avril 2003, la compétence de la Cour pour juger les crimes commis sur le territoire ivoirien à compter du 19 septembre 2002”. Mais pour tenter de cacher son cynisme, Bensouda ne dit pas clairement que c’est Laurent Gbagbo qui a signé la déclaration à laquelle elle fait allusion.
Or, élu le 28 Octobre 2000 et régulièrement investi comme Président de la République de Côte d’Ivoire par le Conseil Constitutionnel, Laurent Gbagbo était aux commandes de son pays en 2003 malgré la tentative de coup d’état de 2002; c’est bien lui le signataire de cette déclaration de reconnaissance de la CPI du 18 Avril 2003 dont parle l’accusation. Alors, la question que suscite l’attitude du Bureau du Procureur est de savoir pourquoi, Gbagbo, qui “ était déterminé à rester au pouvoir“ et qui “ Dès son accession à la Présidence en 2000, (..) a eu pour objectif de se maintenir au pouvoir, y compris en réprimant ou en attaquant violemment ceux qui constituaient une menace pour son régime“ a pris une telle décision? Autrement dit, le Président Gbagbo aurait-il pris une telle décision si son intention dès son accession au pouvoir était réellement de le garder par “tous les moyens y compris par la force létale” comme l’affirme l’accusation? Nous pensons que non. Si Gbagbo avait l’intention de commettre des crimes à grande échelle, il n’aurait pas dissout son gouvernement et cédé une partie de ses prérogatives institutionnelles aux Premiers Ministres Seydou Diarra et Konan Banny, issus de l’opposition. Et, il n’aurait pas non plus initié le dialogue direct qui a abouti à l’Accord Politique de Ouagadougou et à la nomination de Soro Guillaume, chef rebelle, comme Premier Ministre. Au lieu de cela, il aurait mis en exécution ledit plan.
Mais faut-il le rappeler, c’est sous aucune menace que le Président Gbagbo a signé la déclaration reconnaissant la CPI. Que cherche donc Bensouda en faisant ce genre d’allégations grossières? Veut-elle faire croire à l’opinion que Gbagbo a signé la déclaration de reconnaissance de la CPI parce qu’il se croyait investi d’une immunité spéciale qui le mettrait à l’abri de toute poursuite de la CPI après avoir commis des crimes relevant de la compétence de cette institution onusienne? Ou simplement, est-ce à dire que le prisonnier de Bensouda ne savait pas à quoi il s’exposait et dans quelle voie il engageait son peuple en signant un tel document? Non, Bensouda, Gbagbo était bien conscient de l’engagement qu’il prenait en signant cette déclaration de reconnaissance de la CPI.
5- L’exécution du plan Commun
Le bureau du procureur affirme aussi que “GBAGBO était déterminé à rester au pouvoir. Au plus tard avant le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010, aidé par son entourage immédiat, GBAGBO a élaboré un Plan visant à attaquer son rival politique Alassane Dramane OUATTARA ainsi que des membres du cercle politique de celui-ci et des civils considérés comme ses partisans,….”. C’est ici que se trouve toute la légèreté de ce document. Pourquoi Gbagbo qui “Dès son accession à la Présidence en 2000, …..a eu pour objectif de se maintenir au pouvoir, y compris en réprimant ou en attaquant violemment ceux qui constituaient une menace pour son régime” a-t-il attendu “..plus tard avant le deuxième tour de l’élection de 2010” pour “élaborer un Plan visant à attaquer son rival politique, Alassane Dramane Ouattara, ainsi que des membres du cercle politique de celui-ci et des civiles considérés comme ses partisans….”. Pourquoi n’a-t-il pas élaboré ce Plan Commun “salvateur” au lendemain de sa prise de pouvoir où, comme l’affirme l’accusation, le sentiment de le garder “ par tous les moyens, y compris par la force létal“, l’animait déjà ou même juste après l’attaque du 19 Septembre 2002 et il a préféré attendre huit ou dix années avant d’élaborer un tel Plan qui selon le Procureur devait le maintenir au pouvoir contre l’avis de son peuple?
Le Bureau du Procureur soutient mordicus que “ les partisans de Gbagbo ont continué à commettre des crimes contre les civils pris pour des partisans de OUATTARA jusqu’au 8 mai 2011 au moins”. Et cela bien que leur leader ait été déjà kidnappé le 11 Avril 2011; c’est-à-dire dans une période où la victoire militaire de la coalition FAFN, ONUCI, Licorne et mercenaires ouest-africains était déjà reconnue par tous et que tous les pro-Gbagbo étaient littéralement traqués, arrêtés et exécutés à travers le pays.
Pour pousser le ridicule le plus loin possible et conforter la position des anti-CPI, la “puissante” Procureure de la CPI affirme que “Les crimes en question s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique menée contre la population civile à l’initiative de GBAGBO et de son entourage immédiat dans la poursuite du Plan commun”. Cela voudrait dire que de leurs différents lieux de détention ou d’asile, Gbagbo et ses proches continuaient à conduire les opérations militaires sur le terrain toujours dans le but de se maintenir au pouvoir. Soyons sérieux !
Personne ne l’ignore, l’affaire le Procureur c. Gbagbo n’est pas une procédure judiciaire contre un criminel reconnu comme tel, mais un acharnement contre une véritable icone politique qui incarne une nouvelle génération de leaders africains soucieux de la souveraineté des états de leur continent. Par conséquent, son procès est celui d’une partie du peuple africain; celle qui est très réservée sur l’utilité de cette cour internationale qui, de son point de vue, semble être créée pour persécuter les leaders africains très proches de leurs peuples. Ils sont nombreux ces africains qui ont suivi et qui continuent de suivre l’homme depuis le début de sa carrière politique, il y a près d’un demi-siècle. Ce sont eux qui appellent de tout leur vœu une procédure judiciaire qui respecte le standard d’une justice équitable. Ce sont ces hommes et ces femmes de cette Afrique nouvelle en construction qui pensent qu’il serait judicieux que la CPI tienne absolument compte du passé politique du prévenu dans sa recherche de vérité en rapport avec la crise postélectorale en Côte d’Ivoire.
III. LES TRACES DU PREVENU QUI PEUVENT ILLUMINER LE VERDICT DES JUGES
Pour mieux analyser l’allégation selon laquelle, pour se maintenir au pouvoir, le président Gbagbo a manœuvré en utilisant “ les mercenaires libériens, les jeunes patriotes, les milices tribales” et une partie de l’armée régulière, il nous parait judicieux de revenir sur les traces politiques laissées par l’homme pendant les nombreuses années de sa carrière. Surtout pendant la période où il était dans l’opposition et pouvait facilement être tenté d’utiliser n’importe quel moyen, y compris la violence politique, pour accéder au pouvoir.
Le 03 Juin 2012, la Chambre Préliminaire 1 rendait la décision des premières audiences dans laquelle elle déclarait “qu’il n’existe pas de preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que Laurent Gbagbo a commis chacun des crimes qui lui sont imputés”. Curieusement, au lieu de la relaxe pure et simple du prévenu, la cour a préféré donner plus de temps au bureau du Procureur pour fournir des preuves additionnelles conformément à l’article 67 (7) (c)(i) du Statut de Rome. La Chambre Préliminaire 1 justifie sa position par le fait que, “ dans l’ensemble, les éléments de preuves présentés par l’Accusation, bien qu’apparemment insuffisantes, ne semblent pas manquer de pertinence et de valeur probante…”.
C’est dans le DNC amendé que le Bureau du Procureur soutient que, Laurent Gbagbo, le père de la démocratie ivoirienne, a usé de tous les subterfuges et a manœuvré pour se maintenir au pouvoir entre 2005 et 2010. Le bureau du Procureur a pris soin d’ignorer délibérément les obstacles constitutionnels (partition du pays, rebelles en armes, etc..) qui ont contraint la CEI et le Président Gbagbo à ajourner les consultations électorales à plusieurs reprises avant les ultimes occasions des 31 Octobre et 28 Novembre 2010. Heureusement d’ailleurs pour elle puisque cet argument ne la conduirait nulle part étant donné que l’article 38 de la Constitution ivoirienne stipule que “En cas d’événements ou de circonstances graves, notamment d’atteinte à l’intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation“.
Du point de vue du droit ivoirien, La CEI et le Président Gbagbo avaient le droit de refuser la tenue de ces élections avec la Côte d’Ivoire divisée en deux et les rebelles en armes. Mais, limitons-nous aux arguments relatifs à l’utilisation des milices, mercenaires et des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ivoirienne pour se maintenir au pouvoir entre 2005 et 2010.
A notre avis, il est impossible de faire une analyse objective et complète de cette affaire sans s’informer sur la perception de Gbagbo de la transition politique et, sans connaitre sa vision de l’exercice du pouvoir avant son accession à la magistrature suprême.
Si la CPI veut donc être crédible aux yeux des nombreuses personnes qui suivent avec beaucoup d’intérêt cette Affaire Procureur c. Gbagbo, il serait sage ou simplement professionnel pour les juges de parcourir, à la recherche de la vérité, le long et remarquable chemin politique de leur prisonnier.
Le Président Gbagbo l’a si bien dit lors de son audition à la CPI en Février 2013: ” l’homme, il marche, il marche et sur son parcourt il laisse des traces pour que ceux qui viennent après lui le retrouvent”. Il ne croyait pas si bien dire, parce que, ce sont les traces laissées par l’Homme qui ont permis aux archéologues de retrouver ses origines ancestrales.
C’est aussi par les traces qu’un homme politique ou un citoyen ordinaire laisse à travers les réalisations et/ou ses écrits que les politologues, historiens et autres chercheurs retrouvent ses aspirations, ses origines idéologiques, philosophiques ou politiques. Mais ce sont les empreintes qui permettent à la police d’appréhender et confondre un criminel. C’est bien sur les “empreintes” laissées par l’Homme que les générations futures se penchent pour le juger. Si le souci de la CPI est donc de dire le droit, rien que le droit, elle est obligée de procéder par cette démarche scientifique qui consiste, nous le répétons, à repartir sur les traces du prévenu pour y extraire les éléments qui peuvent contribuer à sa culpabilité ou à sa relaxe pure et simple.
Pour une personnalité politique de l’envergure de Laurent Gbagbo, il y a moins de mal à se faire parce que l’homme a laissé de nombreuses publications qui expriment sa philosophie, l’idéologie politique à laquelle il appartient et même son idéal politique. Il n’y a donc rien à inventer dans l’histoire de cette personnalité qui a passé 3/4 de sa vie au service d’une cause, d’un idéal: la démocratie. Les enquêteurs de la CPI n’auront pas à rechercher loin, tout est là, dans le domaine public.
1- Laurent Gbagbo et la transition pacifique à la démocratie
Ici, nous allons revenir sur quelques faits historiques pour démontrer qu’il est absolument impossible que le démocrate Gbagbo ait pu se convertir en dictateur en moins de deux années de pouvoir. Oui, dictateur, parce que ce sont les dictateurs qui font fi des lois de leurs pays quand celles-ci ne sont pas à leur faveur, et qui n’hésitent pas à manipuler leurs Constitutions dans le seul but de conserver le pouvoir ou de le garantir à leurs descendants. Le Président Houphouët-Boigny, en Côte d’Ivoire, l’a fait à de nombreuses occasions pour permettre à Konan Bédié d’assurer sa succession. Ce sont les dictateurs qui utilisent des méthodes non-démocratiques pour accéder au pouvoir et qui, une fois au pouvoir, créent des subterfuges pour s’y maintenir.
Mr Laurent Gbagbo, Secrétaire Général (1990-1995), puis président (1995-2000) du FPI, que ses détracteurs traitent de dictateur, a-t-il usé de méthodes antidémocratiques pour accéder aux pouvoir en 2000 et une fois le pouvoir obtenu, a-t-il changé ou tenté de changer la Constitution ivoirienne pour se maintenir au pouvoir? C’est à cette série de questions capitales qu’il faut répondre en toute responsabilité dans cette affaire. Ici, nous allons répondre à la question de savoir comment Gbagbo a toujours perçu la transition au sommet de l’Etat.
Alors que s’offrait à l’opposant Laurent Gbagbo l’occasion de renverser le Président Houphouët-Boigny par coup d’état pour accéder au pouvoir en 1990, le choix de la transition pacifique à la démocratie est resté pour lui, la seule et unique option possible. Ce choix républicain ne l’a-t-il pas séparé définitivement de son frère et ex-amis de lutte Louis Andre Dakouri Tabley? Cet ancien militant du FPI devenu rebelle et militant du Rassemblement des Républicains (RDR) après la tentative du coup d’état du 19 septembre 2002 contre Gbagbo, exigeait que le Président Houphouët soit victime d’un coup d’état du FPI. Gbagbo avait alors pris ses distances vis-à-vis de ce putschiste qui s’est par la suite retrouvé au RDR, auteur des coups d’état de 1999, 2002 et 2010.
Le Président Houphouët-Boigny était devenu impopulaire à partir de 1989 à cause de la crise économique que traversait le pays; l’armée, les élèves et étudiants et presque tout le corps social était en ébullition et un quelconque coup d’état aurait eu le soutien populaire. Mais, bien qu’interpellé par certains cadres du pays, y compris ceux du parti au pouvoir, Laurent Gbagbo a décliné l’option du coup de force pour accéder au pouvoir. Cette opportunité lui a été offerte une fois encore à la mort du Président Houphouët Boigny, le 7 Décembre 1993; Pendant que Bédié et Ouattara s’empoignaient pour occuper le trône du défunt, l’opposant Gbagbo appelait à la retenue et au respect de la Constitution du 03 Novembre 1960 qui avait déjà réglé la question de la vacance. Si Gbagbo avait l’âme d’un assoiffé de pouvoir, il aurait usé de sa popularité et du soutien de l’armée pour occuper ce poste et combler ainsi le désir du changement qu’éprouvait le peuple ivoirien. Mais encore plus édifiant, quand les militaires ont chassé Konan Bédié du pouvoir, le 24 Décembre 1999, et que Ouattara refusait d’assumer la paternité du coup, c’est encore vers le seul opposant crédible, Laurent Gbagbo, que les putschistes se sont dirigés avant que cette offre ne revienne au General Guéi. A cette occasion encore, Gbagbo a refusé d’accéder au pouvoir sans les élections.
A partir de ces faits, l’on pourrait se poser la question suivante: Peut-on chercher à conserver le pouvoir politique par tous les moyens sans en être obsédé? Si le Président Gbagbo aimait tant le pouvoir au point de ne pas vouloir le laisser, comment pouvait-il laisser passer autant d’opportunités qui se sont offertes à lui entre 1989 et 2000.
Ou alors, d’où est subitement venue cette volonté de conserver le pouvoir après l’avoir acquis par les urnes et conformément aux règles établies par la Constitution de son pays. Serait-ce la gloire, le pouvoir ou le prestige? Non, nous n’y croyons pas, vu que l’homme a plus de quarante années de carrière politique? Sans y être, Gbagbo a étudié et même côtoyé les pouvoirs d’état; il connaissait donc les avantages liés au poste de Président de la République avant qu’il ne devienne Président. Il n’a donc pas été surpris par les honneurs, le prestige et autres avantages liés à sa nouvelle fonction. Aussi, nous savons tous la relation de l’homme avec l’argent et son avis sur la richesse; Gbagbo n’a pas voulu le pouvoir à cause de l’argent soutient la majorité des Ivoiriens. Et la CPI même nous l’a confirmé en le déclarant indigent. Ce n’est donc pas le prestige, ni la gloire qui amèneraient Gbagbo à conserver le pouvoir, parce que l’humilité de Gbagbo est connue de tous. Alors qu’est ce qui pouvait encore justifier son maintien au pouvoir par la force des armes? Un antécédent juridique? Mais, il n’en a pas du tout; alors il n’avait aucune raison de redouter une quelconque chasse à l’homme après son départ du pouvoir. Les USA, pays très attaché au respect des Droits de l’Homme, lui avaient même proposé un poste d’enseignant dans une des universités du pays. L’Administration Obama aurait-elle offert un tel emploi à un criminel? Non, Gbagbo n’est ni un criminel, ni un dictateur.
La Constitution du 28 Juillet 2000 a été largement inspirée par les cadres du FPI, le parti de Laurent Gbagbo. Mais, c’est particulièrement lui qui, estimant qu’un pouvoir longtemps conservé amène son détenteur à se comporter en propriétaire alors qu’il n’en est que le locataire, a demandé et obtenu la limitation du mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois. Dans son combat pour la limitation du mandat présidentiel, Gbagbo soutient qu’en dix ans, un citoyen élu président peut donner le maximum de lui-même pour contribuer à la construction de son pays. Les mandats illimités, soutient-il, usent la démocratie.
Tous les acquis démocratiques dont a joui la Côte d’Ivoire entre 1990 et Avril 2011, et qui sont malheureusement remis en cause par le régime Ouattara aujourd’hui sont bien le fruit du long et difficile combat pour la démocratie conduit par Gbagbo contre Houphouët-Boigny, Bédié et Ouattara Alassane. Ces acquis ont été obtenus au prix du sang de plusieurs centaines d’Ivoiriens militants du FPI froidement assassinés par les régimes sous l’autorité de ces trois personnalités. Mais aussi, ces acquis démocratiques ont couté la prison à plusieurs leaders de l’opposition dont Laurent Gbagbo lui-même. Parmi les acquis démocratiques, l’on peut citer à titre d’exemple, la Commission Electorale Indépendante (CEI), la nouvelle majorité électorale (18 ans), la limitation du mandat présidentiel, le bulletin unique, les différentes lois qui consacrent les libertés civiques et politiques.
2. Gbagbo et l’exercice du pouvoir
Les hommes politiques qui s’accrochent au pouvoir ont, entre autres, ceci en commun: l’amour du pouvoir et des avantages qui y sont attachés tels que la fortune, la gloire, le prestige etc. Pour ceux qui connaissent Gbagbo parce qu’ils l’ont pratiqué, sa gestion du pouvoir était vue plus comme celle d’une grande famille où le père met en priorité les enfants que celle où père égoïste. Ses plus grands détracteurs l’ont accusé de tout sauf de détournement de fonds à son profit ou au profit de sa famille. Sa générosité et son humilité continuent d’être reconnues par tous. La CPI l’a trouvé indigent même si certains de ses détracteurs lui ont attribué trois ans après son arrestation des comptes bancaires fictifs.
La plus grande erreur du Président Gbagbo a été d’avoir fait usage de l’article 48 de la Constitution de 2000 pour permettre au sponsor de la rébellion, Alassane Ouattara, de faire acte de candidature aux élections de 2010 alors que la Constitution Ivoirienne l’en empêchait pour “nationalité douteuse”. L’homme voulait la paix pour son pays et pour cela il a fait les concessions les plus douloureuses aux rebelles; il a gouverné avec l’ex-rébellion et a même fait Premier Ministre le chef rebelle, Soro Guillaume. Mais plus grave, Gbagbo a accepté que la coalition houphoüetiste et rebelles soit majoritaire dans la Commission Electorale Indépendante.
Erreur politique certes, mais erreur de jugement aussi puisque le Président Gbagbo a fait toutes ces concessions pour exprimer sa bonne foi et sa volonté de ramener la paix dans son pays. Mais aussi et surtout, parce que le prisonnier de Scheveningen a cru en la bonne foi de la communauté internationale; celle d’aider la Côte d’Ivoire à recouvrer la paix par le respect des accords signés. Il a cru fermement que les démocraties occidentales représentées en Côte d’Ivoire étaient à même d’accompagner son pays en toute impartialité et dans le respect de la Constitution Ivoirienne sur le chemin de la démocratie. Malheureusement pour lui, ce sont les ambassadeurs de France et des Etats-Unis qui ont kidnappé Youssouf Bakayoko, Président de la Commission Electorale Indépendante, et qui l’ont sommé de déclarer Alassane vainqueur au quartier général de sa campagne, en violation de la Constitution Ivoirienne.
CONCLUSION
De ce qui précède, nous pouvons conclure sans risque de nous tromper que le Président Gbagbo qui a combattu toute sa vie pour l’accession au pouvoir par les urnes et pour la promotion de la démocratie en Côte d’Ivoire n’a trouvé aucun dérivatif pour se maintenir au pouvoir.
Les reports successifs des élections entre 2005 et 2010 ont été motivés par la partition de la Côte d’Ivoire et le refus des rebelles de déposer les armes. Cette responsabilité revient donc aux rebelles et à leur branche politique conduite par Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Quant au président Gbagbo, il a fait sa part de sacrifice pour ramener son pays sur la voie de la paix et la stabilité.
La Côte d’Ivoire s’est donnée librement des lois que tout citoyen et toute institution ivoirienne sont appelés à respecter. La responsabilité de l’organisation des élections en Côte d’Ivoire revient en premier à la Commission Electorale Indépendante et dernier ressort au Conseil Constitutionnel et non au gouvernement comme ce fut le cas sous, Houphouët-Boigny, Ouattara et Bédié. C’est la CEI qui propose des dates au gouvernement quand les conditions constitutionnelles de la tenue des élections sont réunies. Et cela en toute indépendance. S’il n’y a pas eu d’élections entre Octobre 2005 et Septembre 2010 en Côte d’Ivoire la responsabilité revient à la rébellion, à Alassane Ouattara, aux Premiers Ministres Seydou Diarra, Charles Konan Banny, Soro Guillaume et la CEI qui apprécie les conditions de leur organisation selon l’article 38 susmentionné et non au Président de la République.
Quant au fameux Plan Commun auquel Gbagbo aurait pensé en 2000 et élaboré seulement en 2010 pour commettre des crimes à grande échelle dans le but de se maintenir au pouvoir, c’est une vue de l’esprit des agents impérialistes et du Bureau du Procureur de la CPI qui veulent sortir définitivement Gbagbo, le panafricain, du jeu politique ivoirien pour mieux s’accaparer les richesses de la Côte d’Ivoire sous Ouattara, leur pantin. Gbagbo l’a si bien dit, c’est parce qu’il a respecté la Constitution Ivoirienne qu’il se trouve aujourd’hui en prison, non pas pour une autre raison.

Une contribution d'Arsène Dogba
Politologue