Débats et Opinions: Campagne pour le retour des exilés. Stratégie pour une réconciliation vraie ou tentative de fragilisation du FPI ?
Par Correspondance particulière - Campagne pour le retour des exilés est-elle une Stratégie pour une réconciliation vraie ou tentative de fragilisation du FPI ?
Le retour des exilés semble être devenu l’une des priorités du pouvoir ivoirien, qui, dit-on, ne ménage aucun effort pour que ces milliers d’ivoiriens contraints à l’exil par la politique immonde d’Alassane Ouattara, retournent au pays natal. La thèse défendue est que le retour de ces partisans de Gbagbo aidera à la réconciliation nationale. S’il est vrai qu’elle n’est pas totalement fausse, il n’en demeure pas moins que pour qu’elle prospère, ses auteurs devront inscrire leurs actions dans une démarche cohérente et globale.
En d’autres termes, le pouvoir devra s’interdire d’user de manœuvres politiques vi- sant à fragiliser ou à instaurer un climat de suspicion au sein du FPI et des organisations alliées. La démarche cohérente dont il est question voudrait que le pouvoir examine minutieusement les préoccupations maintes fois exprimées par les exilés, leur apporte des solutions ou, à tout le moins, signe des ac- cords formels et non verbaux dans lesquels sera indiqué le chronogramme de mise en œuvre des engagements pris. Citons pêle-mêle les préoccupations essentielles des exilés : la libération des prisonniers politiques en commençant par Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo et Blé Goudé, la loi d’amnistie générale pour éteindre de manière effective et définitive les mandats d’arrêt lancés à l’emporte pièce aux trousses des pro-Gbagbo, la libération des terres et des biens pris en otage par les hommes du pouvoir et leurs supplétifs venus de pays limitrophes Burkina Faso ,Mali et autres, le dégel des avoirs… La démarche ci-devant indiquée devrait logiquement être adoptée par tout pou- voir qui se veut véritable- ment soucieux du bien-être de tous et qui est sincèrement engagé dans un processus de réconciliation nationale. Or dans le cas présent, on observe un mélange de genre entre cadre de règlement politique des préoccupations posées par les exilés et manœuvres politiques. Pour ce qui concerne le cadre politique, le pouvoir offre aux exilés des déclarations et discours pour être plus précis, au contenu flou. Quel crédit peut-on accorder à des engagements verbaux? Que peuvent peser les déclarations d’intention des hommes de l’exécutif devant les mandats d’arrêt pris par la justice dans un régime qui tue l’indépendance de la justice ? Quels sont les précédents qui militent en faveur d’une confiance aveugle ou intelligente en ces « bonnes intentions » affichées par le pouvoir ? A l’évidence aucun fait majeur du pouvoir n’autorise à croire qu’il est sincère lorsqu’il invite les exilés à rentrer. D’ailleurs, il n’eût aucun afflux des exilés aux frontières ivoiriennes au soir des incessants appels au retour. Ont-ils subodoré la supercherie du pouvoir ? Personne n’a du reste été ému par les arrivées solitaires des Gossio, Dogou et cinq militaires du Togo, curieusement présentés devant les médias internationaux par le Ministre délégué à la défense Paul Koffi Koffi comme 1 200 militaires rentrés d’exil pour répondre à l’appel de Ouattara. S’agissant des manœuvres politiques, il est clair que le pouvoir d’Abidjan n’a pas l’intention de vouloir fragiliser ses fondations en ouvrant le jeu politique. Même si on admet qu’il agit sous la pression de ses amis d’hier, son penchant dictatorial devrait l’amener à prendre quelques précautions pour espérer « garder la main ». De plus, quand on sait que la direction du FPI à Abidjan trouble les nuits du régime, on se demande ce qui pourrait conduire le pouvoir à faciliter l’entrée des exilés sur le territoire ivoirien. Leur retour sera une force de plus au FPI. Alors, il faut user de manœuvres pour fragiliser ce parti d’où tous les appels, contacts et arrangements personnalisés initiés par le pouvoir afin que, de façon individuelle, ces exilés retournent en Côte d’Ivoire. Ceci pour mettre sous le boisseau ou pour contourner les états généraux de la république (EGR) précédés d’un dialogue direct réclamés depuis par le FPI. L’objectif étant, in fine, de catégoriser les exilés. D’un côté on aura les irréductibles, ceux qui refusent de transiger, les ennemis de la réconciliation et de l’autre côté, les modérés que le pouvoir présentera en porte fanion comme ceux qui veulent d’une réconciliation nationale. On le voit déjà !!! Avec cette stratégie, la thèse selon laquelle le pouvoir souhaite le retour des exilés pour une réconciliation vraie est doublement irrecevable. Premièrement, la présence sur le territoire ivoirien ne signifie en rien la réconciliation. La réconciliation passe par des discussions ouvertes et sincères qui intègrent les préoccupations posées par ceux qui ont été contraints à l’exil. Celles- ci devront être examinées globalement parce qu’elles concernent l’ensemble des exilés et non quelques uns de ceux qui négocient leur retour individuel. En effet, Ils sont 58 000(Chiffres officiels ivoiriens) au Liberia et plus de 25 000 au Ghana, Togo, Benin, Maroc et autres. Deuxièmement, la thèse est irrecevable dans la mesure où la réconciliation nationale est incompatible avec une quelconque manœuvre et un calcul politicien dont l’objectif est d’affaiblir le parti des exilés en vue de continuer à embrigader l’espace politique. Il n’y a donc pas lieu de regarder cette frénétique campagne comme un appel à la réconciliation mais au contraire, comme un acte de fragilisation, d’isolement ou de contournement du parti fondé par Laurent Gbagbo. Il revient en effet de manière récurrente que la direction du Fpi n’est souvent qu’informée et non associée à ces retours solitaires. La dernière mission du FPI conduite pendant une semaine par le ministre Michel Amani N’Guessan auprès des exilés nous situera.
Une contribution d’Alain Bouikalo Juriste