Les chefs d’Etat africains sonnent la révolte contre la CPI : « La CPI est raciste et manipulée ». Ils exigent l’abandon des charges contre Kenyatta et Béchir, et la libération de Gbagbo
Par IvoireBusiness - Le Sommet de l'UA a adopté lundi "par consensus" une résolution demandant la clôture de la procédure kényane contre le Président Kenyatta devant la CPI, et son renvoi devant les juridictions kényanes.
Les chefs d’Etat africains sont absolument remontés contre la Cour pénale internationale qu’ils jugent manipulée, partiale, raciste, et uniquement dirigée contre les africains. Pour faire simple, ils n’en veulent plus. Ils ne veulent que les africains soient jugés par une Cour manipulée par les puissances occidentales contre eux.
Le Sommet de l'UA a en conséquence adopté lundi "par consensus", une résolution demandant la clôture de la procédure kényane devant la CPI contre le Président Uhuru Kenyatta, et son renvoi devant les juridictions kényanes.
Et selon plusieurs sources diplomatiques concordantes, les procès des Présidents Laurent Gbagbo et l'inculpation Omar El-Béchir du Soudan par la CPI, ont également été abordés par les chefs d’Etat, qui auraient demandé la libération de l’ancien Président ivoirien, et l’abandon des charges contre le Président du Soudan. Ce serait la raison pour laquelle le Président ivoirien Alassane Ouattara, a préféré partir avant le procès en racisme et en partialité de la CPI, à Addis Abeba par ses pairs africains.
Omar El-Béchir, présent à Addis Abeba, s'est d'ailleurs réjoui de la décision de ses pairs à France 24: "En Afrique, il y a cette conviction que la Cour pénale internationale est le nouveau visage de la colonisation pour terroriser les leaders africains, affirme le président Omar el-Béchir. On observe d'ailleurs que tous ceux qui sont poursuivis par la CPI sont des Africains, et précisément ceux qui rejettent et refusent la politique occidentale".
En effet, depuis sa création, la CPI a inculpé une trentaine de personnes, tous des Africains, pour génocides, crimes de guerre, et crimes contre l’humanité. Plusieurs pays africains sont concernés par ces inculpations. Il s’agit de la République démocratique du Congo (Affaire Bemba), de la Centrafrique, du Liberia (Affaire Taylor), de l’Ouganda, du Soudan (Affaire Béchir et Darfour), Kenya (Affaire Uhuru Kenyatta, du Rwanda (Affaire Bosco N’taganda), de la Côte d'Ivoire (Affaire Laurent Gbagbo), du Mali, de la Libye, etc…
Comme on le voit, le cinquantenaire de la création de l’OUA a été l’occasion pour les chefs d’Etat africains de désavouer la CPI et d’exposer cette défiance à la face du monde. Et c’est le président de l'Union africaine (UA) en personne qui a été désigné par ses pairs pour mettre la CPI au banc des accusés.
Lundi à Addis Abeba, il a accusé la Cour pénale internationale (CPI) de mener "une sorte de chasse raciale" contre les Africains, cela à l'issue du Sommet de l’UA, lequel a appelé la CPI a abandonner les charges contre le Président kenyan Uhuru Kenyatta et son vice-président, et au renvoi au Kenya des poursuites intentées par la CPI contre la tête de l'exécutif de ce pays.
"La CPI doit bien voir qu'elle ne devrait pas pourchasser des Africains", a poursuivi M. Hailemariam, assurant que "les dirigeants africains ne comprennent pas les poursuites contre" le président kényan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, inculpés depuis janvier 2012 de crimes contre l'humanité par la CPI.
MM. Kenyatta et Ruto, élus respectivement en mars président et vice-président du Kenya sur un ticket commun, sont poursuivis par la CPI pour leur rôle présumé dans l'organisation des terribles violences ayant suivi le précédent scrutin présidentiel de décembre 2007 au Kenya, durant lequel ils appartenaient à deux camps différents.
"Maintenant que le Kenya a réformé sa justice (...) les choses devraient être laissées aux tribunaux" kényans, a estimé la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma.
La Cour internationale a fait savoir à l'AFP qu'elle "ne réagirait pas aux résolutions de l'UA", un de ses porte-parole soulignant que 43 pays africains avaient signé le Statut de Rome fondateur de la CPI et que 34 l'avaient ratifié, "faisant de l'Afrique la région la plus représentée au sein des membres de la Cour".
La résolution de l'UA n'aura aucune force contraignante sur la CPI, indépendante. Seul le Conseil de sécurité de l'ONU, auquel elle est liée par un accord de coopération, peut simplement réclamer une "suspension" des procédures.
C’est la raison pour laquelle, l’UA selon une source diplomatique, aurait décidé de porter cette résolution devant le Conseil de sécurité de l’Onu pour avoir gain de cause. Le bras de fer UA-Conseil de sécurité est comme on le voit, engagé.
Selon le commissaire de l'UA à la Paix et la sécurité, Ramtane Lamamra, la résolution sur la CPI a été adoptée "par consensus", sans vote formel. Seuls deux pays ont exprimé des "nuances" durant le débat, la Gambie - pays d'origine de la procureure de la CPI Fatou Bensouda qui mène les poursuites dans le dossier kényan - et le Botswana.
Catherine Balineau