Tribune: Ouattara ne peut être candidat en 2015 sans faire un référendum, par Armand Gérard OBOU

Par Correspondance particulière - OUATTARA NE PEUT ETRE CANDIDAT EN 2015 SANS FAIRE UN RÉFÉRENDUM.

Alassane Ouattara, de retour à Abidjan dimanche, en milieu d'après-midi, après une autre de ses nombreuses villégiatures budgétivores, a estimé que le plus important, c'est la préparation des élections de 2015, se prononçant ainsi sur la proposition du Front populaire ivoirien de convoquer des "états généraux de la République" comme étant l’instrument opérationnel de la Réconciliation nationale. "Je pense que chacun à son point de vue. Je considère que c'est important que le dialogue politique puisse se poursuivre. Mais qu'en octobre 2015 les ivoiriens puissent voter, c'est plus important", a déclaré le Président Ouattara à l'aéroport d'Abidjan, répondant à un journaliste l'invitant à donner son avis sur cette approche de prévention des conflits du parti de Laurent Gbagbo.
Pour dire vrai, Alassane Ouattara n’a pas tord d’insister sur les préparatifs des élections de 2015 car en l’état actuel des choses Ouattara sait très bien qu’il ne peut être candidat aux élections présidentielles de 2015. Le principal obstacle à l’organisation des élections de 2015 demeure la question de la recevabilité de la candidature du Président Alassane Ouattara, qu’il a d’ailleurs déjà annoncé bien que n’étant pas éligible en l’état actuel des dispositions constitutionnelles. Le professeur de Droit Constitutionnel, Francis Wodié qui est désormais au Conseil Constitutionnel n’aura d’autre choix que de rejeter la candidature de Alassane Ouattara tant que l’article 35 n’aura connu de modification par voie référendaire. Si le Professeur Francis Wodié adoptait une option contraire, alors, il aurait outrepassé ses prérogatives constitutionnelles telles que définies en l’article 94 de la Constitution. Nous avons souvenir que la candidature de Ouattara aux dernières élections a été rendu recevable exclusivement pour les seules élections de 2005 reportées à octobre 2010 par décret pris par Laurent Gbagbo qui a fait usage de l’article 48 de la constitution en date du 6 avril 2004 en application des accords de Prétoria.
Pour mémoire, rappelons que l’article 48 de la Constitution stipule : «Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances après consultation obligatoire du président de l'assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel. Il en informe la nation par message. L'assemblée nationale se réunit de plein droit.»
Au sortir des discussions de Prétoria auxquelles ont pris part Laurent Gbagbo, Konan Bédié, Alassane Ouattara, Guillaume Soro, Seydou Diarra et Thabo M’bheki, Plutôt que d’amender l’article 35 qui demeure en l’état, le président Laurent Gbagbo en fin tacticien, avait usé de l’article 48 pour autoriser momentanément Alassane Ouattara à se porter candidat, de façon exceptionnelle pour une durée limitée, en l'occurrence pour l'élection présidentielle de 2005 reportée à octobre 2010. L’usage de l’article 48 par Laurent Gbagbo, obéissait de surcroit à des conditions particulières imposées par un contexte donné, en l'occurrence le caractère exceptionnel de la situation du pays, notamment l'occupation du territoire par des bandes armées, le péril qui menaçait gravement l'intégrité et la sécurité du territoire. Aujourd’hui, plus aucune de ces conditions n'existe pour que le Président Ouattara soit tenté de faire usage de l’article 48 comme son prédécesseur. En conséquence Alassane Ouattara, même s’il le voulait, ne peut légiférer à son profit en usant de l’article 48. La seule alternative crédible qui soit, est l’organisation d’un référendum pour la révision de l’article 35 de la constitution avant les élections de 2015. Ce point figurait d’ailleurs en bonne place en page 10, Chapitre 2 du programme de gouvernement du candidat Alassane Ouattara ainsi libellé : « On a introduit dans la Constitution de 2000 des dispositions néfastes et ambiguës tendant à diviser la Nation en plusieurs catégories d'Ivoiriens. La révision de la Constitution que nous proposerons portera sur les points suivants :
• article 35, relatif aux conditions d'éligibilité des candidats à la Présidence de la République : toutes les mentions discriminatoires relatives aux origines et au parcours des candidats seront supprimées,
• article 38, relatif aux pouvoirs exceptionnels du Président de la Commission chargée des élections et du Conseil Constitutionnel en cas "d'évènements ou de circonstances graves" rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats : cet article sera supprimé ; le Code électoral étant suffisant pour traiter ces cas ; il précisera de façon stricte et limitative les événements et circonstances graves à prendre en considération,
• Les conclusions des débats nationaux sur les institutions de la Républiques seront prises en compte dans la nouvelle constitution.
Nous y inscrirons le statut particulier des rois et chefs coutumiers qui jouent un rôle important dans la cohésion sociale.
Nous œuvrerons à la création d'une chambre africaine des autorités coutumières.
Conformément aux articles 125 et 126 de la Constitution, le projet de révision sera soumis au vote de l'Assemblée Nationale. Après avoir été voté par plus des 2/3 des députés en fonction, il sera soumis à l'approbation du peuple par la voie d'un référendum ». Sans commentaires.
Autant le Président Ouattara dit avoir pris ses responsabilités ‘’pour régler’’ croit-il, la question de l’apatridie des populations d’origine étrangère vivant en Côte d’Ivoire, autant il serait bienséant de prendre ses responsabilités pour courageusement organiser un référendum pour l’amendement de l’article 35 de la constitution ivoirienne dont l’aspect conflictuel a été reconnu par tous les acteurs politiques aux différentes négociations durant la longue crise militaro-politique. Il est donc temps à présent de donner la parole au peuple par usage de son suffrage, pour qu’il se prononce par voie de référendum, conformément aux dispositions des articles 124-127 de la constitution.
Au vu de ce qu’il donne à observer, il apparaît clairement que le Président Alassane Ouattara redoute l’organisation d’un référendum. Confirmant ainsi que la coalition au pouvoir est une majorité fictive qui gouverne ce pays depuis Avril 2011. Le Président Ouattara sait très bien qu’il a arraché sa victoire à coup de baïonnette. Un ‘’NON’’ au référendum pour la révision de l’article 35 de la constitution serait suicidaire pour son régime. Alors, il n’organisera pas ce référendum pourtant obligatoire. Il préfère encore une fois opérer un passage en force. D’où l’annonce anticipée de sa candidature sachant très bien qu’il n’est légalement éligible en l’état actuel des dispositions de la constitution du 23 juillet 2000 de la République de Côte d’Ivoire. Et pourtant il s’est engagé par serment à faire respecter la Constitution de notre pays en ces termes : " Devant le peuple souverain de Côte d'Ivoire, je jure solennellement et sur l'honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l'intérêt supérieur de la Nation. Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment "
Ainsi que l’affirme son serment, le Président Ouattara doit impérativement se donner les moyens de respecter et de défendre fidèlement la Constitution de notre Pays. Un passage en force, appellera nécessairement un coup de force comme il l’a fait à son prédécesseur. Le Renard passe et passe…Chacun à son tour !

Armand Gérard OBOU
Ingénieur Expert en économie numérique
Libre Citoyen