Tribune: Ma lettre ouverte à Charles Blé Goudé, Par Dr Patrice Saraka

Par IvoirBusiness - Ma lettre ouverte à Charles Blé Goudé, Par Dr Patrice Saraka.

Dr Patrice Saraka et Dr Nebout. Image d'archiives.

Un devoir fraternel et amical qui s'imposait à mon âme! Mais aussi, un devoir de vérité qu'appelait ma conscience d'intellectuel, en guise de temoignage, au moment où s'ouvre la seconde phase de son procès conjoint avec celui du Président Laurent Gbagbo, celui dont le combat et la philosophie politique continuera d'inspirer notre génération et celles à venir.

LISEZ LA PLUTÔT, POUR EN SAISIR DE VOUS-MEMES LA QUINTESSENCE.

Docteur Patrice Saraka...............................Abidjan, le 05 Mars 2016

.........................................................A toi Charles,
.........................................................Mon Ami, mon Compagnon

........................Charles,

Après 14 mois de détention dans un isolement total, dans les sous-sols de la République de ton pays, te voilà à mille lieux de la chaleur tropicale qui a bercé ton enfance. Cela fait déjà 24 mois que tu te retrouves loin de la chaleur des tiens, laissant tes enfants sans affection paternelle. Loin de Kpôh, la terre qui t'a vu naître, la terre de ta dure enfance, tu continues de faire dignement face à une autre épreuve de ta vie. Avant l'ouverture de ton procès conjoint avec celui du Président Laurent Gbagbo, un devoir fraternel et amical s’est imposé à mon âme et à ma conscience d’intellectuel : te faire une lettre qui se veut aussi un témoignage. En me saisissant du silence que m'offre cette nuit, avant que le chant du coq n’annonce des moments moins cléments et moins propices à ce type d’exercice, je tenais principalement à t'exprimer mon soutien, mes encouragements et te traduire très sincèrement ma fierté.

Charles, en te déportant à La Haye, loin du champ politique physique ivoirien, nul doute que l'enjeu était la mort politique de l'adversaire redoutable et redouté que tu es. Mais, sans démagogie, avec un pragmatisme politique dont toi seul as le secret, tu as su te saisir des nombreuses pierres que certains ne cessent de te jeter pour bâtir ton piédestal et ta forteresse. Leurs turpitudes, leur haine ont permis au monde entier de te découvrir aujourd'hui tel que tu es et non tel que tes adversaires politiques internes et externes auraient voulu que tu sois. En vérité, Charles, en voulant te rabaisser, ils ont sans le savoir contribué à t'élever ou du moins, ils ont créé les conditions de ton élévation.

C’est à juste titre qu’à l'endroit de ceux qui pensaient t'avoir écarté de la scène politique nationale pour te disqualifier des compétitions politiques à venir, tu me confiais un jour ceci : « C'est quand on a l'impression qu'il y a une vie dehors à laquelle on ne participe pas ou à laquelle on a aucune possibilité de participer qu'on peut être triste ou malheureux en prison. Un tel sentiment ne m'a jamais habité et ne m'habitera jamais ! Moi, je considère que ce sont les autres qui n'ont pas la chance qui m'est offerte aujourd'hui. A moi de savoir en faire bon usage dans l'intérêt de notre combat commun et pour la Côte d'Ivoire».

Cet engagement, tu l’as tenu ! Force est de noter en effet, avec satisfaction, que tu as transformé le désert de désespoir qu'on a voulu nous servir en un véritable océan d'espoir.
En 24 mois, tu as pris trois fois la parole au prétoire de la CPI. Et trois fois, tu as fait mentir tes détracteurs. Trois fois, tu as projeté tous ceux qui te portent en estime dans une vision meilleure. Trois fois, tu as donné de l'espoir aux ivoiriens et aux peuples africains. Trois fois, tu as réaffirmé ta fidélité et ta constance politique.

Voilà pourquoi, tous sont unanimes aujourd'hui qu'avec la CPI, tu as ajouté une autre corde à ton arc. Tu es devenu plus qu'hier un véritable homme d'Etat, un homme politique complet et accompli.
Le moins qu’on puisse dire c’est que les nombreuses épreuves que tu as vécues depuis ton enfance, les humiliations que tu as subies et les emprisonnements que tu as endurés pendant tes années étudiants jusqu'à ce jour t'ont formé, forgé et transformé.

Tu n'as pas eu tort de me dire que la prison bonifie. Tu es même allé plus loin en me disant et tu t'en souviendras sans doute: « Dr, retiens que la prison n'est jamais une perte te temps pour celui qui sait la mettre à profit ; la prison c’est plutôt du temps gagné. En prison, la seule chose dont on dispose abondamment est le temps qui offre une grande opportunité de perfectionnement. La prison permet au leader de se parfaire, de corriger ses lacunes ou faiblesses et d'approfondir certains sujets. La prison est un grand moment de fécondité politique, de remise en cause et de projection.».

Charles, c’est au regard de tout ceci que je tenais à te dire ma fierté. Mais au-delà de ma personne, c’est le Cojep, le parti politique dont tu es le leader, et toute une génération qui sont fiers de toi. Tu forces l'admiration et le respect de toute l'Afrique éprise de justice. Pour notre génération en particulier, tu représentes une source de motivation supplémentaire et d'espérance nouvelle. Napoléon Bonapart ne croyait pas si bien dire en affirmant : « On ne conduit le peuple qu'en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d'espérance ».
Oui, Charles malgré nos douleurs, chaque fois que tu prends la parole, tu nous rassures, tu nous inocules le virus de l'espoir.

Charles, en te réitérant ma fierté personnelle, il me plait en outre de te transmettre à ce stade de mon propos, celle de tous ces hommes et femmes, à travers le monde, qui t'ont laissé de nombreux messages de soutien et qui me chargent de te transmettre leur fierté, leur joie de savoir que tu portes haut le flambeau, pour la dignité, la justice et l'égalité des peuples.

Tous, nous savons qu'aucune goutte de sang ne peut crier contre toi. Malgré tout, tu seras encore ce lundi matin dans le box des accusés, toi la victime dont l'innocence ne souffre l'ombre d'aucun doute.
Mais saches que tu n’es pas seul dans ce box. Toutes les victimes ignorées et abandonnées seront à tes côtés. Les danseuses d'adjanou, les familles des gendarmes assassinés à Bouaké, les familles de tous nos compatriotes immolés comme des animaux, à l’image de ce gendarme égorgé à Bouaké, toutes les victimes de Bouaké et du nord ivoirien, les victimes de Guitrozon, de petit Duékoué, de Guéhiébly, de Nahiébly, de Duékoué carrefour, celles de l'église catholique de Duékoué, d’Anokoua Kouté,... la liste est encore longue. Toutes ces victimes que la représentante légale des victimes feigne d'ignorer crient avec toi, justice, justice! Avec elles, Prisca et toutes les victimes civiles et militaires du commando invisible d'Abobo crient justice et liberté!
Tu as aussi derrière toi un parti politique, le Cojep. Tu as derrière toi toute une génération, celle dont tu incarnes la vision, le combat et les ambitions légitimes.
Tes amis du CEG d’Alépé, du CEG d’Abengourou, du lycée classique d’Abidjan, de la cité universitaire de Yopougon, le ‘’Kwazulu natal’,’ restent mobilisés derrière toi.
Les sages de toutes les contrées qu’il t’a plu de sillonner sous la pluie et sous le soleil, à la recherche de la paix, continuent de prier pour toi.
Mais mieux, tu as la Côte d'Ivoire dans toute sa diversité culturelle, ethnique et religieuse avec toi. La Côte d'Ivoire des savanes herbeuses, le pays mandingue, la Côte d'Ivoire des lacs et des savanes arborées, la Côte d’Ivoire des forêts denses, la Côte d'Ivoire des lagunes et des marécages, la Côte d'Ivoire éprise de réconciliation vraie, est avec toi et te soutien dans cette épreuve qu'elle endure certainement plus que toi. Les citoyens du monde, partisans de démocratie et de justice universelle, resteront mobilisés derrière toi, jusqu’au bout !

Te connaissant, je reste serein parce que je sais qu'au-delà de leurs commentaires, tes actes, tes nombreux actes qui sont documentés parleront pour toi et plaideront en ta faveur pour que la vérité triomphe. Tu as donc raison de rester serein car, il n’y as pas de raison que la vérité ne puisse triompher du mensonge.

D'ici là, ne change pas de cap car tu es dans le vrai! Homme de mesure toujours à la recherche de conciliation et de réconciliation, tes prises de positions n’ont jamais été guidées par la crainte d'être marginalisé ni par l'envie de te faire applaudir. Tu as toujours su faire la différence entre le combat et la querelle.

Quant à nous, nous ferons tout pour ne pas te décevoir. Charles, tu as fait ta part, nous ferons la nôtre ! Nous resterons fidèles à l'esprit de tes discours historiques de La Haye. Sois rassuré, le Cojep, ton instrument de combat, la graine que tu as mise sous terre et qui a vaillamment résisté aux intempéries de tout genre, ne mourra pas ! Nous ne perdrons jamais de vue que les différentes crises de Février-Avril 2013 et d'Avril-Aout 2015 que le Cojep a su surmonter étaient l'iceberg d'un plan commun qui visait ta mort politique.

Mais, ils ont échoué ! Car, avec toi, nous ferons du Cojep cet arbre ombragé et fruitier dont tu as toujours rêvé ; un arbre capable de donner de l'ombre à tous, sans distinction, sans aucune ségrégation, un arbre qui, nous en sommes plus que certains, produira suffisamment de fruits pour tous les ivoiriens, pour tous les africains et panafricains.

A chaque génération sa mission et à chaque génération son leader.
Avec toi, nous avons une Côte d'Ivoire à bâtir pour demain.
Avec toi, nous avons une Côte d'Ivoire à rénover, la saison venue.
Homme d’avenir et d’espérance, tu es un véritable atout et une chance pour la Côte d‘Ivoire de demain. Je ne cesserai donc de prier Dieu pour qu'il garde un regard bienveillant et favorable sur toi.

Pour toi, je serai toujours là!
Tu peux compter sur moi !
Je sais qu’un jour le Président Laurent Gbagbo et toi reviendrez parmi nous.
A bientôt Charles !
A bientôt !

Dr. Patrice Saraka
Ton Ami