Tribune: La CPI et le principe de réciprocité entre les états

Par correspondance particulière - La CPI et le principe de réciprocité entre les états.

LA CPI ET LE PRINCIPE DE RÉCIPROCITÉ ENTRE LES ÉTATS

La réciprocité implique entre deux personnes, deux groupes, un échange de même nature. Le
principe de réciprocité est depuis le 21 mars 2012 utilisé par l'U.E pour lutter contre une injustice
dont elle est victime, quant à l'accès international aux marchés publics. La Commission européenne
estime que 50% des marchés publics des 12 principaux partenaires de l'UE sont inaccessibles alors
que les marchés publics de l'Union leur sont largement ouverts. Grâce au principe de réciprocité,
elle oblige ces pays à ouvrir leurs marchés publics s'ils veulent désormais avoir accès aux marchés
de l'Union. Ce même principe doit être appliqué au Droit international, afin que l'immunité des
Chefs d'État africains soit pris en compte par la CPI, au même titre que leurs collègues européens.
L'article 27 du statut de Rome stipule, par exemple, qu'aucune immunité n'est acceptée devant la
Cour pénale internationale. Le Conseil Constitutionnel français trouve cet article non-conforme à la
Constitution française de 1958, en son article 68. Le Président de la République française n'est
responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, et qu'il
est jugé par la Haute Cour de justice. Les présidents africains ne bénéficient pas des mêmes droits.
Ces derniers sont plutôt victimes de l'article 27 du Statut de Rome qui stipule qu'aucune immunité
n'est admise devant la CPI. Lorsque les Africains déplorent cette situation, la CPI et ses partenaires:
les grandes puissances, se réfugient derrière la faiblesse, l'incompétence des juridictions nationales
africaines. Il est bon de relever cette subtile contradiction, quant à l'interprétation de l'article 27 du
Statut de Rome, qui repose, en effet, sur deux principes essentiels: la complémentarité des
compétences de la Cour et des juridictions nationales, et la coopération des États avec la Cour. Ces
deux principes imposent à la CPI le respect total de la souveraineté de tous les États signataires, que
l'article 27 du statut de Rome ne peut remettre en question. S'il y a complémentarité entre la CPI et
les États, il y a nécessairement des conflits de compétence entre la CPI et le système judiciaire des
pays signataires. La CPI est restée, à dessein, muette face à Alassane Ouattara qui s'est par exemple
accordé le droit de refuser de transférer Mme Simone Gbagbo à la CPI. Les poursuites judiciaires
sont donc sélectives et obéissent à des décisions purement politiques, que la Procureure Bensouda
tient à éluder, contre vents et marées, dans le dossier du président Laurent Gbagbo. L'article 27 du
Statut de Rome ne concède pas à la CPI une certaine primauté sur les juridictions nationales: ce qui
est vrai pour la France est vrai pour tous les pays qui ont ratifié le Statut de Rome, conformément au
principe de réciprocité entre les différentes constitutions des États. Aucun pays signataire du Statut
n'a demandé à être dépouillé de sa souveraineté nationale. Il faut savoir ici concilier la question liée
aux immunités (article 27 du Statut de Rome) et celle relative à la coopération entre les États et la
CPI. Une personne qui jouit d'une immunité peut comparaître devant la Cour et être jugée avec la
collaboration de l'État concerné. En Afrique, nous constatons que la CPI semble violer les principes
de complémentarité, et de coopération qui sont régis, comme en France, par nos différentes
Constitutions. Il convient, par conséquent, de lever toute équivoque entre l'application de l'article 27
et l'observation par la CPI des deux principes essentiels sur lesquels repose le Statut de Rome. Si
nous analysons les conflits de compétence entre la CPI et le système judiciaire français évoqués par
le Conseil Constitutionnel de ce pays, quant à l'application en France de l'article 27 du Statut de
Rome, la question des immunités ne peut être liée à la faiblesse des systèmes judiciaires africains,
mais plutôt à leur conformité ou à leur non-conformité à la Constitution des pays signataires. En
résumé, disons que l'article 27 du Statut de Rome accorde le droit à la CPI de juger les personnes
qui jouissent d'une immunité, cependant, elle ne peut s'arroger le droit, dans le cadre de conflits
nationaux, de crises internes, de poursuivre une autorité politique, qui jouit d'une immunité, sans la
collaboration de ce pays. En agissant de son propre-chef, elle violerait la Constitution, la
souveraineté de ce pays. Le président Laurent Gbagbo transféré à la CPI à la suite d'un contentieux
électoral confirme la violation des droits des présidents africains. Les 3000 morts dont il est accusé
ne sont en fait que la conséquence de ce contentieux. Ces victimes innocentes ont été dénombrées
durant la guerre voulue par Alassane Ouattara et Sarkosy pour résoudre un contentieux électoral.
Guerre que le président Laurent Gbagbo tenait absolument à éviter en demandant le recomptage des
voies. La figure du président ivoirien ne peut donc être identifiée à celle d'un criminel de guerre.
Avec Laurent Gbagbo à la Haye, notre Constitution est violée si nous nous en tenons au respect du
principe de réciprocité entre les États signataires du Statut de Rome (Statut que le président Gbagbo
n'avait pas encore ratifié tant que certaines dispositions n'étaient pas conformes à la Constitution
ivoirienne). Avec Laurent Gbagbo à la Haye, le droit de vote des ivoiriens est confisqué, la
souveraineté populaire et nationale bafouées. En nous inspirant de l'étude de Jean Michel Servet
(professeur d'économie) sur le principe de réciprocité chez Karl Polanyi; une contribution à la
définition de l'économie solidaire, nous pouvons apporter notre contribution à la définition d'un
Droit international solidaire, qui ne classifierait pas les pays signataires du Statut de Rome en deux
catégories: une supérieure, et l'autre inférieure, à cause de la faiblesse de son système judiciaire.
Appliquons simplement au Droit international ces propos de Jean Michel Servet sur le principe de
réciprocité chez Polanyi que l'on peut, dans notre contexte, paraphraser, sans risque de trahir le
concept de l'auteur et du professeur: «Selon le principe de réciprocité, chacun s'acquitte selon ses
capacités. Lorsque la réciprocité est la forme d'intégration, le droit peut assumer sa valeur
universelle, car nous devenons tous égaux devant la Loi: il n'existe plus de discriminations, de
sélections positives». On ne s'acharne pas sur les africains pour se donner une image de justicier ou
pour faire carrière, en fermant les yeux sur les crimes commis par des fonctionnaires internationaux
africains, choisis pour livrer à l'Occident l'Afrique avec les mains et les pieds liés. «La réciprocité se
situe dans un tout social […] L'individualisation est nécessaire à la solidarité. Le «je» se définit par
rapport à autrui et non par son indépendance aux autres. […] Il y a souci de l'autre. Il y a prise en
charge d'autrui par chacun». Le conflit de compétences évoqué par le Conseil Constitutionnel
français au sujet de l'interprétation de l'article 27 ne doit donc pas être une individualisation;
l'expression d'une indépendance par rapport aux autres États signataires du Statut de Rome, mais
plutôt d'un souci de préserver la souveraineté, la dignité de tous. Sans ce principe de réciprocité, on
ne peut assister à une véritable intégration des nations africaines, on ne peut construire un monde
solidaire où la CPI affermit son autorité sur la justice. Face aux persécutions des présidents africains
et à une injustice de plus en plus grandissante, avec le dossier du président Laurent Gbagbo, les
États africains se doivent simplement de se retirer du Statut de Rome puisque la Cour pénale
Internationale n'est qu'un mécanisme peaufiné pour mieux les asservir, et brader leurs ressources.

Une contribution par Isaac Pierre Bangoret (Écrivain)