Syrie - La mise en garde d'Assad à la France: En cas de frappes, Assad menace «les intérêts de la France»

Par Le Figaro - INTERVIEW EXCLUSIVE à Damas de Bachar El Assad par Georges Malbrunot, Grand Reporter du Figaro.

Photo: Le figaro.fr. Bachar El Assad lors de son interview par Georges Malbrunot,

INTERVIEW EXCLUSIVE - Notre envoyé spécial à Damas Georges Malbrunot a interviewé en exclusivité mondiale le président syrien Bachar el-Assad. Retrouvez ici des extraits de cet entretien.

LE FIGARO. - Pouvez-vous nous démontrer que votre armée n'a pas recouru aux armes chimiques le 21 août dans la banlieue de Damas lors d'attaques qui ont tué plus de 1000 personnes, comme vous en accusent Barack Obama et François Hollande?
BACHAR EL-ASSAD. - Quiconque accuse doit donner des preuves. Nous avons défié les États-Unis et la France d'avancer une seule preuve. MM. Obama et Hollande en ont été incapables, y compris devant leurs peuples. (…) Je ne dis nullement que l'armée syrienne possède ou non de telles armes. Supposons que notre armée souhaite utiliser des armes de destruction massive: est-il possible qu'elle le fasse dans une zone où elle se trouve elle-même et où des soldats ont été blessés par ces armes, comme l'ont constaté les inspecteurs des Nations unies en leur rendant visite à l'hôpital où ils sont soignés? Où est la logique?
Quelle sera votre riposte en cas de frappes militaires contre votre pays?
Le Moyen-Orient est un baril de poudre, et le feu s'en approche aujourd'hui. Il ne faut pas seulement parler de la riposte syrienne, mais bien de ce qui pourrait se produire après la première frappe. Or personne ne peut savoir ce qui se passera. Tout le monde perdra le contrôle de la situation lorsque le baril de poudre explosera. Le chaos et l'extrémisme se répandront. Le risque d'une guerre régionale existe.
La France est-elle devenue un pays ennemi de la Syrie?
Quiconque contribue au renforcement financier et militaire des terroristes est l'ennemi du peuple syrien. Quiconque œuvre contre les intérêts de la Syrie et de ses citoyens est un ennemi. Le peuple français n'est pas notre ennemi, mais la politique de son État est hostile au peuple syrien. Dans la mesure où la politique de l'État français est hostile au peuple syrien, cet État sera son ennemi. Cette hostilité prendra fin lorsque l'État français changera de politique. Il y aura des répercussions, négatives bien entendu, sur les intérêts de la France...

Par Georges Malbrunot

Notre reporter raconte les coulisses de sa rencontre avec Assad

• L'entretien s'est tenu exactement à l'heure prévue, lundi à 10 heures, dans une maison située dans une pinède sur une colline de Damas, en dehors du palais présidentiel. Nous avons franchi un seul barrage avant d'y arriver. La sécurité alentour paraissait minimale. Je n'ai pas été fouillé. On m'a simplement pris mon téléphone portable et mon enregistreur. Bachar el-Assad est venu m'accueillir sous le porche à l'entrée. Nous avons pénétré dans un grand bureau orné de tableaux. Nous avons échangé quelques mots sur mes séjours en Syrie depuis vingt ans, puis l'entretien, traduit par la ministre de la Culture, a démarré. Son entourage m'avait donné trente à quarante minutes environ. Il a duré finalement trois quarts d'heure. J'ai posé les questions que je souhaitais poser. Je l'interrompais quand je le jugeais utile.
• Dimanche soir, son entourage m'avait demandé d'envoyer cinq questions écrites. J'ai répondu que c'était un peu court. J'ai alors regroupé mes questions par thèmes. On m'a répondu: mais vous en avez envoyé dix-neuf! Finalement, j'en ai posé trente-deux, sans aucun problème. Bachar el-Assad est resté très calme tout au long de l'interview. À la fin, il m'a raccompagné sur le perron, après m'avoir demandé quand l'entretien serait publié. Il ne montrait pas de signes visibles d'inquiétude, mais il paraissait très concerné par son bras de fer avec Barack Obama. En s'affichant sans sécurité visible autour de lui, le chef de l'État syrien voulait montrer qu'il ne se cache pas dans un bunker. On me dit qu'il en fut ainsi au cours des interviews qu'il a données ces derniers mois.

Georges Malbrunot