"Rubygate" : Berlusconi condamné à sept ans de prison

Le Monde.fr avec AFP et Reuters - Berlusconi condamné à sept ans de prison dans le Rubygate.

Silvio Berlusconi a été condamné, lundi 24 juin, en première instance, par le tribunal de Milan à sept ans de prison et une peine d'inéligibilité à vie dans l'affaire Ruby. Après près de sept heures de délibérations, l'ancien président du conseil italien a été reconnu coupable d'"abus de pouvoir sous la contrainte" (six ans de prison) et d'"incitation à la prostitution de mineure" (un an supplémentaire). Le parquet de Milan avait requis six ans de prison et l'inéligibilité à vie.
Un petit groupe d'une dizaine de manifestants a applaudi la condamnation avec des cris de joie et certains ont même entonné l'hymne italien. L'un des avocats vedettes du "Cavaliere", Niccolo Ghedini, a parlé de "verdict complètement déconnecté de la réalité" tout en affirmant qu'il s'attendait à une peine de cette ampleur.
Ce verdict lourd d'enjeux politiques met temporairement fin à une procédure entamée en avril 2011. Toutefois, le "Cavaliere" ne se retrouvera pas sous les verrous pour le moment, le verdict étant suspensif jusqu'à épuisement de tous les recours, en appel et en Cassation.
M. Berlusconi, 76 ans, est soupçonné d'avoir eu des relations sexuelles tarifées avec la danseuse Karima El-Mahroug, dite "Ruby la voleuse de cœurs", mineure à l'époque. Les faits, qu'il nie, se seraient déroulés alors qu'il était encore chef du gouvernement, dans le cadre des soirées organisées à sa villa d'Arcore, près de Milan. L'examen du portable de Ruby a montré que la jeune femme d'origine marocaine avait passé au moins sept nuits à Arcore entre février et mai 2010, a indiqué la procureure. Elle a toujours nié s'être prostituée et avoir eu des relations sexuelles avec Berlusconi. Des témoins assurent toutefois qu'elle faisait partie des habitués des soirées "bunga-bunga".
Le "Cavaliere" a également été condamné pour abus de pouvoir après avoir fait libérer Ruby en mai 2010 dans une affaire distincte, concernant le vol d'un bracelet d'une valeur de 3 000 euros. Il était alors intervenu auprès de la police en prétendant qu'il s'agissait d'une petite-fille du président égyptien Hosni Moubarak.
MENACE SUR LA COALITION
Silvio Berlusconi s'est dit plusieurs fois victime de magistrats motivés par des considérations politiques. Une cour d'appel de Milan a déjà confirmé en mai une peine de quatre ans de prison, dont un ferme, prononcée à son encontre en première instance pour les conditions frauduleuses d'achat de droits télévisés par son empire médiatique Mediaset. Il s'est pourvu en cassation. L'ex-président du Conseil, revenu dans le jeu politique à la faveur des élections législatives de février, a en outre été déclaré inéligible pour cinq ans dans le cadre de cette affaire.
Sa condamnation dans le "Rubygate" pourrait fragiliser le gouvernement d'union formé à la fin d'avril par Enrico Letta, après les législatives partagées de février. Silvio Berlusconi n'en fait pas partie, mais l'appui de sa formation, le Parti de la liberté (PDL), est essentiel à sa survie. Plusieurs membres du PDL l'ont invité àrompre les rangs de cette grande coalition droite-gauche-centre, ce qui pourrait letenter si son appui ne lui vaut aucune protection face à la justice. Bien qu'il ait assuré Enrico Letta de son soutien, de nombreux observateurs s'attendent à levoir quitter la coalition et provoquer de nouvelles élections qui pourraient leramener à la tête du gouvernement, plutôt que de risquer une condamnation définitive.
"Il existe un lien, officiellement démenti mais tout autre que mystérieux, entre les affaires judiciaires de Berlusconi et le destin du gouvernement" de coalition gauche-droite dirigé par Enrico Letta, le premier de l'après-guerre, estimait La Stampa dimanche. Selon ce journal, Silvio Berlusconi a programmé son soutien au gouvernement de coalition comme une protection contre les poursuites judiciaires, mais en l'absence de cette protection "son intérêt à soutenir le gouvernement disparaîtrait".

Le Monde avec Afp et Reuters