Réponses aux questions des journalistes/“Que la Cedeao se donne les moyens de cette force légitime” - De quelle force disposez-vous M. le Premier Ministre, pour déloger M. Gbagbo ?

Publié le mardi 4 janvier 2011 | Le Nouveau Réveil - Je suis Premier Ministre, ministre de la Défense. Je dis bien ministre de la Défense de l'armée de Côte d'Ivoire. L'exercice ici pour le gouvernement est de mettre en cohérence l'usage de la force

Guillaume Soro, Premier ministre d'Alassane Ouattara.

Publié le mardi 4 janvier 2011 | Le Nouveau Réveil - Je suis Premier Ministre, ministre de la Défense. Je dis bien ministre de la Défense de l'armée de Côte d'Ivoire. L'exercice ici pour le gouvernement est de mettre en cohérence l'usage de la force

et le droit international, le droit international et la légalité internationale. Que comptent faire les institutions sous régionales, ou continentales ou mondiales ? C'est pourquoi il y a quelques semaines ou quelques jours, j'ai lancé un appel à la Cedeao, à l'Union Africaine, à l'Union Européenne et à l'Onu pour adopter le principe de la force légitime pour instaurer la démocratie en Côte d'Ivoire. Parce que, sachez-le, l'enjeu en Côte d'Ivoire dépasse les frontières de notre pays. Ce sont bien tous les Africains depuis leurs hameaux, leurs villages, leurs villes, qui observent l'attitude de la communauté internationale dans notre pays. Ou on réussit à faire admettre le résultat des urnes dans notre pays, donc l'instauration de la démocratie, ou alors on échoue à mettre la démocratie en Côte d'Ivoire et ça devient une jurisprudence pour toute l'Afrique. Donc, l'enjeu n'est pas le territoire ivoirien. L'enjeu qui est là, c'est soit on assiste à la mise en œuvre de la démocratie en Côte d'Ivoire, ou on reste indifférent face à l'assassinat de la démocratie en Côte d'Ivoire. ça pose la question du droit international. Comment faire en sorte que la souveraineté du peuple qui s'exprime par le suffrage et le taux de participation à cette élection, soit reconnue en Côte d'Ivoire ? Voici l'enjeu ! La démocratie sera ou ne sera pas en Côte d'Ivoire selon que la communauté internationale aura la détermination de mettre en cohérence le souci du respect du verdict des urnes et le droit international. Et je pense que sur la question, il ne faut pas hésiter. C'est pourquoi, nous pensons qu'aujourd'hui, la démocratie doit s'imposer par une force légitime. C'est ce que nous attendons de la Cedeao. Et le ministre de la Défense de la Côte d'Ivoire mettra l'ensemble des troupes ivoiriennes républicaines à la disposition de toute institution qui décidera, bien entendu, de faire usage de la force légitime pour asseoir la démocratie dans notre pays.

Votre gouvernement a rappelé depuis quelque temps, un certain nombre d'ambassadeurs. On est toujours curieux de savoir à quand la nomination des nouveaux ambassadeurs.
En ce qui concerne la question des ambassadeurs, je vais appeler le ministre des Affaires étrangères pour donner des éléments de réponse.
Le ministre des Affaires Etrangères : Merci M. le Premier Ministre. Pour répondre à cette question, je dois dire que pour procéder à la nomination d'un ambassadeur, il y a un certain nombre d'actions à mener. D'abord il faut obtenir l'agrément du pays hôte. C'est tout un processus. Et en plus, il faut attendre la réponse du pays hôte et procéder à la nomination de cet ambassadeur. S'il est déjà ambassadeur, aucune nomination gouvernementale n'est faite, mais s'il ne l'est pas, il faut indexer tout cela. C'est pour vous dire qu'il s'agit d'un processus et que cela ne se décide pas du jour au lendemain. Il nécessite un certain temps. Il y a cependant une différence avec les nominations auprès des institutions internationales comme l'Onu. Il suffit, là, tout simplement d'informer le Secrétaire Général. Donc, nous avons paré au plus pressé en nommant notre ambassadeur aux Nations Unies dans les conditions urgentes que vous savez. Il a été agréé et il est aujourd'hui à New York reconnu des 187 pays membres de l'organisation. D'autres nominations sont en cours. Vous le saurez, dès que nous aurons reçu les agréments. Je ne saurai vous dire maintenant quelles sont ces nominations, d'autant plus que nous n'avons pas encore reçu les agréments de pays hôtes où ces personnes sont nommées. Je vous demande un peu de patience. Le moment venu, je suis sûr que le Premier Ministre lui-même vous annoncera ces nominations. Je peux ajouter que les ambassades ne sont pas vides. Pour les 26 ambassadeurs que nous avons rappelés, dans ces ambassades, il y a des agents. Et dès qu'un ambassadeur est déplacé, l'ambassade continue avec un chargé d'affaires à l'intérim. C'est ce à quoi nous avons procédé, donc, n'ayez aucune crainte. Les ambassades continuent de tourner jusqu'à ce que les nominations soient faites.
La fin de la diplomatie est liée forcément à la réponse que M. Gbagbo donnera. Mais, je dis que le Président de la République a laissé la possibilité pour M. Gbagbo de se retirer ce 31 décembre pour pouvoir lui accorder les avantages d'ancien chef de l'Etat et toutes les autres facilités que vous connaissez. La Cedeao a donc dépêché une mission en Côte d'Ivoire que le Président de la République a reçu dans cette même salle. Donc évidemment, nous avons souhaité que la prochaine venue de cette mission soit la dernière et que la Cedeao se donne les moyens de l'usage de cette force légitime. Je crois que le communiqué de la Conférence des chefs d'Etat était très clair sur cette question. Nous attendons que la Cedeao mette en œuvre les mesures qu'elle-même a préconisées. Je vous rappelle MM. les journalistes, que les chefs d'état-major, conformément au communiqué de la Cedeao, se sont déjà réunis et ont déjà commencé à esquisser de façon plus précise la mise en œuvre de l'usage de la force légitime. Je crois que c'est quelque chose qu'il faut encourager et saluer. Et nous l'avons fait directement ou indirectement. Maintenant, nous attendons que ce dispositif se mette en place conformément à la décision des chefs d'Etat.

Deux avocats volent en ce moment au secours de M. Gbagbo. Il s'agit de Me Verges et de Me Dumas. Ils sont en pleine offensive. Est-ce que votre gouvernement a les moyens d'engager la contre-offensive ?
Premièrement, je vous pose une question à deux sous. Qui est l'avocat des causes perdues ? Vous me donnerez un nom ! Cela veut dire que c'est quand on est perdu, qu'on choisit cet avocat. Donc, ce sont des signes évidents que M. Gbagbo est désemparé. Une fois de plus, tous les dictateurs se ressemblent parce qu'ils choisissent toujours le même avocat. Rappelez-vous, Verges était l'avocat de Milosevic ! Il était l'avocat de Pol Pot. Tous des dictateurs. Donc, ça ne fait que confirmer le caractère dictatorial du régime que nous subissons en Côte d'Ivoire. Deuxièmement, à propos de M. Roland Dumas, je vais citer François Mitterrand qui disait qu'il a deux avocats. Pour le droit, il avait Robert Badinter. Et pour le tordu, il avait M. Roland Dumas. Gbagbo qui n'aime pas l'intervention de la communauté internationale est obligé de s'attacher les services de deux avocats français. C'est contradictoire. Mais, c'est aussi à la hauteur du désespoir qui l'habite. Pour nous, de toutes les façons, c'est fini ! Le gouvernement continue son offensive diplomatique et médiatique. Nous avons envoyé une délégation dirigée par l'un des plus grands constitutionnalistes africains, le professeur Vangah Wodié pour expliquer la situation dans les pays de la sous-région. Pour occuper les plateaux de télévision. Et ceci nous suffit ! Nous pensons donc que la crise en Côte d'Ivoire est une crise entre Ivoiriens. C'est pourquoi notre choix s'est porté sur le grand constitutionnaliste qu'est le professeur Francis Vangah Wodié. Pour terminer sur la question, parce qu'il ne faut pas accorder plus d'importance à ça, je pense que M. Verges et M. Roland Dumas, c'est la françafrique qu'on a voulu dénoncer à la télévision. Ils font leur fortune sur la sueur et le sang des Africains. Parce qu'après, c'est une facture qu'on présente à Gbagbo. Il y a que M. Verges était allé au Libéria, à Moronvia, quand M. Taylor était à quelques semaines de son départ pour le TPI. Et la facture qu'il avait proposée à M. Taylor était de 2 millions de dollars. Je ne sais pas combien lui propose Gbagbo, mais, c'est encore le contribuable ivoirien, le sang et la sueur des Ivoiriens qui permettra de remplir les comptes bancaires de deux avocats dépassés. L'un a 85 ans et l'autre 88 ans. Certains m'ont dit qu'ils ont oublié les notions de droit. Pour être plus sérieux, en ce qui nous concerne, le gouvernement continue son offensive. Je veux envoyer les Ivoiriens à remarquer qu'au 5 décembre, M. Gbagbo avait tous les pouvoirs, mais que nous sommes au 31 décembre et c'est M. Alassane Dramane Ouattara qui est le président de la République de Côte d'Ivoire. C'est ce qui est important à faire remarquer.

Il était annoncé ces jours-ci, la nomination d'un chef d'état-major de l'armée. Qu'en est-il ? Des informations nous parvenant font état de ce que des personnes auraient été contactées dans l'armée pour assumer cette fonction et qu'elles auraient refusé. Vous confirmez ou infirmez ces informations ?
Sur la nomination d'un probable Cema (Chef d'état-major), je vous rappelle que je suis le ministre de la Défense. Et cela n'a jamais été inscrit dans mon agenda. Nous continuons de travailler avec les Forces armées ivoiriennes. Des personnes se seraient désistées ? Je suis surpris ! Bien au contraire, tous les coups de fil que j'ai montrent bien la sympathie qu'ils ont pour notre gouvernement. Et, ils ne manquent pas de nous rappeler que 3 généraux à eux seuls cumulent l'artillerie lourde de notre armée (…)

Une inquiétude entretenue par le camp Gbagbo est relative à l'envoi des forces de l'Ecomog. Il se dit que dans certains pays où l'on a envoyé ces troupes, cela a laissé des traces douloureuses. Que pouvez-vous dire pour rassurer les Ivoiriens ?
(…) S'agissant de la force légitime, j'insiste sur le mot légitime. C'est légitime ! La volonté populaire s'étant manifestée, cette force ne vient que conformément à ce souhait populaire des Ivoiriens pour mettre en place le gouvernement reconnu, légal et légitime de la Côte d'Ivoire. Des craintes ? Je n'ai pas les mêmes craintes. Parce que les rapports de force au niveau de nos forces armées est simple. Vous avez des forces républicaines ici en Côte d'Ivoire aussi bien à Abidjan qu'à Bouaké motivées, prêtes à faire le basculement. Et en face vous avez des mercenaires et des putschistes. Entre ces mercenaires/putschistes et une force organisée de notre communauté sous-régionale, je ne sais pas qui pourrait faire plus de torts à la Côte d'Ivoire. Je veux même vous dire ma conviction personnelle que cette affaire ne prendra pas autant de temps. En réalité, les forces militaires républicaines n'attendent qu'un simple coup de pouce pour faire l'économie de vies humaines en Côte d'Ivoire, et vous le savez. La preuve, le 16 décembre, les forces armées des forces nouvelles étaient à Tiébissou et à Duékoué. Elles voulaient faire une progression lorsque par souci de préserver des vies humaines et de ne pas emmener deux forces à s'entredéchirer, à s'entretuer, nous avons intimé l'ordre aux Forces nouvelles de ne pas faire de progression et de rester sur leurs bases. C'est cela la différence entre le président élu, soucieux et préoccupé par la vie des citoyens de ce pays et quelqu'un qui fait appel à des mercenaires pour procéder à des tueries, à des exécutions, à des charniers dans son propre pays. Il ne faut pas se faire trop d'inquiétudes. C'est quelque chose qui sera savamment bien organisé et bien coordonné. Vous me permettrez de profiter pour dire un mot sur un autre sujet. Parce que j'entends ça et là dire que si Gbagbo quittait le pouvoir, ce sera le chaos en Côte d'Ivoire. Mais, le chaos est déjà là ! Gbagbo, c'est le chaos. Il s'agit de stopper le chaos. C'est ça ! Donc Gbagbo, c'est le chaos et il s'agit de stopper ce chaos. Je suis convaincu que si l'on stoppe le chaos, ce ne sera même pas la réjouissance du peuple de Côte d'Ivoire, mais du continent africain. Je rétorque pour dire que la Côte d'Ivoire c'est déjà le chaos. Si lui il croit encore que c'est la sérénité et la tranquillité, je dis, 200 morts, c'est le chaos. Nous sommes dans le chaos, il s'agit de stopper le chaos et de permettre au président élu de procéder à la réconciliation entre les filles et les fils de ce pays.

M. le Premier Ministre, les Ivoiriens ont besoin de savoir où nous allons-nous . Quelles sont les perspectives à court terme ? A quand la fin du cycle infernal dans lequel nous sommes plongés ?
Où allons-nous ? Comparaison n'étant pas raison, j'éviterai de prendre des exemples ça et là. Mais, le combat contre la dictature n'a jamais été un combat facile. L'histoire l'enseigne, ce type de combat nécessite abnégation, détermination et, quelquefois, sacrifices. C'est pourquoi je voudrais commencer par saluer les Ivoiriennes et les Ivoiriens qui ont souffert ces dernières semaines dans leurs chairs, dans leurs cœurs et dans leurs âmes, des tueries et des exécutions. Le Président de la République l'a fait. Nous profitons pour rendre hommage à toutes ces victimes et profitons pour souhaiter un prompt rétablissement aux blessés. Nous sommes engagés dans un combat. Le combat, il ne faut pas se leurrer, c'est de faire partir Gbagbo. Faire partir une dictature, ce n'est jamais de la sinécure. C'est pourquoi je veux demander aux Ivoiriens de s'armer d'abord moralement de patience, mais surtout de rester déterminés et d'avoir de la vraie abnégation. Comme je le dis, il nous faudra beaucoup plus pour déboulonner la dictature qui s'est incrustée en Côte d'Ivoire depuis 10 ans. Beaucoup avaient pensé que le Saint-Esprit l'aurait visité au lendemain des élections. Mais, déjà que le Saint-Esprit ne visite pas de grands guides religieux, ce n'est pas lui qu'il viendrait visiter. Donc, je demande aux Ivoiriens de s'armer de courage. Vous avez noté que nous avons suspendu le mot d'ordre pour quelques jours pour permettre aussi aux Ivoiriens de fêter dans la tranquillité cette fin d'année. Si nous pouvions, nous aurions épargné aux Ivoiriens toutes les difficultés, les misères et les souffrances que nous vivons en ce moment. Mais, nous n'avons pas le choix. Au nom de nos principes et des principes démocratiques, dans l'intérêt de nos familles, de nos enfants… nous sommes obligés de nous battre pour faire en sorte que la dictature parte. C'est à ça que je veux convier les Ivoiriens. L'histoire peut s'accélérer. On l'a vu dans certains pays, chez certains peuples. Mais, l'histoire ne s'accélère que par la capacité des peuples à résister et à se battre. Donc, c'est ce message que je veux lancer aux Ivoiriens. Je sais que ce n'est pas facile. Mais, en même temps, à vaincre sans périr on triomphe sans gloire. Il y aura plus de mérite pour le Président de la République et l'actuel gouvernement, bien qu'ayant été élu par le peuple de Côte d'Ivoire, de se donner les moyens d'avoir le pouvoir effectif. Et c'est ce à quoi nous sommes engagés.