Réconciliation nationale: Banny à genoux. Les pro-Gbagbo s’en moquent !

Publié le lundi 19 mars 2012 | L'intelligent d'Abidjan - L’image d’un Charles Konan Banny à génuflexion a remporté samedi la palme des spotlights tellement elle est inhabituelle. ‘’Ce n’est pas un spectacle, je ne l’ai pas préparé, je l’ai senti à l’instant

Charles Konan Banny, président de la CDVR.

Publié le lundi 19 mars 2012 | L'intelligent d'Abidjan - L’image d’un Charles Konan Banny à génuflexion a remporté samedi la palme des spotlights tellement elle est inhabituelle. ‘’Ce n’est pas un spectacle, je ne l’ai pas préparé, je l’ai senti à l’instant

même’’, a commenté Banny lui-même qui faisait ainsi droit à sa part d’humiliation devant conduire, selon lui, à la réconciliation. La symbolique peut paraître communicante par la qualité de l’exécutant du geste. Seulement pour certains Ivoiriens, plus précisément dans le camp Gbagbo, on n’y a accordé aucune attention. Pour eux, la réconciliation est une nécessité en Côte d’Ivoire qu’elle ne saurait s’accommoder d’une simple scénisation. ‘’Que Banny se mettent à genoux, on s’en moque. D’ailleurs, après ce geste, que nous réserve le metteur en scène pour son prochain spectacle ? ’’, n’ont pas manqué de commenter des jeunes du Fpi qui étaient ce même jour en assemblée générale. Une façon de dire que les préoccupations de Banny sont diamétralement opposées aux leurs. Celles qui se résument en la libération de Gbagbo et des prisonniers du nord, au retour des exilés et réfugiés. Banny ne l’ignore peut-être pas, si bien que dans son allocution du samedi, il a relevé les entraves à la mission qu’il conduit. «Le dialogue a pour l’instant de la difficulté à être accepté par nos leaders politiques. (…) Quand je rencontre certains, le message qu’il me porte a deux sens. Il y en a qui disent : ‘’on a gagné, tout va s’oublier au fil du temps’’. Les autres disent : ‘’nous aussi, on va y arriver par d’autres méthodes mais avec le temps’’». Là est toute la difficulté de l’équation de la réconciliation. Et Banny doit l’intégrer car les peuples suivent leurs leaders. Vouloir faire la réconciliation directe entre les populations sans passer par les leaders peut être une méthode vouée à l’échec. Certes personne n’est propriétaire des voix du peuple. Mais autant il est difficile de parler aux musulmans sans leur chef, de parler aux chrétiens sans leurs leaders autant il n’est pas évident de réussir la réconciliation en voulant isoler les exilés, les prisonniers Lmp et pro-Gbagbo qui sont des leaders à leur façon et dont le sort préoccupe parents et partisans politiques. C’est là, l’une des clés de la réconciliation. Ce commentaire du professeur Dédy Séri, l’un des idéologues, prouve que Banny doit encore être plus inventif dans la conduite de son action. ‘’Banny se met à genoux devant quelle autorité morale et il s’adresse à qui ? C’est de la comédie parce qu’il n’y a pas longtemps qu’il affirmait que la Côte d’Ivoire est au bord de l’implosion. Son geste est donc incongru. D’ailleurs les gens meurent, victimes des exactions et il n’a jamais rien dit. Alors à qui s’adresse-t-il ?’’, a dit Pr. Dédy Séri. La tentative de dialogue direct avec le peuple et de purification spirituelle visant à contourner les acteurs et leaders politiques aura du mal à prospérer. Cela rappelle la tentative du Fpi d’isoler Alassane Ouattara des Ivoiriens durant toutes ces années. Pour le Fpi, le Rdr était un parti légal composé d’Ivoiriens. Il suffisait de se débarrasser de Ouattara pour avoir la paix. Banny ne doit pas donner l’occasion à d’autres de tenter à tort la même chose : espérer gagner la réconciliation nationale sans les acteurs politiques. De Paris à Abidjan en passant par Accra et les prisonniers, ces acteurs restent influents et incontournables.
SD
Cérémonie de purification de la Cdvr: Banny convoque les morts, Désiré Tanoé s’écroule

Les victimes innocentes massacrées lors de la crise ivoirienne (de septembre 2002 à avril 2011) qui ont été «convoquées», samedi dernier, par la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (Cdvr), n’ont pas manqué de s’exprimer au cours de la cérémonie dite de «deuil des violences et de purification». C’est le 1er vice-président de la Cdvr, Nanan Awoula Tanoé Désiré, chef suprême des N’Zima-Kôtôkô, qui en a fait les frais, à son entrée, en s’étalant de tout son long, la face pointée vers le ciel, après s’être entremêlé les pas dans les câbles de la régie.
Ce que les 4500 personnes, qui ont pris place à la salle Anoumabo du palais de la Culture de Treichville, n’ont pas manqué d’interpréter comme le signe d’un mauvais présage. «Les morts ne sont pas contents. On dirait qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui est en train de se faire», a soutenu un chef traditionnel invité à la cérémonie. Et comme pour, sans doute, dire qu’ils n’accordent aucune importance au processus de réconciliation, aucun membre du gouvernement n’a pointé présent à cette cérémonie voulue solennelle par les organisateurs. Pour demander pardon à nos morts, le président de la Cdvr, l’ex-Premier ministre, Charles Konan Banny, s’est mis à genoux, lors de son allocution. Par ailleurs, on a remarqué l’absence des Komians (féticheurs traditionnels Akan) et des danseuses d’Adjanou (féticheuses initiées) qui sont, dans les us et coutumes de certains peuples ivoiriens, ceux-là mêmes habilités à exorciser le deuil et faire la purification.
La cérémonie a été marquée par les exhortations des représentants de la chefferie traditionnelle, des chrétiens et des musulmans, au mea-culpa, à la repentance, au pardon et à la réconciliation. «Il faut sortir des considérations régionalistes et ethniques pour bâtir une société nouvelle avec des valeurs de paix, d’amour, de Justice, d’équité et d’humilité dans la diversité et le pardon mutuel. Plus jamais ça en Côte d’Ivoire. Le sang a coulé, trop coulé. Nous avons trop pêché. C’est pourquoi, il faut se repentir et demander pardon», ont confessé les intervenants. «Nous allons continuer à dialoguer avec les hommes politiques sur la nécessité de se réconcilier, d’être ensemble, car il est bon d’être ensemble», a indiqué Banny. Avant de préciser qu’il n’y a pas de réconciliation sans reconnaissance du droit de la victime. «L’effusion de sang et la mort d’hommes qui s’ensuit sont considérées partout en Côte d’Ivoire comme une immense catastrophe parce qu’elles entrainent la rupture de trois liens que sont la relation de la terre qui est forcée d’absorber le sang humain versé, le respect envers les esprits et le lien des Etres humains avec l’univers. Nous envisageons de consacrer un mois entier à cet exercice psychologique et culturel qui connaîtra son apothéose avec la célébration nationale», a-t-il conclu.

Djè Abel