A propos du tournage du film au siège du Fpi à Yopougon Philippe Alain Lacote, cinéaste :« C’est une erreur, toutes nos excuses au Fpi »

Par Notre Voie -Philippe Alain Lacote, cinéaste présente ses excuses au FPI pour le tournage de son film au siège du Fpi à Yopougon.

Philippe Alain Lacote est un cinéaste franco-ivoirien. Sa mère est ivoirienne. C’est lui qui réalise le film «Run» au siège du Fpi à Yopougon-Wassakara abandonné depuis avril 2011. Mercredi dernier, il était à notre rédaction pour parler du film qui fait polémique.
Notre Voie : Vous tournez un film au siège du Front populaire ivoirien à Yopougon Wassakara. De quoi s’agit-il exactement ?
Philippe Alain Lacote: Je voudrais présenter toutes mes excuses à toutes les personnes qui ont été touchées, qui ont été choquées par le fait qu’on a tourné au siège d’un parti politique. En l’occurrence le siège du Fpi. C’est une erreur pour nous. Mais nous rassurons l’opinion que nous n’avons pas l’intention de faire une exploitation politique de notre film. Aujourd’hui, au niveau du cinéma, on est obligé de faire appel à des gens qui viennent de différents endroits. Nous tournons donc ce film avec des Français, des Africains, des Israéliens, des Ivoiriens et des ressortissants de plusieurs pays.

N.V.: Mais pourquoi avez-vous choisi ce cadre d’un parti politique sans tenir compte de la situation sociopolitique du pays ?
P.A.L.: Franchement, je peux vous dire que la production qui organise le lieu de tournage du film n’a peut-être pas eu toute la pensée politique qu’il fallait avoir. Parce que toute la production ne connaît pas le contexte actuel du pays. Ça a été une erreur et je présente nos excuses au Fpi.

N.V.: Concrètement, de quoi parle ce film et quelle est sa portée ?
P.A.L.: Le film est intitulé «Run», qui signifie courir en anglais. Nous défendons ce film pour faire renaître le cinéma ivoirien. C’est un film qui a représenté la Côte d’Ivoire en tant que scénario au festival de Cannes. C’est un film qui a eu un prix à Jérusalem au nom de la Côte d’Ivoire. Donc, aujourd’hui, nous travaillons, nous faisons ce film pour espérer remporter le Fespaco. C’est dans cet objectif que nous faisons ce film qui n’a rien de politique.
Ce film retrace une histoire d’amour entre une jeune fille et un jeune homme. On suit la vie d’un jeune homme depuis son enfance, son adolescence et on suit une histoire d’amour qui se déroule avant la crise postélectorale et pendant la crise postélectorale. On a besoin de ce décor de fond.

N.V.: Ne pensez-vous que ce décor de fond dont vous parlez et le cadre choisi peuvent amener à penser que ce film peut servir à d’autres fins ?
P.A.L.: La Côte d’Ivoire est mon pays. Je viens ici régulièrement. Ma mère vit ici. Donc je peux vous assurer que ce film n’est commandé par aucun régime ni aucune institution, et nous sommes libres de raconter l’histoire imaginaire que nous avons à raconter.

N.V.: Des témoins rapportent que vous faites courir des éléments Frci dans la cour du siège pour les filmer. Que répondez-vous ?
P.A.L.: Non, il n’y a pas d’éléments Frci qui courent dans la cour. Ce sont des jeunes du quartier Wassakara, mais qui ne sont pas des éléments Frci. Ces jeunes s’échauffent dans la cour pour créer de l’ambiance. Il n’y a pas d’éléments Frci dans mon film. Il n’y a pas d’uniformes dans le film.

N.V.: Connaissant le contexte et la situation qui prévalent, pourquoi vous n’avez pas choisi un autre cadre pour éviter toute interprétation et insinuation ?
P.A.L.: En tant que cinéaste ou production, on choisit un cadre d’une manière visuelle. Moi, je vis à Wassakara et on cherchait un grand espace de cour pour tourner des scènes collectives dans lesquelles des jeunes font de l’ambiance, ils boivent, tapent sur des tams-tams et ils chantent. On a cherché et on n’a pas trouvé. Mais on nous a parlé de cette cour dont le cadre pouvait convenir à ce que nous voulons faire sans penser à la politique.
Je reconnais que c’est là que nous avons commis l’erreur. Car on aurait dû être plus prudents. Parce qu’on a oublié le symbole et on a vu juste l’espace qu’on cherchait. Sinon on n’est pas là-bas pour parler du Fpi. On n’est pas là-bas pour dire qu’il s’est passé quelque chose dans ce siège du Fpi. On est là pour raconter une histoire imaginaire.

N.V.: Et si certains Ivoiriens vous accusaient de vouloir réunir des preuves pour accabler Laurent Gbagbo qui est détenu à la Cpi, que diriez-vous ?
P.A.L.: Mais c’est ce qui a commencé à être dit dans la presse. J’invite tout le monde à aller sur l’internet pour revoir les interviews et les articles qui parlent de ce film.
En tout cas, moi, je viens aussi d’une famille politique qui a beaucoup lutté pour le Fpi. Vous avez raison d’être méfiants. Parce qu’on ne sait pas d’où viennent les choses. Mais je ne pense pas être la personne qui peut faire ce genre de films.

N.V.: Après le siège du Fpi, où irez-vous pour la suite du tournage ?
P.A.L.: Après le siège du Fpi, on va tourner dans la forêt du Banco. Et ça n’a encore rien de politique. On aura quelqu’un qui sort de l’eau, qui sort d’un marigot et qui devient fou. On le fera avec Isaac De Bankolé qui est un important acteur ivoirien.
Après, on ira à Bassam où ce jeune homme se réfugie dans la maison d’un vieil écrivain où il passe du temps. Après on va revenir à Yopougon pour tourner des scènes de foire, des stands de foire où nos personnages se baladent. On est là jusqu’en septembre et on n’a pas envie de se cacher. On n’a pas besoin de se cacher. J’invite Notre Voie à venir de façon inopinée sur le plateau quand vous voulez pour ne pas dire qu’on a préparé des choses pour vous et toute une journée, vous verrez.

N.V.: Que pouvez-vous dire pour dissiper le doute dans l’esprit des Ivoiriens ?
P.A.L.: Nous préparons ce film depuis 4 ans. Vous comprenez que nous avons fait la demande auprès du ministère de la Culture de l’ancien régime. C’est un film pour la Côte d’Ivoire. Parce qu’il y a des années où le cinéma tente de se relever ici. Donc, aujourd’hui, nous qui avons une expérience acquise à l’étranger, nous travaillons à valoriser ce que nous avons appris. Cela fait 5 ou 6 ans que j’ai décidé de revenir ici pour apporter mon expérience acquise en Europe au 7ème art pour que le cinéma ivoirien reparte.
Je ne suis pas seul, on est plusieurs réalisateurs. Il y a Owell Brown qui a été primé à Ouaga au Fespaco ; il y a aussi Jacques Tra Bi. Non, on n’est pas là pour dénigrer un parti politique, encore moins un individu. Quand vous nous voyez dans la rue en train de tourner le film «Run», soutenez-nous !

N.V.: Et si le Fpi décidait d’engager une action en justice ?
P.A.L.: Je demande au Fpi de ne pas aller jusque-là. Parce que c’est une erreur de notre part. On n’est pas en train de fabriquer des preuves contre qui que ce soit. On n’est pas en train de fabriquer des preuves contre Gbagbo. Moi, je suis un cinéaste. Bien sûr en tant que citoyen, la politique m’intéresse. De toute façon, un cinéaste ne peut pas dire qu’il n’observe pas la situation politique de son pays. Mais je ne fais pas de politique politicienne. Mes films ne travaillent pas pour quelqu’un. J’ai fait un film en Côte d’Ivoire en 2002 sur la première crise en Côte d’Ivoire. J’ai filmé à Wassakara et ce film s’appelle «Chronique de guerre». Je l’ai terminé en 2007. Ce film a été présenté à des festivals, mais personne ne peut dire que ce film a vilipendé la Côte d’Ivoire. C’est un regard que je pose sur mon pays que j’aime. Je demanderai au Fpi, à tous les militants d’être indulgents avec nous. Nous sommes jeunes et avons besoin d’être soutenus.

Interview réalisée par Benjamin Koré