Présidentielle française: Un sondage plaçant Sarkozy en tête le matin (28,5% à 27%) est contredit par un autre le soir (28% à 28,5%), replaçant Hollande en tête

Le 14 mars 2012 par IVOIREBUSINESS – Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'IFOP. Il était l'invité cet hier après-midi d'un chat sur lemonde.fr. Il a répondu aux questions des internautes

François Hollande.

Le 14 mars 2012 par IVOIREBUSINESS – Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'IFOP. Il était l'invité cet hier après-midi d'un chat sur lemonde.fr. Il a répondu aux questions des internautes

concernant le sondage publié quelques heures plus tôt par son institut et donnant, pour la première fois, Nicolas Sarkozy en tête du premier tour de l'élection présidentielle, alors qu’un autre sorti dans l’après-midi redonnait l’avance à François Hollande.
Dans l’enquête IFOP-Fiducial, réalisée pour Europe 1, Paris-Match et Public Sénat, le président sortant Nicolas Sarkozy est crédité de 28,5 % des voix au premier tour, et François Hollande de 27 % des voix. Au second tour, le candidat socialiste l'emporterait sur M. Sarkozy avec 54,5 % des voix.

Frédéric Dabi : « Même s’il se resserre, le rapport de force de second tour reste favorable à M. Hollande »
Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'IFOP, était l'invité cet après-midi d'un chat sur lemonde.fr. Il a répondu aux questions des internautes concernant le sondage publié quelques heures plus tôt par son institut et donnant, pour la première fois, Nicolas Sarkozy en tête du premier tour de l'élection présidentielle.
Dans cette enquête IFOP-Fiducial, réalisée pour Europe 1, Paris-Match et Public Sénat, le président sortant est crédité de 28,5 % des voix au premier tour, et François Hollande de 27 % des voix. Au second tour, le candidat socialiste l'emporterait sur M. Sarkozy avec 54,5 % des voix.
Votre sondage étant réalisé au lendemain d'un temps fort pour Nicolas Sarkozy, dans les heures qui ont suivi son grand meeting de Villepinte, est-il vraiment significatif ?
Tout dépend de ce qu'on veut dire par "sondage significatif". Comme tout sondage, il reflète un rapport de force électoral. Il y a deux illusions qu'il convient de lever : d'une part, il n'existe pas de sondage d'opinion déconnecté d'un contexte politique, économique et social ; d'autre part, il y a un décalage que l'IFOP a mesuré à de nombreuses reprises depuis la mise en place de son enquête quotidienne, entre un événement politique fort de la campagne électorale, tel Villepinte, et sa "digestion", voire sa diffusion dans l'opinion publique.
Dans ce cadre, je ne dirais pas que le sondage de l'IFOP diffusé depuis hier soir intègre complètement un "effet Villepinte". Il est plutôt le reflet de la façon dont les électeurs ont perçu la dernière séquence de la campagne : intensification de la campagne de Nicolas Sarkozy à travers une stratégie de droitisation, et atténuation de l'effet bénéfique pour le candidat François Hollande de la proposition de taxation de 75 % des revenus annuels supérieurs à 1 million d'euros.
Les phénomènes de vases communicants observés dans cette enquête IFOP-Fiducial entre, d'un côté, Jean-Luc Mélenchon et François Hollande, et de l'autre côté, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, reflètent peut-être cette séquence.
Dans un autre sondage effectué par l'IFOP et publié également hier soir, François Hollande est crédité de 28,5 % et Nicolas Sarkozy de 28 %. C'est contradictoire avec le sondage qui fait le "buzz" aujourd'hui (28,5 % pour Sarkozy et 27 % pour Hollande). C'est à n'y rien comprendre !
Plutôt que de se focaliser sur la date de publication ou de diffusion d'un sondage, il convient systématiquement, dans une visée pédagogique, d'observer les dates de terrains d'enquête.
L'enquête quotidienne IFOP-Fiducial pour Paris Match, à laquelle vous faites allusion, a été réalisée par tiers du jeudi 8 mars au dimanche 11 mars. Le baromètre réalisé pour Paris Match, Europe 1 et Public Sénat, que nous commentons aujourd'hui, a été mené du dimanche 11 mars à 18 h, soit 2 heures après la fin du meeting de Villepinte, à lundi 12 mars à 19 h.
Nous ne sommes donc pas sur la même plage d'enquête. D'un côté, seuls deux tiers des répondants à l'enquête quotidienne avaient été exposés au meeting de Villepinte ; de l'autre, toutes les personnes interrogées l'ont été après ce rendez-vous de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Que pensez-vous de la théorie de Patrick Buisson, conseiller de Nicolas Sarkozy, qui pense que les résultats de second tour sont bâtis sur du sable ?
Je ne partage que très partiellement cette remarque. Certes, les intentions de vote pour le second tour pâtissent d'un défaut "ontologique", à savoir que les personnes interrogées ne connaissent pas, par définition, le résultat du premier tour.
Ces seconds tours n'intègrent donc pas les dynamiques électorales issues d'un rapport de force de premier tour. Ce n'est pas pour autant une raison pour délégitimer ces seconds tours. D'une part, ils constituent le reflet de l'adhésion ou du rejet d'un candidat. A ce titre, les enquêtes actuelles, en dépit d'un resserrement, traduisent la force de l'antisarkozysme.
D'autre part, ces intentions de vote de second tour permettent de mesurer les reports des électeurs sur les deux qualifiés à l'issue du premier tour. Dans ce cadre, on observe attentivement, depuis janvier, la difficulté de Nicolas Sarkozy à retrouver, comme en 2007, des reports satisfaisants dans deux électorats majeurs : celui de François Bayrou et celui de Marine Le Pen.
Votre institut appartient à Laurence Parisot, présidente du Medef. N'y a-t-il pas un petit "hic", ne serait ce que lorsqu'on lit ses propos sur François Hollande dans l'interview qu'elle a accordée aux Echos aujourd'hui ?
Si on veut présenter l'histoire de l'IFOP, il me semble juste de le faire complètement. L'IFOP est le plus ancien institut de sondage français (il a été fondé en 1938). Il est à la fois un témoin de l'histoire des campagnes électorales françaises et un pionnier des méthodologies permettant de suivre l'état de l'opinion (mise en place par l'IFOP des premières opérations "estimations" en 1965 et du premier sondage "sortie des urnes" en 1983).
L'IFOP a pour propriétaire Laurence Parisot, depuis 1990, soit quinze ans avant son élection au Mouvement des entreprises de France. La qualité et la fréquence des publications de l'IFOP, ainsi que la diversité de nos commanditaires (Europe 1 et Paris Match aujourd'hui, L'Humanité demain matin), témoignent de notre indépendance. J'ajouterai enfin que l'IFOP, à chaque campagne présidentielle, a travaillé de manière confidentielle pour la plupart des candidats.
Comment les abstentionnistes sont-ils pris en compte statistiquement ? Pouvez-vous estimer le taux de participation ?
L'évaluation du rapport de force électoral et celle de la participation constituent deux choses différentes. Dans une enquête d'intentions de vote, la part des personnes déclarant ne pas vouloir aller voter, voire voter blanc, est toujours minorée.
Il est en effet difficile d'avouer un comportement abstentionniste. C'est pour cela que l'IFOP a mesuré dans le passé, à chaque élection, et va mesurer dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, la participation à travers un indicateur spécifique.
Il est en effet crucial de pouvoir estimer ce que sera la participation le 22 avril prochain. Le premier tour de la présidentielle va-t-il s'inscrire dans le continuum abstentionniste observé depuis le début du quinquennat ? Ou va-t-on assister à un sursaut de la participation ? Il est difficile de répondre aujourd'hui. Pour autant, l'atteinte d'un score de participation équivalent à celui observé le 22 avril 2007 semble difficile.
TNS Sofres vient de publier un sondage donnant Hollande à 30 % au premier tour et Sarkozy à 26 %. Le premier serait stable, le deuxième perdrait deux points (par rapport à la dernière enquête d'intentions de vote effectuée par cet institut il y a quinze jours). Comment expliquez-vous cette distorsion avec votre enquête ? Est-ce parce que votre sondage a été fait par Internet, un mode de recueil considéré comme moins fiable par beaucoup d'observateurs, alors que celui de la Sofres a été fait par téléphone ?
Je ne commenterai pas ce sondage de mes confrères de TNS Sofres sans disposer de l'ensemble du rapport de force électoral, par exemple, la totalisation des intentions de vote en faveur des candidats de gauche, du centre et de droite. Par ailleurs, et comme dit précédemment, le moment de réalisation de cette enquête dans un contexte de campagne présidentielle par nature très riche est une donnée à considérer. Enfin, je ferai observer que l'enquête IFOP-Fiducial diffusée ce matin a été réalisée à moitié par Internet et par téléphone.
Je ne partage pas les réserves faites sur l'administration des sondages en ligne. Aujourd'hui, chaque mode de recueil (face-à-face, téléphone, Internet) comporte des biais. Aucun n'est parfait. Il convient de contrôler et de prendre en compte ces biais.
Entre votre sondage et celui de la Sofres, ce ne sont pas les niveaux respectifs de Hollande et de Sarkozy au premier tour qui divergent, ce sont aussi les tendances : à l'IFOP, Sarkozy monte, à la Sofres, il baisse...
A la lecture de l'enquête de la Sofres, on observe une convergence avec les chiffres de l'IFOP sur les scores de Marine Le Pen, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, et une différence sensible de niveau et d'évolution sur les deux principaux candidats.
Plutôt que de comparer les "photos" de nos deux instituts, je préfère attendre les prochaines enquêtes, qui confirmeront une différence ou bien verront l'évolution de ce rapport électoral converger.
Quelles marges d'erreur attribuez-vous aux résultats de votre sondage ?
Depuis mars 2011, date d'une polémique autour d'un sondage plaçant Marine Le Pen en tête des intentions de vote, et dans le contexte des travaux parlementaires des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, l'IFOP fait systématiquement figurer, dans ses enquêtes publiées, le tableau statistique de la marge d'erreur.
Pour pouvoir calculer l'intervalle de confiance indiquant la marge d'erreur, il convient de croiser la taille de l'échantillon et le pourcentage. A titre d'exemple, pour 1 000 personnes interrogées et un score de 30 %, la marge d'erreur est de 2,8 points.
Vous évoquez une marge d'erreur de 2,8 % pour des candidats situés à environ 30 % des voix : cela veut donc dire que Hollande et Sarkozy sont tous les 2 au même niveau...
Non, cela signifie qu'ils sont proches, mais que le poids moyen de cet intervalle de confiance indique une petite avance en faveur de Nicolas Sarkozy.
Comment expliquer que François Bayrou soit en tête des sondages de popularité, alors qu'il stagne dans les intentions de vote ?
L'exemple dont vous parlez atteste une fois de plus que popularité et intentions de vote sont deux éléments différents. La popularité constitue une ressource importante, mais pas essentielle. Une cote de popularité s'établit en absolu, personnalité par personnalité ; dans une intention de vote, le rapport de force électoral s'établit en comparaison avec les autres candidats à la gauche et à la droite de François Bayrou.
Il faut bien sûr, s'agissant de ce dernier, prendre en compte le contexte : en 2007, le député du Béarn avait bénéficié à plein des doutes au sujet de la crédibilité de Ségolène Royal et de la capacité à rassembler de Nicolas Sarkozy. En 2012, son espace électoral, dans la logique de bipolarisation, est nettement plus réduit.
Quand on sait que médias et politiques attendent depuis plusieurs jours de voir les courbes de sondage se croiser entre les deux principaux candidats, ne peut-on pas penser que vous ayez été séduit à l'idée d'être le premier institut à répondre à cette attente ?
Un institut réalisant une enquête d'intentions de vote - je parle de l'IFOP - ne conduit pas une enquête pour faire plaisir à des commanditaires ou à des commentateurs, mais pour mesurer un rapport de force électoral.
L'examen de l'évolution des intentions de vote issues de notre "rolling" quotidien permet de lever cette suspicion, que je considère comme malveillante. Il y a quinze jours, les médias et plusieurs personnalités de la majorité présidentielle attendaient et annonçaient une inversion des courbes de premier tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Or cela ne s'est pas réalisé.
Aujourd'hui, nous observons cette inversion au premier tour, qui d'ailleurs n'est absolument pas confirmée au second tour. Nous l'avons répercutée dans notre baromètre bimensuel, tout simplement parce que nous l'avons constatée.
Pensez-vous que les courbes de sondages de second tour puissent se croiser également d'ici le scrutin ?
Personne ne peut le dire au regard de la non-prédictibilité des enquêtes d'opinion. Je remarquerai que l'effervescence, voire l'agitation autour de l'inversion des intentions de vote de premier tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy a tout de même occulté deux choses : d'une part, François Hollande pâtit d'une offre électorale encombrée à gauche, tandis que Nicolas Sarkozy profite de l'éclaircissement de l'offre de candidatures à droite.
D'autre part, en dépit des précautions que j'ai précédemment mentionnées, le rapport de force électoral de second tour, même s'il se resserre, demeure favorable à François Hollande.
Quel effet aura, à partir de la semaine prochaine, la stricte égalité du temps de parole entre les candidats ? Cela va-t-il renforcer les intentions de vote des "petits" qu'on entend peu aujourd'hui et affaiblir les "grands" que l'on entend beaucoup ?
Par prudence, il est difficile de répondre à une question d'anticipation dans la mesure où un sondage, même quotidien comme l'IFOP le réalise, n'a pas de vocation prédictive.
Pour autant, l'histoire des campagnes présidentielles a montré que, lors de la campagne officielle, les candidats des grands partis ont vu leur score d'intentions de vote s'éroder lors de cette dernière ligne droite.
L'exemple, en 2002, de la percée d'Olivier Besancenot s'avère à cet égard emblématique. Il faut toutefois conserver une certaine prudence. La dimension "vote utile", notamment en faveur du candidat François Hollande, pourrait lui bénéficier en fin de campagne, en particulier s'agissant du but symbolique de le faire basculer en tête au premier tour, ce qui serait un phénomène complètement inédit pour un candidat confronté à un président sortant.

Propos recueillis par P. J.-T. et T. W. (Lemonde.fr)