Présidence de l’Union africaine : LES ENJEUX DE LA BATAILLE PING/DLAMINI-ZUMA

le Mercredi 29 Février 2012 par Fraternité matin - Aucun des deux candidats en lice (le Gabonais Jean Ping, président sortant) et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma (ex-épouse de Jacob Zuma et

Ping/Zuma. De fratmat.info.

le Mercredi 29 Février 2012 par Fraternité matin - Aucun des deux candidats en lice (le Gabonais Jean Ping, président sortant) et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma (ex-épouse de Jacob Zuma et

ministre de l’Intérieur de l’Afrique du Sud) n'a remporté la majorité requise des deux-tiers pour être élu président de la Commission de l'Union africaine (Ua) après quatre tours de vote lors du 18ème sommet de l’Union, tenu à Addis Abeba, à la fin janvier dernier.
Ce Sommet de l'Union africaine a alors décidé de nommer un panel de chefs d'Etat de huit membres (5 représentants des grandes régions du continent, les présidents béninois, gabonais et sud-africain) pour trouver une procédure de compromis pour l'élection du prochain président de la Commission. Ce panel se réunira dans la deuxième semaine de mars, à Cotonou, chez le président en exercice de l’Union africaine.
Avant même cette rencontre, l’Afrique du Sud est déjà passée à l’offensive de la campagne pour sa candidate. Malheureusement, cette campagne se fait sur la base de faits non fondés.
« Depuis la création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA, l'ancêtre de l'UA), en 1963, la présidence de la Commission n'est jamais revenue à un représentant de la SADC ».
Cette déclaration est de Mme Maite Nkoana-Mashabane, ministre sud-africaine des Affaires étrangères. Déclaration reprise par le ministre angolais des Affaires étrangères, Georges Chikoti, qui a, par voie de communiqué, déclaré que « la région de l’Afrique australe n’a jamais eu l’occasion de présider aux destinées de la Commission de l’Union africaine ». « Tous les membres de la SADC feront campagne sur la base d'arguments solides pour la nomination de Mme Dlamini-Zuma. La SADC n'a pas été bien organisée avant l'élection en janvier et a commencé sa campagne tardivement. Avec le report de l'élection, la SADC va cravacher dur pour assurer le succès de Mme Dlamini-Zuma », a fait savoir M. Chikoti.
Ces déclarations semblent ignorer le passé de l’Union africaine. En effet, contrairement à ce qu'avancent les chefs de la diplomatie du pays de Nelson Mandela et de l’Angola, il importe de rappeler que Dr Salim Ahmed Salim, le Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) resté le plus longtemps à la tête de cette instance, est originaire de la Tanzanie, un pays membre de la SADC. «Aux yeux de plusieurs observateurs, cette bruyante cacophonie de M. Chikoti a été vue comme une tentative délibérée de l'Afrique du Sud pour fomenter des crises là où il n’y en a pas. Il est à rappeler que Dr. Salim, 8ème Secrétaire général de l’OUA, ancêtre de l’Union africaine, est ressortissant d'un état membre fondateur de la SADC. Il avait servi pendant trois mandats consécutifs (De septembre 1989 à septembre 2001), en tant que Secrétaire général de l’organisation panafricaine », souligne, indigné, M. Alexander Ojo, un analyste politique basé à Nairobi (Kenya).
Tout comme lui, beaucoup d’observateurs, estiment que les efforts que déploie Jacob Zuma pour placer son ex-épouse à la tête de la Commission de l’Ua sont destinés à dissimuler les multiples échecs diplomatiques de l’Afrique du Sud en Libye et en Côte d'Ivoire. «Mme Dlamini-Zuma devient une menace sérieuse pour son ex-mari et peut même gagner l’élection présidentielle si elle demeure engagée dans la scène politique de son pays », soutient un diplomate occidental.
L’Afrique du Sud fait feu de tous bois pour faire accepter sa candidate. Elle a évoqué, quelques jours avant l’élection de janvier 2012, le retrait de Jean Ping. Ce que l’intéressé a démenti par sa candidature le 30 janvier. « Les Sud africains, à court d’arguments usent de tous les moyens à travers une campagne basée sur le mensonge », s’indigne un membre de l’entourage de Jean Ping. Qui ajoute : « On a évoqué honteusement l’évanouissement du Président Jean-Ping. Celui-ci a démontré sa pleine forme. Comme cela n’a pas suffit, il a été rapporté que le Gabon ne le soutenait pas. Le contraire a été démontré. Maintenant, c’est la question de la SADEC qui sort. Là encore, il s’agit d’un gros mensonge. Il faut que cela cesse. L’Afrique n’a pas besoin de ce genre de mensonge ».
Les Sud-africains se sont hasardés sur le terrain de la langue en présentant leur candidate comme la porte-standard des anglophones. Là encore, ils n’ont pas obtenu l’adhésion de tous les pays anglophones du continent. Ainsi, le Nigeria, le Ghana, l’Ethiopie et le Kenya ont ouvertement annoncé leur soutien au Gabonais Jean Ping. « Ce soutien ne se fonde pas sur des considérations personnelles, mais c'est une question de principe et de loyauté envers le titulaire du poste de président, qui a beaucoup fait pour l'organisation, y compris la supervision et le suivi de l’édification du nouveau siège de l’UA », explique une source.
Pour un autre spécialiste des questions internationales, « toutes les autres organisations régionales et internationales, y compris l'ONU, accordent à leurs chefs exécutifs la possibilité de briguer un second mandat, afin de leur permettre de consolider les acquis et les réalisations accomplies durant leur premier mandat ». Curieusement, l’Afrique veut se déroger à cette pratique.
Enfin un autre aspect qui milite à la défaveur de la candidature sud-africaine est selon Alexander Ojo, le fait que l’Afrique du Sud, membre du Groupement Economique BRICS aux côtés du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine, considérés comme les grandes puissances émergentes d'aujourd'hui, et les géants de demain, a, par la présentation de la candidature de Mme Dlamini-Zuma, violé l'accord coutumier « Gentelman’s agreement » convenu par les dirigeants de l'Union et en vertu duquel les cinq grands pays africains de par leur contribution ne devraient pas présenter de candidat pour le poste de président de la Commission de l’Union africaine.
«Ces cinq grands pays, à savoir le Nigeria, l'Afrique du Sud, la Libye, l'Algérie et l'Egypte, explique M. Ojo, sont les cinq principaux bailleurs de fonds de la Commission. L'Ethiopie, pays du siège et capitale du continent, devrait ainsi faire partie de ce groupe. L'accord était de s'assurer que les petits pays, qui ont été généralement dominés au niveau des Communautés Economiques Régionales (CER), ne soient pas aussi mis sous le joug des grandes nations au sein des organisations régionales ou continentales ». L’attitude de l’Afrique du Sud convient parfaitement au même scénario dans lequel les Etats unis d’Amérique ou la France briguerait le poste de secrétariat général des Nations unies.
L’Afrique du Sud, la première économie du continent mise, à la fois, sur son poids économique et la puissance de la diplomatie régionale au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour influencer les pays membres de cette organisation sous régionale à la soutenir. Ainsi, l’Angola qui a accueilli récemment une importante rencontre de ce regroupement régional a déjà donné sa position officielle en faveur de la Sud-africaine Mme Zuma.
Jean Ping, 69 ans, en poste depuis 2008, a devancé légèrement sa concurrente sud-africaine, ministre sud-africaine de l’Intérieur et ex-épouse du président Jacob Zuma, lors de trois premiers tours (28 voix contre 25, 27/26, 29/24 voix). Mme Dlamini-Zuma, 63 ans, a été alors contrainte par le règlement de retirer sa candidature, mais Jean Ping pourtant alors seul en lice, n'a pas atteint la majorité des deux-tiers requise. Il a obtenu au quatrième tour 32 voix à quatre voix de la majorité qualifiée exigée.

DOUA GOULY
doua@fratmat.info