Oulata Gaoudit aux caciques du FPI : ‘’La guerre, ce n’est pas un dîner gala’’

Publié le mercredi 2 mai 2012 | Le Patriote - Après la visite du Chef de l’Etat à l’Ouest, Oualata Gaoudit, cadre de la région, s’est prêté à nos questions pour faire le point de cette visite.

Il a saisi l’occasion pour interpeller les caciques du FPI…

Le Patriote: Quelques jours après la visite du chef de l’Etat à l’Ouest, quelles leçons en titrez-vous, en votre double qualité d’élu et de fils de la région?

Une du Patriote du 02 mai 2012.

Publié le mercredi 2 mai 2012 | Le Patriote - Après la visite du Chef de l’Etat à l’Ouest, Oualata Gaoudit, cadre de la région, s’est prêté à nos questions pour faire le point de cette visite.

Il a saisi l’occasion pour interpeller les caciques du FPI…

Le Patriote: Quelques jours après la visite du chef de l’Etat à l’Ouest, quelles leçons en titrez-vous, en votre double qualité d’élu et de fils de la région?

Oulata Gaoudi: Je dois dire que la visite du chef de l’Etat, comme on le souhaitait, a été un succès. C’est une visite historique en ce sens qu’elle a été la première visite d’Etat du président de la République à l’intérieur du pays. En même temps, elle scelle la réconciliation. Après ce passage dans le département du Guémon et du Cavally, le Président a presque achevé le travail de réconciliation. Il appartient maintenant à nous les responsables politiques, d’aller vers les populations pour que cela soit réellement matérialisé. Sinon le président a fait son travail, il l’a achevé. C’est une grande visite qui a, en même temps, permis aux populations, de savoir combien le président Alassane Ouattara est aussi bien généreux que d’une grandeur d’esprit. Il est venu annoncer un certain nombre de choses et séance tenante, il a engagé la réalisation d’autres choses. Je pense qu’à ce niveau, c’est une visite réussie. Nous avons le retour, le peuple Wê est heureux. Vraiment, cette visite restera gravée dans les mémoires des populations du grand ouest.

LP: On le sait, le grand ouest n’est pas à priori acquis à la cause du président de la République. Comment expliquez-vous le succès de cette visite ? Quel sens lui donnez-vous ?

OG : Cette visite a forcément une signification particulière. Il est vrai, cette région, comme vous le dites, n’est pas effectivement un bastion du président Ouattara. Mais vous avez-vous-même vu comment il a su appréhender la situation socio-économique de cette région. Comment il a réussi à prendre à son compte le sentiment profond du peuple du grand ouest. Comment il s’est approprié leurs souffrances, leurs douleurs, leurs ressentiments, fruits de la haine déversée par certaines personnes dans la région pendant dix ans. Tout le monde a bien vu que son souci premier était d’apporter un réconfort aussi bien moral que matériel aux populations. Il leur a dit qu’il était à leur côté et qu’il était prêt à tout mettre en œuvre pour les sortir de l’ornière. Il leur a demandé d’être imperméables aux manipulations de toutes sortes. Cette visite du président de la République a laissé une marque indélébile dans cette région meurtrie, qui a du coup commencé à espérer, à appréhender l’avenir avec optimisme.

LP: Vous venez de lâcher le mot, il y a eu beaucoup de manipulations, d’intoxication, dans cette région. Etes-vous persuadé que le message du chef de l’Etat n’est pas tombé dans des oreilles de sourds ? Est-ce que les nombreuses déclarations de bonnes intentions des uns et des autres n’étaient pas de façade ? La bonne foi était-elle vraiment au rendez-vous ?

OG : Le point que vous touchez est extrêmement important. Cette visite d’Etat était, avant tout, politique. Hautement politique. Je suis entièrement d’accord avec vous pour dire qu’il y a eu beaucoup de manipulations dans cette région. Mais la manipulation, comment se fait-elle ? C’est bien par le discours. C’est par le discours que les gens inoculent dans les esprits la haine, l’inimitié, l’animosité. Tout le monde sait ce qui s’est passé dans le grand ouest. C’est donc par le discours qu’il faut rétablir les choses. C’est par le discours qu’il faut désintoxiquer, qu’il faut restituer la vérité. Mais c’est aussi par le discours qu’il faut réconforter, qu’il faut donner espoir. C’est par le même discours que ceux à qui on parle, doivent dire s’ils y ont été réceptifs. C’est ce qui s’est passé lors de cette visite d’Etat. A Bangolo notamment, c’est ce que nous avons fait. Notre discours n’était pas matérialiste.

Vous savez, le peuple wê n’est pas matérialiste. Nous sommes un peuple de tradition guerrière, mais surtout un peuple idéaliste, foncièrement attaché au respect de sa dignité. Et quand on sait cela, il s’agit de trouver les mots justes. D’ailleurs, dans la tradition wê, c’est ce qu’on appelle le’’ zahé ‘’, c'est-à-dire le débat, ou le mot juste. Chez nous, le « zahé » est infiniment plus important que le matériel. Si vous trouvez le mot juste, cela peut apaiser les pires rancœurs, les pires animosités. A Bangolo, je puis le dire, le message du Président a été entendu. Il a été compris.

Mais en général, je crois que le président de la République lors de cette visite a fait un sacré boulot de réconciliation à l’ouest. Il l’a fait dans la sincérité et dans la loyauté. Il appartient à nous, en tant que leaders, d’aller vers les populations pour conforter ce boulot.

LP: Quel sera à votre avis la politique à mettre en place pour un véritable retour des nombreux exilés de la région ?

OG : Mais cette politique, le président l’a déjà amorcée ! Il n’a jamais cessé de dire aux exilés de rentrer au pays. Il a en permanence la main tendue. Il répète qu’on n’est jamais heureux et accompli que chez soi. La Côte d’Ivoire, c’est leur pays. Partout où il est passé, il l’a toujours dit. Il appartient désormais à nous les cadres de traduire cette volonté affichée par le Président en acte concret. C’est pour cela que, au moment venu, nous inviterons les populations à un grand rassemblement pour leur demander d’adhérer à l’élan de réconciliation nationale tel que impulsé sans cesse par le chef de l’Etat.

LP: Selon les informations qui nous parviennent, les populations auraient voulu que cette visite prenne un peu de temps. Parce qu’elles estiment que le président n’a pas sérieusement communiqué avec elles.

OG : De mon point de vue, les organisateurs auraient pu prendre toutes les dispositions. Ça été une visite à marche forcée. Or le président n’avait pas besoin de cela. Nous étions rassurés qu’aucun problème d’insécurité n’arriverait pendant sa présence à l’Ouest. Nous savons de quoi nous parlons. On aurait voulu effectivement que ce soit le moment pour les populations de communier avec leur président. Avec celui qu’elles ne connaissaient pas et qu’elles viennent de découvrir dans toute sa dimension. Comme un grand leader, comme celui qui fait des sacrifices, celui qui fait le développement et qui écoute. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Les choses se sont effectuées à marche forcée. Certains discours ont été quelque peu écourtés, alors que le protocole les avait depuis plus d’une semaine.

Malgré cela, les populations ont compris qu’il s’agit du président de la République et qu’il a un programme très chargé. Pour preuve, juste après, il est allé à Yamoussoukro, ensuite en France. On l’a fait comprendre aux populations ; On leur a dit que le plus important c’était sa présence. Elles ont compris et elle sont heureuses.

LP: Une petite tâche noire cependant. Quelques heures après la visite du chef de l’Etat, un village de l’Ouest a été attaqué.

OG : Vous savez, les questions de sécurité sont des questions nationales. C’est pourquoi je n’ose pas entrer dans les détails. Mais, ceux qui ont fait cela ont voulu le faire pendant la visite du président de la République. Nous savions cela 10 jours avant. Ils ont préparé tout cela au Libéria. Ils y ont pris plein d’argent avec des parrains qui en veulent à la Côte d’Ivoire. Malheureusement, ils n’ont pas réussi. Donc il fallait justifier cet argent. De toute façon, l’agencement des Forces tel que fait par le Général Soumaïla Bakayoko ne laissait aucune possibilité à ces hommes de lever le petit doigt. Ils ont alors tranquillement laissé partir le chef de l’Etat avant d’attaquer lâchement ce village, tuant de pauvres innocents. Il leur fallait nécessairement justifier l’argent perçu de leurs commanditaires. C’est bien malheureux. Mais, nous savons qui est derrière eux.

On n’a pas encore pris la mesure de ce qu’ils sont en train de tramer contre le régime et contre la Côte d’Ivoire. C’est très grave. Nous sommes là et nous regardons. Il y a un dialogue républicain qui est en cours et nous le regardons. Nous savons aujourd’hui ce que certaines personnes qui se font passer pour des victimes préparent. Le député de Tai l’a dit. Et je suis très content. Ces gens-là préparaient depuis longtemps leur coup. Ils sont de connivence avec les autorités libériennes qui sont vers la frontière de la Côte d’Ivoire et qui sont corrompues. Ces autorités agissent indépendamment de Monrovia. De la présidente du Libéria. Elles sont totalement corrompues. Elles ont eu l’argent des commanditaires. Je n’ai pas besoin de dire leurs noms.

LP: Colonel, vous avez parlé en connaissance de cause. Est-ce qu’il y a des dispositions particulières qui sont prises ?

OG : Je pense que le Chef d’état-major, le général Soumaïla Bakayoko, est en train de travailler là-dessus. Et grâce à Dieu, nous avons nous mêmes pris la tête de la Commission défense et sécurité. Et comme le président de l’Assemblée nationale veut que les commissions soient des forces de proposition, nous allons dans ce sens jouer notre rôle. Nous ferons ce que nous pouvons pour que le président de l’Assemblée nationale soit édifié.

LP: Vous êtes un haut gradé de l’armée ivoirienne, vous avez connu l’exil. Est-ce que ces choses ne vous donnent pas de mauvais souvenir.

OG : Bien sûr que si ! Partir en exil et en revenir est une bonne chose. Vous savez, j’en ai vu de toutes les couleurs pendant cette crise postélectorale. C’est pour cela que j’observe beaucoup. Je vois des gens qui sont revenus d’exil et qui sont en ce moment en train de faire le dialogue républicain. Et on les voit à peine arrivés, qui veulent reprendre les places qu’ils ont perdues. Comme si de rien n’était. On aurait dit qu’ils n’ont pas perdu le pouvoir. On n’entend pas le moindre mea-culpa. Donc, il faut avoir un esprit de discernement dans ce genre de relations.

LP: En votre qualité de député, de haut gradé de l’armée, président de la commission défense et sécurité, qu’est-ce que vous faites pour endiguer ces attaques qui viennent de se produire?

OG : Je ne suis pas le Général Bakayoko ni le ministre de la Défense. Mon rôle, aujourd’hui, c’est de recueillir les informations et les fournir au parlement. Au président de l’Assemblée nationale. Mais je ne peux pas empiéter sur l’exécutif qui est en train de faire son travail.

Il est vrai que je serai amené dans le cadre de cette mission à apporter au président de l’Assemblée nationale un maximum d’informations qu’il jugera utile que j’approfondisse sur le terrain. Mais ma tâche est bien circonscrite.

LP: Vous qui connaissez bien le FPI, croyez-vous à ce dialogue républicain entamé à Grand-Bassam ?

OG : Je constate que le FPI n’a pas signé le communiqué final du conclave. Ses responsables posent des préalables comme quoi, il faut libérer leurs camarades. Tout ne dit rien qui vaille. Je ne sais pas à quoi cela va aboutir mais, nous regardons. Leur attitude montre qu’ils ne sont pas décidés à aller à ce dialogue. Ils sont allés parce qu’il y a la communauté internationale qui les observe. Ils sont allés pour ne pas être indexés. Sinon, ce n’est pas possible d’aller à un dialogue républicain et ne pas signer le communiqué final.

Mais qu’ils sachent que les Ivoiriens n’ont plus besoin de guerre. C’est mon travail que j’ai appris tout le temps mais, je vous dis que les Ivoiriens n’ont plus envie d’une guerre. Ils ont envie d’aller à la paix. La guerre n’est pas un diner de gala et elle n’est pas toujours évidente. En veste on en parle aisément mais sur le terrain c’est autre chose. Mon frère Touré Zéguen, c’est moi qui l’ai fait venir de Londres, mais en tant que son grand frère, je lui demande d’arrêter son discours. Ça ne paye pas.

Yves-M. ABIET