Monde: A New York, les touristes privés de statue de la Liberté pour cause de "shutdown"
Par Le Monde.fr | Par Stéphane Lauer (New York).
PHOTO : AP/Marc Lennihan. Touristes au départ des navettes pour la statue de liberté le 1er octobre 2013.
Ce n'est qu'à bonne distance que les touristes, à New York, pouvaient observer, mardi 1er octobre, la statue de la Liberté. L'un des monuments les plus célèbres des Etats-Unis ne pouvait pas être visité, conséquence de l'échec, mardi à minuit, des négociations au Congrès sur le budget américain. La statue de la Liberté fait partie des organismes fédéraux qui sont obligés de stopper leur activité.
Les centaines de touristes, qui affluaient, mardi matin, vers l'embarcadère situé dans le sud de Manhattan se sont retrouvés nez à nez avec des panneaux leur indiquant que la visite de Lady Liberty était fermée pour cause de "shutdown". Un terme qui, il faut bien l'avouer, ne disait pas grand-chose à la plupart des imprudents. Ceux-ci n'avaient pas anticipé toutes les conséquences des informations sur l'impasse budgétaire, qui tournent pourtant en boucle sur les chaînes de télévision américaines.
"Que se passe-t-il ? Nous avons acheté nos billet sur Internet et personne ne nous a prévenus de la fermeture. C'est vraiment frustrant", se désespère Emily, une Australienne venue passer une dizaine de jours à New York. "C'est quand même fou de tout fermer comme ça du jour au lendemain, s'agacent Anne et Cédric, un couple de Français en voyage de noces. Nous repartons dimanche, j'espère que ce sera fini d'ici là." En guise de consolation, les touristes peuvent toujours échanger leur billet donnant accès à la statue de la Liberté contre une promenade en bateau autour de l'île où se situe le monument. "Un tour minable pour 40 dollars, c'est cher payé", se lamente une touriste brésilienne.
Même les tours opérateurs se sont fait surprendre par le "shutdown", comme cette guide canadienne, qui se retrouve avec une quinzaine de touristes à occuper. "Je vais bien trouver une solution, cet après-midi je vais les amener à Chinatown, explique-t-elle. Mais les gens le prennent plutôt bien".
Ce qui n'est pas le cas des quelques employés fédéraux, qui travaillent malgré tout et qui sont assaillis de questions par les touristes. "Franchement, je ne sais pas comment vont se passer les prochains jours et je ne sais même pas si je serai payée aujourd'hui", s'inquiète Debbie, qui s'occupe de l'embarquement des visiteurs depuis quatre ans. Quant aux vendeurs de souvenirs, eux aussi font grise mine. Beaucoup n'ont pas fait le déplacement. Ceux qui ont quand même ouvert leur échoppe ne sont pas très optimistes : "Ce ne sera pas une bonne journée : les gens viennent et repartent sans avoir vu la statue. Ils n'ont pas envie d'acheter", constate, dépité, Rajat, assis au milieu de ses statues miniatures et de tee-shirts "I love New York".
Stéphane Lauer (New York)
Journaliste au Monde
"Shutdown" : Obama accuse les républicains de mener une "croisade idéologique"
Le Monde.fr avec AFP
Combien de temps durera la fermeture partielle des administations américaines, aussi appelée shutdown, provoquée mardi 1er octobre par l'absence d'accord au Congrès sur le vote du budget américain ?
Dans une colère froide, le président Barack Obama a accusé, mardi matin, ses adversaires républicains au Congrès d'avoir provoqué le shutdown au nom d'une "croisade idéologique". Lors d'une intervention dans la roseraie de la Maison Blanche, retransmise à la télévision, le dirigeant démocrate a exhorté les conservateurs à mettre fin à cette paralysie, la première du genre en 17 ans, entrée en vigueur dans la nuit.
"Ce bloquage n'est pas lié au budget, ni au déficit. C'est la lutte d'une minorité contre l'assurance maladie [...] et il peut sembler à nos concitoyens qu'un parti politique aille dans de tels extrèmes"
Les républicains de la Chambre des représentants refusent en effet de voter un budget qui ne supprimerait pas le financement de la réforme de l'assurance-maladie ou Obamacare, pièce maîtresse du bilan social du président. Un volet important de cette réforme est précisément entré en vigueur mardi : des millions d'Américains démunis d'assurance maladie peuvent désormais s'inscrire sur internet pour bénéficier d'une couverture subventionnée à partir de janvier 2014. "Pour la première fois de leur vie, 15 % des Américains pourront aller consulter un médecin" s'est félicité Barack Obama à la télévision mardi en parlant d'une mesure "historique".
"CETTE PARALYSIE RÉPUBLICAINE N'ÉTAIT PAS INÉVITABLE"
Face à l'échec du Congrès à voter un budget avant l'heure limite, la Maison Blanche a ordonné lundi juste avant minuit aux agences fédérales américaines de cesser leurs activités, forçant près de 800 000 fonctionnaires à rester chez eux. D'autres ont dû se présenter à leur travail, mais ne sont pas assurés d'être payés.
"Cette paralysie républicaine n'était pas inévitable, je veux que tous les Américains comprennent pourquoi elle s'est produite", a ajouté M. Obama. "Ils ont paralysé le gouvernement au nom d'une croisade idéologique pour empêcher des millions d'Américains de pouvoir se soigner pour un coût raisonnable", a-t-il assuré.
Intransigeant, le Sénat, à majorité démocrate, a rejeté, mardi, une proposition de médiation soumise par la Chambre des représentants, dominée par l'opposition républicaine. Le chef de la majorité au Sénat, Harry Reid, a prévenu qu'il ne négocierait pas de sortie du "shutdown" tant que les républicains de la Chambre ne présenteraient pas un texte permettant d'assurer la continuité du service public.
Déterminé à mener à bien la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance santé, Barack Obama a fait savoir mardi qu'il n'était pas fermé à d'éventuels changements sur ce texte, emblématique de son premier mandat, mais qu'il n'accepterait jamais que ces modifications soient accordées en contrepartie d'un vote sur le budget.
L'Affordable Healthcare Act fait l'objet d'un combat acharné de la part d'un noyau dur au sein du parti républicain, proche du Tea Party, son aile radicale. Le leader des républicains à la Chambre, John Boehner, a déclaré que "le peuple américain ne veut [pas plus que lui] d'une fermeture du gouvernement". Mais la réforme de la santé d'Obama "a un impact dévastateur. Il faut faire quelque chose".
LES FONCTIONS RÉGALIENNES DE L'ETAT EXEMPTÉES
Du département de la défense à l'Agence de protection de l'environnement, tous les services fédéraux sont sommés de réduire immédiatement leurs effectifs au minimum vital, parfois à seulement 5 %. Partout dans le pays, les portes des parcs et musées nationaux vont rester fermées.
Les fonctions régaliennes de l'Etat fédéral – justice, sécurité, FBI, opérations militaires extérieures – sont exemptées. Juste avant le shutdown, une loi a été promulguée garantissant aux militaires qu'ils seraient payés à temps quoi qu'il arrive. Cette situation durera jusqu'au vote d'une nouvelle loi de finances par le Congrès, ce qui pourrait prendre des jours, voire des semaines.
Le Monde
Etats-Unis : le "shutdown" expliqué en 5 questions
Le Monde.fr |
Comme attendu, démocrates et républicains ne sont pas parvenus à s'entendre sur un budget pour l'exercice 2014, qui démarre le 1er octobre. Inéluctablement, le "shutdown" ("fermeture"), c'est-à-dire l'arrêt de plusieurs administrations et services fédéraux, a donc commencé mardi, aux Etats-Unis, et ce, pour une durée indéterminée – jusqu'à ce qu'un accord bipartisan soit trouvé.
• Qu'est-ce qu'une fermeture des administrations implique ?
Ce "shutdown" "aura des conséquences économiques très réelles pour des gens dans la vraie vie, et tout de suite", a prévenu Barack Obama. Concrètement, ce sont les administrations qui sont en première ligne. Au total, 800 000 fonctionnaires – jugés non essentiels – seront mis en congés sans solde, sans garantie de paie rétroactive. Ces derniers sont tenus de n'effectuer aucun travail pendant leur congé forcé, sous peine de lourdes sanctions. Il n'est pas garanti non plus qu'ils toucheront un salaire, même si cela a été le cas chaque fois par le passé. Durant les précédents "shutdowns", le Congrès avait, en effet, adopté une loi remboursant rétroactivement les jours de chômage technique des fonctionnaires.
En revanche, plus d'un million de salariés, considérés comme "essentiels" pour le fonctionnement de l'Etat, devront continuer à travailler. Ceux-là seront obligatoirement payés, mais possiblement avec des retards conséquents. On trouve dans cette catégorie les contrôleurs aériens, les gardiens de prison, les scientifiques des stations spatiales internationales, ou encore les agents des services secrets.
Quatre cents parcs nationaux et musées à travers le pays sont directement affectés – ce qui pourrait se traduire par un impact négatif de plusieurs millions de dollars pour le secteur touristique. De leur côté, les marchés subiront le blocage de la publication d'un certain nombre de statistiques, tandis que les introductions en Bourse pourront être retardées.
• Comment les parlementaires américains en sont-ils arrivés là ?
Ce blocage budgétaire intervient après six mois de bras de fer au Congrès entre démocrates, majoritaires au Sénat, et républicains, majoritaires à la Chambre des représentants.
Tout commence fin mars, lorsque que le Sénat vote le budget 2014. Ce dernier prévoit, entre autres, de réduire le déficit de 1 800 milliards de dollars sur dix ans : deux tiers viendraient de coupes et un tiers de nouvelles recettes.
Farouchement hostiles à toute hausse d'impôts, les républicains tentent alors de faire pression en s'attaquant à l'"Obamacare", surnom de la réforme du système de santé portée par Barack Obama, dont un pan majeur entre en vigueur le 1er octobre. Le président est clair : il ne cèdera pas sur cette loi – et il n'a effectivement pas cédé.
Après plusieurs heures de débat lundi, aucun accord n'a finalement été trouvé entre les deux partis. En revanche, le volet majeur de l'Obamacare est entré en vigueur comme prévu.
• Y a-t-il eu un précédent ?
Depuis 1976, les Etats-Unis ont connu 17 "shutdowns". La dernière cessation temporaire et partielle des services de l'Etat a eu lieu du 14 au 19 novembre 1995 et du 16 décembre au 6 janvier 1996 (soit 28 jours au total), sous la présidence de Bill Clinton : 280 000 fonctionnaires ont été mis au chômage et 475 000 ont vu leur salaire suspendu. Le coût de cette paralysie a été estimé à 1,4 milliards de dollars de l'époque (environ 2 milliards aujourd'hui).
Là aussi, c'est une réforme du système de santé – Medicare, l'assurance santé pour les plus de 65 ans – qui avait été à l'origine du blocage. L'opinion publique s'était alors retournée contre les républicains, qu'elle jugeait responsables de la pagaille. Quelques mois plus tard, le président sortant était confortablement réélu.
• Combien le shutdown va-t-il coûter ?
Selon des calculs publiés par les économistes de Goldman Sachs, la fermeture des administrations coûterait environ 8 milliards de dollars par semaine à l'économie américaine. Ce chiffre a été obtenu en examinant les conséquences du "shutdown" de 1995.
De leur côté, les experts de Macroeconomic Adviser estiment que si le blocage budgétaire durait deux semaines, il amputerait la croissance américaine de 0,3 point de pourcentage au quatrième trimestre.
• Quid du débat sur le plafond de la dette ?
C'est une autre échéance, et celle-ci est autrement plus grave : le 17 octobre, le plafond légal de la dette américaine, fixé à 16 700 milliards de dollars, devrait être atteint, selon le secrétaire d'Etat au Trésor, Jack Lew. Les deux camps doivent, d'ici là, s'entendre pour relever ce dernier afin d'éviter au pays de se retrouver en défaut de paiement et envoyer un mauvais signal aux marchés.
Là encore, le débat tourne autour de l'Obamacare. En échange du rehaussement du plafond de la dette jusqu'à la fin 2014, les républicains exigent un délai d'un an dans l'application de la réforme du système de santé, l'extension du pipeline Keystone XL qui doit relier la province d'Alberta, au Canada, à la ville de Houston, au Texas, ainsi qu'un moratoire sur le contrôle des émissions de carbone.
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