Monde: La Syrie salue l'accord russo-américain sur ses armes chimiques

Le Monde.fr avec AFP | La Syrie salue l'accord russo-américain sur ses armes chimiques.

Photo: Manifestation de partisans de Bachar Al-Assad, à Sanaa au Yémen. Reuters/Khaled Abdullah.

Le régime de Damas a qualifié de "victoire pour la Syrie", dimanche 15 septembre, l'accord russo-américain sur le démantèlement de son arsenal chimique. A la veille de la remise au Conseil de sécurité de l'ONU du rapport sur l'utilisation de ces armes, le régime a également assuré qu'il se conformerait aux décisions des Nations unies. "Nous acceptons le plan russe de nous débarrasser de nos armes chimiques. Nous avons en fait commencé à préparer notre liste", a affirmé le ministre de l'information, Omrane Al-Zohbi.
En visite à Jérusalem, le secrétaire d'Etat américain John Kerry, a rappelé pour sa part que les Etats-Unis n'avaient évacué "aucune option", bien que l'accord, signé samedi à Genève, ait éloigné une menace immédiate de frappes américaines. "L'option militaire doit demeurer, sinon il n'y aura pas la contrainte", a affirmé en écho le président François Hollande, lors d'un entretien dimanche soir au JT de TF1.

"ILS N'ONT ABSOLUMENT RIEN FAIT"

L'opposition syrienne, qui avait exprimé sa frustration après l'accord, a de son côté appelé la communauté internationale à imposer également au régime syrien une interdiction d'utiliser les missiles balistiques et l'aviation contre les civils. Sur le terrain, les rebelles accusaient les Etats-Unis et la Russie de "jouer avec la Syrie". "Nous ne sommes rien pour eux (...) Cela fait trente mois qu'ils discutent, et ils n'ont absolument rien fait", a déclaré le porte-parole d'une brigade rebelle d'Alep.

Pourtant à Damas, en ce premier jour de la rentrée des
classes
, l'accord a fait renaître auprès de certains habitants l'espoir de voir la fin d'une guerre qui a fait plus de 110 000 morts en deux ans et demi. "Je n'ai plus peur pour les enfants car maintenant que la tension a baissé et que la guerre n'est plus d'actualité, la vie est revenue à la normale", assurait Hala Tabaa, directrice d'une école maternelle de la capitale.

Des combattants de l'Armée syrienne libre à Alep, le 14 septembre.

UN CALENDRIER "FANTASQUE"

Annoncé samedi par M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, l'accord fixe des échéances précises au régime syrien : Damas a une semaine pour présenter une liste de ses armes chimiques, et celles-ci doivent être détruites d'ici la fin du premier semestre 2014. Samedi, l'ONU a formellement accepté la demande d'adhésion de la Syrie à la Convention de 1993 interdisant les armes chimiques.

Les Etats-Unis estiment à quarante-cinq le nombre de sites liés au programme d'armes chimiques en Syrie et sont d'accord avec la Russie pour évaluer le stock à 1 000 tonnes. Pour Olivier Lepick, de la Fondation pour la recherche stratégique, le calendrier pour détruire un tel arsenal chimique "est totalement fantasque". "Je ne pense pas que cela soit possible, étant donné la guerre civile... Même en temps de paix, cela prendrait des années", a-t-il indiqué.

UNE RÉSOLUTION DE L'ONU IMMINENTE

Le processus doit être fixé dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU mentionnant le chapitre VII de la Charte qui ouvre la voie à de possibles sanctions, y compris un recours à la force en cas de manquement du régime syrien à ses engagements. Mais ce point reste encore entouré d'ambiguïtés.

Selon François Hollande, cette résolution de l'ONU pourrait être votée "d'ici à la fin de la semaine". Le président français réunira, lundi à l'Elysée, les chefs de la diplomatie américain, britannique et français, pour la "mettre en forme". Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a affirmé que "la France tiendrait compte du rapport des inspecteurs de l'ONU lundi sur le massacre de Damas pour arrêter sa position". (Lire encadré ci-dessous)

MÉFIANCE DE LA TURQUIE ET D'ISRAËL

Du côté de la Russie, le chef de la diplomatie a laissé entendre que Moscou pourrait, dans l'avenir, soutenir un recours à la force en cas de non-respect de l'accord, mais a prévenu qu'il vérifierait minutieusement toutes les informations accusant le gouvernement syrien.

Considéré comme une avancée par de nombreuses capitales, dont Pékin, qui oppose depuis plus de deux ans une fin de non-recevoir aux appels internationaux à accentuer la pression sur le régime de Bachar Al-Assad, l'accord Kerry-Lavrov suscite moins d'enthousiasme en Turquie et en Israël. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a notamment estimé que "pour que la diplomatie ait une quelconque chance de réussir, elle doit être accompagnée d'une menace militaire crédible".
Le rapport clé de l'ONU attendu lundi après-midi

Ban Ki-moon doit remettre au Conseil de sécurité, lundi 16 septembre à 17 h 15 (heure de Paris), un rapport clé des experts de l'ONU sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, qui devrait être déterminant dans la résolution de l'ONU visant à concrétiser l'accord américano-russe sur la destruction de l'arsenal chimique de Damas. Le secrétaire général des Nations unies a d'ores et déjà annoncé, vendredi, que ce rapport allait "conclure de manière accablante" à l'utilisation d'armes chimiques dans l'attaque du 21 août – qui a fait, selon Washington, 1 400 morts dans la banlieue de Damas – sans en attribuer directement la responsabilité au régime syrien.

En effet, le mandat des experts de l'ONU ne prévoit pas la désignation d'un coupable. Des diplomates affirment toutefois que les détails compilés dans le rapport vont clairement identifier les responsables et que les soutiens du président syrien vont devoir apporter la preuve de leur innocence. Fin aôut, les inspecteurs de l'ONU ont pu recueillir, sur le site de l'attaque du 21 août, quantité de prélèvements de cheveux, de sang et de terre, ainsi que des témoignages permettant d'éclairer cet événement.

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