Mali: la junte s'engage à rendre le pouvoir aux civils, la Cédao menace d'intervenir par la force

BAMAKO (AFP) le 07.04.2012 - La junte militaire au Mali s'est engagée vendredi soir à remettre le pouvoir aux civils dans le cadre d'un accord avec la Cédao, qui a menacé de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du pays

Amadou Sanogo et Djibril Bassolé le 06 avril 2012 à Bamako.

BAMAKO (AFP) le 07.04.2012 - La junte militaire au Mali s'est engagée vendredi soir à remettre le pouvoir aux civils dans le cadre d'un accord avec la Cédao, qui a menacé de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du pays

après la déclaration d'indépendance du territoire de l'"Azawad", au Nord, par un mouvement de la rebellion touareg.
"Nous sommes parvenus à un accord, accord qui permettra dans les heures et les jours à venir de mettre effectivement en place les organes prévus par la Constitution et qui fonctionneront de manière régulière", a annoncé à la télévision publique ORTM le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolè, au nom de la la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Il s'exprimait à Kati, le QG de la junte, près de Bamako, après la lecture par le chef de la junte malienne, le capitaine Amadou Sanogo, de l'intégralité de "l'accord-cadre" de cinq pages prévoyant un président intérimaire en la personne du président de l'Assemblée nationale, un Premier ministre et un gouvernement de transition ainsi qu'une future loi d'amnistie pour les putschistes.
Le parlement malien (monocaméral) est actuellement présidé par Dioncounda Traoré, qui était vendredi soir à l'étranger, d'après diverses sources.
L'accord stipule encore que le président intérimaire aura "comme mission d'organiser une élection présidentielle dans le délai constitutionnel de 40 jours".
La Cédéao a également demandé que le président malien Amadou Toumani Touré, renversé le 22 mars par la junte, soit protégé et libre du choix de sa résidence, a ajouté le ministre burkinabè, représentant du médiateur dans la crise malienne.
Le président en exercice de la Cédéao, l'Ivoirien Alassane Ouattara, a demandé la levée "immédiate" des sanctions de cette organisation contre le Mali à la suite de l'accord, a encore annoncé M. Bassolé. La Cédéao a imposé un embargo diplomatique et économique total au Mali.
Réunie à Abuja, la capitale nigériane, la Cédéao a menacé d'autre part vendredi de recourir à la force pour préserver "l'intégrité territoriale" du Mali après la déclaration d'indépendance du territoire de l'"Azawad", qu'elle rejette totalement.
Dans un communiqué, elle "rappelle à tous les groupes armés du Nord du Mali que le Mali est +un et indivisible+ et qu'elle usera de tous les moyens, y compris le recours à la force, pour assurer l'intégrité territoriale du Mali".
L'organisation ouest-africaine - 15 membres, Mali compris- envisage depuis le coup d'Etat d'y envoyer une force militaire de 2.000 à 3.000 hommes. Les chefs d'état-major des armées de la Cédéao, réunis jeudi à Abidjan, ont élaboré un "mandat" pour cette force, qui reste à valider par les chefs d'Etat.
La Cédéao "dénonce" et juge "nulle" la proclamation de l'indépendance de l'Azawad, vaste zone dominée par des groupes armés islamistes et criminels, selon les termes de son communiqué. Elle "réaffirme son attachement à l'unité et à l'intégrité territoriale" du Mali.
La proclamation de l'indépendance de l'Azawad a renforcé la confusion règnant dans cette vaste zone, au bord du "désastre humanitaire", qui compte plus de 210.000 réfugiés et déplacés depuis le déclenchement de la rébellion du MNLA mi-janvier.
La proclamation d'indépendance, faite par un porte-parole en France du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Mossa Ag Attaher, "officialise" la division du Mali entre le sud des militaires putschistes et le nord en proie à l'anarchie.
"Nous proclamons solennellement l'indépendance de l'Azawad à compter de ce jour", a déclaré Mossa Ag Attaher sur la chaîne France 24 en des termes identiques à ceux d'un communiqué publié par le MNLA sur son site internet.
Très vite, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), les Etats-Unis, des pays voisins du Mali et la France, ex-puissance coloniale, ont rejeté cette déclaration unilatérale comme "nulle et non avenue" ou "sans aucune valeur", selon Jean Ping, président de la Commission de l'UA.
Des responsables touareg du Niger, dont d'anciens chefs rebelles, ont également condamné cette proclamation.
L'Azawad, immense territoire aride d'une surface équivalente à celle de la France et de la Belgique réunies, est situé au nord du fleuve Niger et comprend les trois régions administratives de Kidal, Tombouctou et Gao.
Après le coup d'Etat militaire, ces régions sont tombées aux mains du MNLA, du mouvement islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) appuyé par des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'autres groupes criminels.
Les islamistes et des groupes criminels ont très vite pris le dessus sur le MNLA, selon divers témoignages, relativisant la déclaration unilatérale d'indépendance des rebelles touareg, qui ne semblent pas en mesure de contrôler ce territoire.
Mossa Ag Attaher a affirmé à l'AFP que le MNLA serait prêt à combattre Aqmi dans le cadre de la mise en place "d'un partenariat international".
Omar Hamaha, chef militaire d'Ansar Dine, qui a pris le contrôle de Tombouctou, a, lui, affirmé mener une guerre "contre l'indépendance" de l'Azawad et "pour l'Islam", dans une déclaration publique dont l'AFP s'est procuré les images.
"Notre guerre, c'est une guerre sainte, une guerre légale, au nom de l'islam. Nous sommes contre les rebellions. Nous sommes contre les indépendances", a-t-il dit.
Effets combinés dévastateurs
L'Algérie, voisin du nord et puissance militaire régionale dont six diplomates ont été enlevés jeudi à Gao, "n'acceptera jamais une remise en cause de l'intégrité territoriale du Mali", a déclaré le Premier ministre Ahmed Ouyahia au journal Le Monde.
Alger a annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères d'Algérie, du Niger et de la Mauritanie dimanche à Nouakchott pour discuter de la situation, en l'absence de représentants du Mali.
Il y a urgence: les effets combinés de la sécheresse, des violences et des graves atteintes aux droits de l'homme commises dans le Nord font que cette région est "au bord du désastre humanitaire", selon Amnesty International.
Le front antijunte, qui regroupe partis politiques et organisations de la société civile, a appelé l'ONU à intervenir d'urgence "pour éviter une catastrophe humanitaire" en particulier à Gao où "des menaces d'interruption des fournitures d'eau et d'électricité planent" et où "des enlèvements de petites filles sont également signalés".
Des centaines de jeunes, pour la plupart natifs du nord du Mali, ont manifesté vendredi à Bamako pour dénoncer des "ignominies" commises dans leur région et réclamé des armes pour aller la défendre.
L'ex-Premier ministre malien Modibo Sidibé, détenu plusieurs jours au moment du coup d'Etat, a été brièvement interpellé vendredi à Bamako et relâché ensuite, selon ses proches.
© 2012 AFP

Force en attente de la CEDEAO (FAC) / Le mandat d’intervention sur la table de Ouattara

Publié le samedi 7 avril 2012 | L'intelligent d'Abidjan

Les chefs d’état-major de la CEDEAO ont défini, toute la journée du jeudi 5 jusqu’au petit matin du vendredi 6 avril 2012 à Abidjan, les contours du mandat de la Force en attente de la communauté (FAC).

Ce mandat qui doit être validé par les chefs d’Etats de la CEDEAO, autorise la FAC à intervenir au Mali, en proie à une instabilité depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012 contre le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré. Depuis hier, les membres de la commission paix et sécurité de la CEDEAO sont à pied d’œuvre pour rédiger la mouture finale de ce mandat, mais avant, le président du comité des chefs d’état-majors de la CEDEAO, le général de division Soumaïla Bakayoko, a donné des précisions sur les travaux effectués par les CEMA. « Il a été essentiellement question du mandat qui doit être donné à la Force en attente de la CEDEAO (FAC), force dont la montée en puissance a été demandée par la réunion des chefs d’Etat de la CEDEAO. Nous avons proposé aux chefs d’Etat de la CEDEAO, un mandat pour l’engagement de la FAC. Nous attendons le retour de cette proposition, afin d’engager la FAC au Mali », a révélé le chef d’état-major général des FRCI.

Le général Soumaïla Bakayoko s’est réjoui de la présence de 13 chefs d’état-majors issus des pays membres de la CEDEAO, à l’exception du Mali et de la Sierra-Leone, ce qui traduit «la volonté manifeste de tous les pays membres, de circonscrire la situation grave du Mali».

«Les chefs d’état-majors ont défini des quotas, il appartient aux chefs d’Etat de les examiner, pour savoir combien d’hommes chaque pays peut mettre à disposition afin de constituer la force», a confié une source à l’état-major général des FRCI. Un officier supérieur a soutenu pour sa part, que «les chefs d’état-major de la CEDEAO ne peuvent pas prendre de décisions contraires à celles des chefs d’Etat de l’organisation». Des représentants de la France et des Etats-Unis, dont le colonel Ginther des forces armées américaines, ont également pris part aux travaux, mais des indiscrétions font ressortir que les Etats-Unis n’ont reçu, pour le moment, aucune demande formelle d’appui de la part de la CEDEAO.

L’ampleur de la crise au Mali est telle que les chefs d’état-major de la CEDEAO se sont enfermés plusieurs heures dans une salle du CRRAE-UEMOA, de laquelle les informations filtraient difficilement. « On n’a pas encore fini. La crise est très sérieuse ». Soumaïla Bakayoko ne croyait pas si bien dire autour de 23 heures, car depuis hier matin, les Touaregs ont déclaré l’indépendance de l’Azawad, ce qui complique davantage une situation déjà confuse au Mali.

Mais, où va le Mali ?

La crise malienne ressemble, à quelques détails près, à la crise ivoirienne, qui a débuté le 19 septembre 2002. Un coup d’Etat manqué s’était transformé en rébellion, avec la partition de la Côte d’Ivoire en deux. Aujourd’hui, la partition du Mali est consacrée par la déclaration d’indépendance de l’Azawad, au moment même où la CEDEAO, avec l’appui de la communauté internationale, tente de trouver une solution à la crise qui a suivi le coup d’Etat du 22 mars 2012. Tout comme en Côte d’Ivoire, la CEDEAO s’est impliquée au Mali. Le président Alassane Ouattara, président en exercice de l’organisation sous-régionale a pris le dossier en main et multiplie les réunions sur la situation au Mali avec ses pairs. Le Burkina Faso a été désigné comme le Médiateur dans la crise et les tractations pour un départ de la junte au pouvoir sont en cours. Mais, les efforts de la CEDEAO pour un retour à l’ordre constitutionnel sont en train d’être contrariés, dans un pays où la confusion est généralisée.

Selon des observateurs, les derniers développements de la situation au Mali ne changeront rien relativement au retour à l’ordre Constitutionnel, à la fermeté des chefs d’Etat, pour qui l’intégrité du territoire n’est pas négociable, l’objectif final étant la stabilité au Mali, pour le bonheur des 15 millions de Maliens.

Olivier Dion