Leçons tirées de la rupture de la cohésion sociale à Bouna : Un instant de Compassion, Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) , Par Dapa Donacien
Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Leçons tirées de la rupture de la cohésion sociale à Bouna : Un instant de Compassion, Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR)
entre Koulango, Brong, Lobi et Peul, Par Dapa Donacien.
A peine sortis des tueries islamistes de Grand Bassam dans lesquelles le zanzan a perdu deux de ses fils et filles, les projecteurs sont tournés à présent sur Bouna.
Toute notre compassion aux familles des victimes.
Nous avions perçu de loin les signes avant-coureurs, et inlassablement, nous avions régulièrement alerté l’opinion publique nationale de ce que « le zanzan est en panne de cohésion sociale » et avons ensuite invité l’Etat de Côte d’Ivoire à ouvrir les yeux. Concrètement, nous avions demandé une mission urgente ( à but préventif) du Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, du Ministre de la Cohésion Sociale, du Ministre des Mines. Comme proposition pragmatique et ciblée, nous avions sollicité, l’ouverture d’un centre d’incubation de cohésion sociale à Pétèye, afin de solidifier la cohésion entre Koulango, peul et Lobi dans le district du zanzan, à vocation préventive du ciel brumeux à l’horizon.
Peut-être que, pour être entendu et écouté du sommet de l’Etat de Côte d’Ivoire, nous aurions dû estampiller ce projet du sceau des chercheurs venus soit de l’Université d’Harvard (USA), soit de Sciences Po Paris, soit de l’ONG Human Right Watch, soit de l'International Crisis Group, soit du Boston Consulting Group.
Or, penser ainsi, c'est se tromper lourdement. Nous sommes à une époque où les événements échappent au controle des prévisions statistiques humaines. Un expert bien connu et qui n'est plus à présenter dans ce pays, pouvait dire: " Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie", avant d'avouer en toute humilité :"La parole que vous entendez ne vient pas de moi", car, " c'est poussés par le surnaturel que des hommes ont parlé de la part du métaphysicien".
Que dirons-nous alors ? Aucune prétention ne pourra nous séduire de ce que, nos analyses viennent de nous même ou de notre intelligence ou de notre sagesse. Rien de tout cela ! Nos concitoyens et les autorités de ce pays feraient mieux de nous écouter et de sonder et confronter nos analyses au fur et à mesure que les événements arrivent.
Quand quelqu'un titre le 21 février 2016 ( la surprise générale) " Alerte maximal : le zanzan en panne de cohésion sociale " en invitant l'Etat de Côte d'Ivoire " à ouvrir les yeux", sans savoir ce qui allait se passer quelques semaines après à Assuéfry et à Bouna, on peut s'amuser à ontinuer de froisser ses conseils.
A présent, le vin est tiré. Il ne reste qu’à le boire. Dommage que ce soit les communautés innocentes qui subissent le manque d’anticipation des autorités publiques.
Nous osons croire, que la présente réflexion ne sera pas jetée à la poubelle par les destinataires. Quand l’Etat montre peu d’empressement à étouffer dans l’œuf la gestation des germes de conflits futurs et prévisibles, il appartient aux communautés elles-mêmes, de manière solidaire sans malice ni orgueil, de faire leur autocritique pour écarter tout projet susceptible de les déchirer davantage à terme.
Cela exige que Koulango, Lobi, Brong et Peul admettent humblement le Dialogue dans la Vérité pour adopter des compromis favorisant la Réconciliation durable dans la région, sans que nous n'attendions notre cohésion interne de l’Etat. Remontons à la vérité historique sans passion, ni orgeuil, pour recondre le tissu social déchiré.
La vérité historique : Le peuple Koulango a accueilli sur ses terres, les brong, les lobi et les peuls.
Historiquement, il est un fait attesté et notoirement connu que le peuple Koulango a accuelli sur ses terres les Brong, les Lobi et les Peul.
Il est aussi un fait attesté qu’avant l’arrivée des peuplements précités, le peuple Koulango a subi la cruauté et la barbarie du conquérant Samory Touré, dans ses missions d’islamisation forcée (de gré ou de force), suivant le même mode opératoire que les djihadistes adeptes de l’islamisme radical tel que proné par l'Etat Islamique (DAESH) à notre époque.
La plus part de ceux que la presse présente abusivement de malinké, sont pour la plus part, des Koulango convertis à l'islam forcé du temps de Samory. Aussi, sauf erreur de notre part, les dozo dont il est question, pourraient être ni malinké, ni Koulango. Est-ce à dire que se serait des lobi ? Nous ne saurions l'affirmer non plus, avant qu'une enquête ne nous précise leur identité.
Vivement que l'enquête soit impartialement menée par des agents étatiques qui ne seraient ni lobi, ni koulango, ni malinké, ni peul.
Il est aussi un fait historique attesté que le peuple Koulango est hospitalier, au point où elle n'a dressé aucun obstacle à l'installation des lobi et Peul sur ses terres, de Bouna jusqu'à Flakiédougou (village bati sur les terres de Pétèye).
Dès lors, la publication de Jeune-Afrique datée 25 mars 2016 apparait tendancieuse et caricaturale, tirant des conclusions hatives avant la moindre enquête étatique, lorsqu’il publie :
« Tout a basculé dans l’horreur après que des peuls se sont refugiés chez l’un des leurs dans le quartier Ouattarasso après l’incendie de leurs campements situés dans les localités de Panzarani et de Soniandegué.
Une rixe a alors éclaté avec les autochtones de l’ethnie lobi, agriculteurs dans leurs grande majorité, qui reprochent aux éleveurs peul des négligences dans la gestion de leurs troupeaux. Les boeufs – mal gardés selon les uns – dévorent ou saccagent les plantation.".
Dans la presse ivoirienne, et partant de cette caricature, "les lobis exigeraint le départ des peuls, qui ont pour tuteurs les koulango".
"Les koulango s’opperaient au départ des peuls".
Avant toute analyse, rappelons qu’un faux diagnostic aura l’inconvénient et le risque de faire perdurer le conflit. Ce qui serait préjuciable à l'ensemble des protagonistes.
C’est pourquoi, nous-nous élevons contre ce traitement partial et partiel du problème.
C’est exact de dire que les peul ont pour tuteurs les koulango. Mais, ce que Jeune Afrique omet de dire, c’est que les lobi ont aussi pour tuteurs historiques, les koulango. Que l’on soit à Bouna ou à Bondoukou.
Aujourd’hui, demander aux peul de quitter le territoire ivoirien, c’est ouvrir une boite de pandore aux conséquences incalculables.
Ce n’est ni par faiblesse, ni par couardise que les Koulango refusent de s’aventurer sur une telle voie.
A supposer un seul instant que les Koulango qui ont accueilli tout le monde, accèdent à la requête des lobi visant à chasser les peul, les peul pourraient exiger le départ des lobi. Surtout que dans certains villages par exemple, à Pétèye (Département de Bondoukou), les Koulango ont accueilli et installé les peuls à Flakièdougou avant l’arrivée des lobi dans ce même village bien après, comme mentionné ci-dessus. Cette éventualité n'est à l'avantage de personne.
L’autre obstacle à la requête des lobi est lié au nouveau code de la nationalité. Qui peut affirmer avec certitude que les peul n’ont profité de l’aubaine que leur offre "la naturalisation par déclaration", pour se muer en ivoiriens ? Voudrait-on que les Koulango fabriquent des apatrides ?
Voilà la boite de pandore que les Koulango refusent d’ouvrir. Bien entendu, ce refus ne signifie pas renonciation aux droits coutumiers des koulango sur la terre. Pas d'ambiguité à ce niveau.
Quid de la coexistence Koulango-Brong ?
Ayant le sang Brong et le sang Koulango qui coule en nous, nous sommes à l’aise pour aborder la question, d’autant plus qu’il n’ya pas de problème de cohabitation entre ces deux peuples frères qui s’estiment et se respectent réciproquement.
Cependant, fidèle lecteur de l’Observateur du Nord-Est, l’unique hebdomadaire d’informations régionales et publiée sur toute l’étendue du territoire national, nous avons relevé et noté ce qui suit avec un frisson :
« En Côte d’Ivoire, le Brong fait partie des langues qui sont sérieusement menacées de disparition. Aujourd’hui, le champ de sauvegarde de cette langue se trouve limité au seul département de Transua ; tout en précisant que nous assistons à une percée massive de la langue Koulango dans les sous-préfectures de Assuefry et Kouassia-nianguinin. Il est donc urgent de tout mettre en œuvre pour que ce siècle ne soit pas celui qui sonnera le glas de notre langue ».
Extrait de l’exposé des motifs du plan commun des idéologues du projet: « Brong Amamrê School » publié dans L’Observateur du Nord-Est du 14 mars 2016 (page 7).
En même temps que le cri de détresse mérite notre soutien, afin qu’auune langue du riche patrimoine culturel du zanzan ne disparaisse, il faut souhaiter que la noble intention de ses promoteurs (sociologues et drumologues) ne soit dévoyée à terme pour servir finalement la cause de quelques radicaux qui pourraient y puiser les ingrédients d’une déflagration pour opposer Brong et Koulango.
Les promoteurs rendraient un grand service à la région s’ils commençaient à dédramatiser le noble projet, en supprimant dans les termes de références, la mention « percée massive de la langue koulango ».
C’est vrai que cet extrait intitulé "contexte et justification (du projet)" ci-dessous est riche en informations condensées.
Il informe l’opinion nationale et internationale en général et les Brong en particulier, que notre langue est menacée de disparition à cause de l’omniprésence et l’extension fulgurante de la langue Koulango dans l’espace géographique du zanzan.
Franchement, c’est un constat dans le zanzan qu’on n’a pas besoin de consigner dans un document de formation, en montrant en épingle une langue comme une cible, un danger dont il faut stopper l’avancée par une politique de containment.
Les ravages de projets similaires (l’exacerbation de l’opposition Utu/Tutsi au Rwanda, la Charte du Nord et l’Ivoirité en Côte d’Ivoire) nous invitent à la prudence et à faire beaucoup attention.
C’est une vérité que tout projet fondé uniquement sur l’instinct de conservation d’une race, poussé à l’extrême, aboutit tôt ou tard, inexorablement à la négation de « l’autre moi » voir la tentation de sa suppression.
Si en plus de ce risque déjà inhérent à l'instinct de conservation en général, des intellectuels, dans un projet de sensibilisation ou de formation, ciblent d'emblée une langue voisine, comme le bouc émissaire tout trouvé, le risque est grand de developper un sentiment d'antipathie chez les receveurs de la formation vis-à-vis des personnes parlant la langue indexée.
Or, nous savons que telle n'est pas et ne sera pas l'intention des promoteurs. A la limite, le phénomène dominant, outre, l'omniprésence de la langue Koulango, c'est plutôt la place non négligeable de la langue ashanti (connue sous le nom de Tchwi au Ghana), en tant que langue commerciale, indistinctement dans les villages brong ou koulango.
Ce phénomène est tel que, un ghanéen, qui sillone la région du zanzan, n'a pratiquement pas de problème de communication avec ses interlocuteurs. En notre sens, c'est une source d'enrichissement mutuel, dans la mesure où l'ivoirien du zanzan, une fois de l'autre coté de la frontière, c'est à dire, en territoire ghanéen, n'a non plus de problème de communication avec sa maitrise de l'ashanti.
Partant delà, dès lors que le Koulango, s'impose dans l'espace géographique du Gontougo (mot koulango) comme la langue majoritaire de communication,embrassons-la, plutôt que de la combattre.
A partir du moment où les premiers brongs à leur arrivée, avaient adopté la langue koulango,tout en camouflant la langue brong aux yeux des koulango trouvés sur place, c'est notre départ qui est en cause, et non une quelquonque volonté impérialiste de la langue koulango.
A l'opposé, voilà un fait constant que le peuple koulango n'ont jamais considéré comme un scandal, quoique manifestement injuste dans une démocratie. Vous prenez la composition des différents gouvernements que les différents Chefs de l'Etat ont formés de 1960 à ce jour. Vous n'y trouverez pas le nom d'un seul Koulango. Ce sont des faits vérifiables, mais qui n'iritent point les koulango.
Mais au contraire, le peuple Koulango a toujours accueilli avec faste tout membre du Gouvernement, qu'il soit de la région ou pas, sachant que son soleil brillera un jour, suivant un plan divin de renouvellement continu du leadership (au sens noble du terme) dans la gestion des affaires de la puissance publique.
Vous pouvez vous renseigner auprès du Ministre Adou Kouadio (natif de Hérébo). Il est temoin de l'accueil grandiose que les koulango avaient réservé au président Bédié en 1998 à Pétèye, en partance pour Bouna.
C'est une juste application des recommandations de l'Expert selon lequel: "Faites d'abord aux autres ce que vous voulez que l'on fasse pour vous".
Au total, entre Koulango et Brong, il n'ya pas de quoi à se faire peur. Seules la complémentarité, la solidarité et le respect mutuel doivent prévaloir.
Que la langue koulango soit la mieux repandue, c'est au bénéfice de tous. Que la gestuelle Brong soit la plus répandue, c'est au bénéfice de tous.
Enfin, entre Koulango et Lobi, la compréhension mutuelle doit prévaloir.
Entre Peul et Lobi, chacun devrait se rassurer de ce qu'il ne viendra à l'esprit des koulango d'exiger leur départ, quoique les Koulango demeurent les détenteurs des droits coutumiers sur la terre. Bien entendu, les peuls devront canalyser leur bêtes, en évitant la destruction de la chose d'autrui.
Vivement que ce modus vivendi soit librement accepté et entretenu de bonne foi, afin que la flamme de l'espérance promise à l'humanité, luise de Bondoukou à Bouna, de Bondoukou à Koun- Fao, de Bondoukou à Tanda, de Bondoukou à Transua, de Bondoukou à Sandégué, et enfin, de Bondoukou à Nassian.
"Let's freedom and peace be everywhere into the zanzan district".
Une contribution de Dapa Donacien Kouakou,
Juriste,Consultant en Marchés Publics,
Cadre du zanzan,
dapadonacien@yahoo.fr