Jean-Marc Simon, ambassadeur de France à Abidjan récusé par Gbagbo: "Il est possible que les Ivoiriens règlent par eux-mêmes la crise"
Publié le mardi 16 mars 2011 | Le Figaro - INTERVIEW de Jean-Marc Simon, ambassadeur de France à Abidjan, assure que la France a observé une parfaite neutralité dans le processus électoral.
LE FIGARO - Laurent Gbagbo accuse la France d'ourdir un complot visant à porter Alassane Ouattara au pouvoir. Que lui répondez-vous ?
Publié le mardi 16 mars 2011 | Le Figaro - INTERVIEW de Jean-Marc Simon, ambassadeur de France à Abidjan, assure que la France a observé une parfaite neutralité dans le processus électoral.
LE FIGARO - Laurent Gbagbo accuse la France d'ourdir un complot visant à porter Alassane Ouattara au pouvoir. Que lui répondez-vous ?
Jean-Marc SIMON. - L'élection du 28 novembre devait marquer la sortie définitive de la crise ivoirienne ouverte en septembre 2002. Après de multiples tergiversations, le scrutin a pu être organisé et a enregistré une participation supérieure à 80 %. Ce score est le signe d'une grande maturité politique du peuple ivoirien. Les résultats sont incontestables, comme l'ont vérifié plus de 3 000 observateurs internationaux. Force est de constater que l'élection s'est déroulée sans violences et sans irrégularités manifestes.
Pourtant, les partisans du président sortant vous accusent d'avoir personnellement «organisé» la publication des résultats contestés à l'hôtel du Golf, où s'était réfugié Alassane Ouattara.
Je réfute cette accusation. À l'issue du second tour, les résultats devaient être annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI). Or, des pressions ont été exercées sur cette institution par des représentants de la majorité sortante. Les forces de l'ordre ont fait irruption à la CEI pour empêcher la proclamation des résultats. Certains ont tenté de la mettre hors jeu en prétendant qu'elle devait se prononcer dans les trois jours suivant le second tour, ce qui résulte d'une interprétation erronée de la loi. Dans ce climat, et pour des raisons de sécurité, le président de la CEI a proclamé la victoire d'Alassane Ouattara, par plus de 450 000 voix, dans les locaux de l'hôtel du Golf. Quant à la France, tout comme la communauté française de Côte d'Ivoire, elle a observé une parfaite neutralité dans ce processus.
Comment décririez-vous aujourd'hui la situation du pays ?
Elle s'est beaucoup dégradée au cours des derniers mois. Le président Ouattara a d'abord fait preuve d'une immense patience en ne lançant pas ses partisans dans la rue. Depuis le 11 janvier, cependant, la chasse aux sorcières lancée contre les quartiers favorables à M. Ouattara a entraîné une résistance des populations qui n'a cessé depuis de se développer à Abobo, Anyama, Attécoubé… Plus récemment, des attaques ont été lancées dans l'Ouest par les soldats et les mercenaires libériens de Laurent Gbagbo. Elles ont été repoussées avec succès par les Forces républicaines. L'assassinat délibéré, à l'arme lourde, de sept femmes lors d'une marche pacifique jeudi 3 mars marque une étape supplémentaire dans l'escalade de la violence.
Laurent Gbagbo peut-il compter sur le soutien indéfectible de son armée ?
Il existe au sein des forces armées une grande réprobation à l'égard des exactions pratiquées contre les partisans d'Alassane Ouattara. On observe de nombreux cas de défection ainsi qu'un absentéisme fort au sein des unités.
L'ONU dit redouter une reprise de la guerre civile. Partagez-vous cette crainte ?
Je ne vois pas de prémices d'une guerre civile. Les sources de tensions ne sont ni ethniques ni religieuses, mais politiques. Certains tentent de rallumer les rivalités intercommunautaires mais le contexte n'est pas comparable à celui du Rwanda. Le jour où le contentieux électoral sera réglé, la réconciliation suivra naturellement.
L'Union africaine a confirmé l'élection d'Alassane Ouattara. Que va-t-il se passer maintenant ?
Laurent Gbagbo n'a d'autre choix que de se plier au verdict des urnes. S'il s'y refusait, il appartiendrait aux Ivoiriens de règler par eux-mêmes la crise dans laquelle ils sont plongés. Le jour venu, les personnalités membres de la majorité présidentielle sortante auront d'ailleurs un rôle à jouer dans le processus de réconciliation, notamment au sein du gouvernement d'union nationale.
Par Cyrille Louis