Francophonie: Diatribe parlementaire contre la « complicité » des élites françaises pour le « tout anglais »

Par Union de la Presse francophone - Diatribe parlementaire contre la « complicité » des élites françaises pour le « tout anglais ».

Dépêche Paris, le 13 février 2014

« La complicité active » des élites françaises «élargissent le boulevard laissé à l’anglais » et leur attitude est passée « de la désinvolture à l’offensive en faveur du globish », dénonce un rapport parlementaire, intitulé « pour une ambition francophone », publié mardi à Paris.

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Ce rapport d’information piloté par les députés François Rochebloine et Pouria Amirshahi a été présenté par le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone en présence notamment de la ministre de la Francophonie Yamina Benguigui et de la présidente de la Commission des affaires étrangères Elisabeth Guigou…

La commission parlementaire consacre en particulier une dizaine de pages à citer les « nombreux » cas, notamment devant les institutions internationales, où les élites françaises manifestent « leur indifférence envers leur propre langue », ministres en exercice, hauts fonctionnaires, dirigeants de grandes entreprises, universitaires.. Reproches déjà maintes fois exprimés par le secrétaire général de l’OIF, en fin de mandat, Abdou Diouf.
Elle fustige aussi la tendance de certaines grandes écoles à proposer des « masters tout en anglais », sous le prétexte « erroné » que « le monolinguisme anglophone est la solution d’avenir du monde globalisé ». De même, les députés estiment, exemples à l’appui (SNCF, TF1, Renault, la Poste, Monoprix..), que dans le monde du travail, la publicité, la communication, la télévision, les appels d’offres, « la déferlante anglophone est aussi ridicule que dangereuse » comme s’il était « plus moderne et compétitif de s’exprimer en globish » alors que les exemples de l’Espagne, du Québec, fréquemment cité comme modèle, la Chine, ou l’Inde…. prouvent le contraire.

Un « géant aux pieds d’argile »
Commandé dès le début de la législature, le rapport remet également en question les évaluations récentes qui chiffrent entre 500 et 700 millions le nombre de francophones à l’horizon 2050, dont 85% en Afrique.
« En réalité, indique le rapport, la langue française est un géant aux pieds d’argile, la place du français apparaît très fragile en Afrique, sa maîtrise étant dégradée et son statut parfois contesté ». « Aujourd’hui, si l’on ne prend en compte que les locuteurs capables de faire face en français à toutes les situations de la vie quotidienne, il n’y a pas 220 mais 130 millions de francophones » précisent les auteurs en observant que les projections optimistes sont potentiellement destructrices de francophonie. Le rapport en attribue notamment la cause à la détérioration des systèmes d’enseignement public, des départs massifs en retraite dans les pays les plus pauvres ou touchés par les crises. Il estime que « la transmission du français par le secteur privé est un piège redoutable qui fait du français une langue d’accès à la bonne société, une langue de classe » et provoque « par ricochet un fort ressentiment » anti-français au sein des populations.
La dégradation des systèmes éducatifs publics au profit de systèmes « parallèles » notamment « des écoles coraniques qui progressent de façon marquée dans des pays absolument pas arabophones » peut avoir des « conséquences géopolitiques redoutables, dans un arc régional Afrique-Golfe » qui justifient, selon le rapporteur Amirshahi, « d’ériger l’enjeu francophone en préoccupation stratégique de premier plan ».

Propositions pour un français « populaire »
« Le français sera populaire, ou ne sera pas » a souligné le président Bartolone, reprenant le rapport qui propose une cinquantaine de propositions à l’intention du gouvernement, de l’organisation internationale de la Francophonie (OIF) et des pays potentiellement partenaires d’un futur « noyau dur » porteur de projets communs en culture, politique et économie « d’Abidjan à Montreal, de Nouméa à Alger, de Bruxelles à Rabat, de Paris à Dakar, de Niamey à Genève ».
Mise en place de stratégies multilatérales, restauration du français dans les instances internationales et leurs publications, investissements en contenus dans les supports internet, mobilité des étudiants, des chercheurs, des artistes, par la création d’un « visa francophone », renforcement des programmes de formation, notamment en d’autres langues (espagnol, portugais, arabe, chinois..) … telles sont quelques unes des pistes envisagées et qui seront, selon la ministre Yamina Benguigui, « à la base de la nouvelle stratégie » qui sera définie au sommet de la francophonie de Dakar (fin novembre).

Guy Berniere

UPF