Dix ans après la coalition rebelle: Le déclin du régime tribaliste de Ouattara arrive à grand pas
Par Le Temps - Le déclin du régime tribaliste de Ouattara arrive à grand pas.
L’heure n’est plus à l’euphorie de prise de pouvoir du côté d’Abobo et partout ailleurs en Côte d’Ivoire. Le sésame en main, il faut pouvoir gouverner pour le bien-être des populations, sans exclusive. Chose pas aisée pour un régime qui n’a pas hésité à afficher ses propensions tribalistes.
Deux ans après la prise du Tabouret Royal blanc du Plateau, Alassane Ouattara et les siens montrent des signes d’essoufflement. Le mentor du Rdr parviendra-t-il au cap 2015 sans laisser des plumes ? Pas si sûr. La clé de sa survie politique n’est plus sous son contrôle. Adieu la sympathie dans les coeurs d’une partie de la population ivoirienne qui s’en trouve éprouvée par des promesses électoralistes non encore tenues. Bref, plus rien – mis à part le courage, s’il en a, d’un retrait volontier prématuré, ce qui n’est pas à son ordre du jour vu qu’il veut rempiler pour 2015 – ne dépend désormais d’Alassane Ouattara. Son verrou politique est fissuré. Guillaume Soro, le dauphin constitutionnel est à l’affût. Le verrou populaire aussi. Posté à la Réconciliation des Ivoiriens, Charles Konan Banny (Cdvr) est plus que jamais dans le rôle d’un aquarium placé au bon endroit du salon pour émerveiller les visiteurs. Ça frustre !
Un Président coupé de la réalité
Comme un roi cloîtré dans son palais qui ne voit pas au-delà du balcon, Alassane Ouattara interprète les clameurs publiques comme des vivats de joie de ses administrés. Il voit tout en rose. Il annonce 9% de taux de croissance synonyme d’économie saine, là où les ménagères attendent en vain, de remplir leur panier.
Le Pouvoir est comme une drogue dure. Alors même que le silence de la rue est très bruyant et que son armée ploie sous le poids du désordre et de l’analphabétisme, son amour pour les «visites présidentielles» le pousse à aligner voyage après voyage. A ce sujet, l’anecdote abidjanaise laisse entendre qu’il programme le voyage suivant dans l’avion du retour. Mais il y a plus sérieux. Le président du Rdr a sur le dos, ce qu’il croit être le fantôme du Front populaire Ivoirien (Fpi) qu’il a cru mort pour avoir mis en prison toute sa direction et plus de 700 de ses hauts cadres. Mais qui en réalité, est une hydre de mer à plusieurs têtes. Outre le Fpi qui est comme un poisson dans l’eau quand l’épreuve va croissant.
Plus de la moitié d’inscrits au fichier électoral – que l’on a fini par désigner sous le vocable de «pro-Gbagbo» – l’attendent pour la «deuxième mi-temps» comme ils le disent. Mais aussi, tous ces Ivoiriens meurtris dans leur chair qui s’impatientent de sortir du cauchemar où l’a plongé le régime actuel. La survie politique d’Alassane Ouattara est pour ainsi dire, subordonnée à ces épines qu’il lui faudra retirer des pieds. Tout comme il est pris dans le tourbillon du choc des ambitions dans son entourage immédiat. Des ambitions qui ne manquent pas de le fragiliser. La marche des «victimes de Gbagbo», organisée le lundi 17 juin 2013 au Plateau, par Alphonse Soro, le frère du dauphin constitutionnel Guillaume Soro décrit à quel point les appétits sont grandissants.
Au palais d’Abidjan, des Conseillers du chef de l’etat n’ont pas manqué de fustiger cette action du député de la circonscription de Karakoro-Komboro (Korhogo), Alphonse Soro, le frère de l’autre, qui s’apparente à un sabotage de l’image de marque du chef Ouattara. «Alors que nous interdisons les manifestations publiques de l’opposition, c’est ce qu’il trouve de mieux à proposer ?», s’interroge t-on dans l’entourage d’Alassane Ouattara.
Rdr, l’essoufflement d’un régime tribaliste
C’est du dedans que le Rdr donne des signes d’essoufflement. Le parti dirigé par Alassane s’est joué des coudes pour ne pas paraître ridicule lors des trois dernières joutes électorales. Il lui a fallu tout bousculer de fond en comble, mettre partenaires et adversaires sous l’éteignoir pour se faire des places de députés, de maires et de Conseillers régionaux.
Les rendez-vous électoraux du 11 décembre 2012 pour les législatives et du 21 avril pour les municipales et régionales ont été sanctionnés par l’appel au boycott du Fpi. Le taux de participation aux législatives ne dépassant pas 18% quand celui des municipales et des régionales atteignant à peine 25%. Ce qui laisse croire que Ouattara, aussi bien son parti le Rdr que ses alliés du Rhdp sont minoritaires et le Fpi de Laurent Gbagbo qui a lancé un mot d’ordre de boycott respecté à 85% du taux d’abstention est le parti majoritaire en Côte d’Ivoire. Odjé Tiakoré, l’ancien Secrétaire général de la jeunesse du Rdr et président de l’Association des Anciens du Rjr fait d’ailleurs l’analyse suivante: «Les Ivoiriens et les militants ont besoin d’un parti qui, dans son idéologie et son action sur le terrain, traduit le changement, l’humilité dans le comportement et la solidarité.
Les Ivoiriens et les militants rêvent d’un parti qui reconnait le mérite de ceux qui ont lutté (…) Le «Vivre ensemble» doit être une réalité», a-t-il dénoncé le mardi 18 à l’issue d’un séminaire organisé à l’effet de «booster» le Rdr englué dans le rattrapage ethnique. Le Rdr n’est pas rassembleur, son slogan «Vivre ensemble» est hypocrite et ne cadre pas avec la légendaire hospitalité des peuples ivoiriens.
Odjé Tiakoré, sur ce coup, est en symbiose avec le président intérimaire du Fpi. Le 14 avril 2013, en effet, le Pr Miaka Oureto, dans un appel au Pdci-Rda d’Henri Konan Bédié ne disait pas autre chose : «(…) Frères et soeurs du Pdci, le moment du grand sursaut national est venu. Resserrons nos rangs pour faire barrage aux prédateurs. Rassemblons-nous, pour défendre la Nation en péril. Nous n’avons que cette Patrie, alors défendons-là ensemble, au risque de disparaître tous ensemble, quand l’on nous demande de vivre ensemble chez nous, sans nous». Son appel patriotique semble avoir trouvé écho au sein du vieux parti.
Kouadio Konan Bertin (Kkb) le président de la jeunesse du Pdci est déjà en guerre contre le non respect de la limite d’âge. Il s’agit surtout pour Kkb, d’amener le Pdci, avec ou sans Bédié, à avoir un candidat à l’élection présidentielle de 2015. Ce qui n’a pas l’air de plaire au président Bédié qui de plus en plus, donne de la voix pour se faire entendre.
Le Phénix de Daoukro réussira-t-il à renaître de ses cendres comme la légende le lui attribue ? Pas si sûr. Car le Fpi, multiplie ses coups de cisaille dans le mur du Rhdp. Depuis Paris, où il est en «mission politique», Miaka Oureto a encore lâché une bombe qui risque sérieusement d’ébranler la maison Rhdp. «Le Rdr qui se sent menacé, m’a approché pour me raconter des histoires (au sujet du Pdci, ndlr) sur des bases tribales», a révélé Miaka. Ce qui laisse apparaître que son parti est approché aussi bien par le Pdci que par le Rdr. Mais le parti de Laurent Gbagbo qui a déjà invité le Pdci à le rejoindre dans le front patriotique semble avoir pour le moment ignoré la piste Rdr. Sans forcément relever les méthodes violentes, barbares du Rdr, qui font du Fpi un parti sinistré, Miaka Oureto a précisé : «Il est mieux de confier sa bergerie au chien que de la confier au loup». Une métaphore qui écarte d’entrée de jeu le parti d’Alassane Ouattara et qui le place d’ores et déjà dans la position de «seul contre les Ivoiriens», de l’adversaire à abattre à tous les prix.
Ouattara dans l’engrenage juridique
Le président du Rdr a presque perdu d’avance toutes les batailles juridiques qu’il a engagées. L’option judiciaire qu’il a prise pour asseoir son règne, contre les dirigeants de l’opposition est sans perspective réelle. Sa pléiade de Conseillers juridiques et ses successifs Gardes des sceaux, ministres de la Justice l’on mené dans un cul de sac. Ce qui donne le sentiment qu’il a été poussé dans le dos comme par des forces occultes.
Le Président Laurent Gbagbo a été transféré à la Cour pénale internationale (Cpi) au mépris des normes internationales. 708 prisonniers politiques dont l’ex-Première dame de Côte d’Ivoire Simone ehivet-Gbagbo et 414 pro-Gbagbo sont détenus dans les prisons civiles et militaires. Ils y étaient au départ sans chef d’accusation avant de se retrouver pratiquement avec les mêmes charges «génériques» : atteinte à la sûreté de l’etat, viol, vol en bande armée, appel à l’insurrection, détournement de deniers publics, etc.
Il y a l’affaire «le procureur contre Gbagbo» dont l’ancien Président français nicolas Sarkozy est l’inspirateur, Alassane Ouattara le transmetteur et les exécutants sont les procureurs successifs de la Cpi, d’abord l’Argentin Luis Moreno-Ocampo ensuite la Gambienne Fatou Bensouda. Cette dernière a désormais le sommeil troublé. En plus d’être sommée par les 2/3 des juges de la Chambre préliminaire I d’apporter des «preuves supplémentaires». Fatou Bensouda continue de subir l’ire des chefs d’etat et de gouvernement de l’Union africaine (Ua). Une organisation panafricaine dont son président, Yahaya jhammey fut organisateur du 7e Sommet en 2006. Tous les dirigeants africains au grand dam de l’Ivoirien Alassane Ouattara ont, lors de la dernière Assemblée ordinaire de l’Ua tenue à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, le samedi 25 mai 2013, dénoncé «le racisme de la Cpi» qui s’acharne contre les Africains.
A l’occasion de la deuxième édition du new York Forum Africa 2013 qui s’est tenue le samedi 15 juin 2013 à Libreville, au Gabon, la ministre des Affaires étrangères du Rwanda a remis le couvert. Intervenant à la conférence dont le thème est «La Cpi, une colonisation judiciaire en Afrique ?» Mme Louise Mushikiwabo recadrait le procureur de la Cpi Mme Fatou Bensouda qui était également invitée. «Il n’est pas honnête de dire qua la Cpi s’acharne contre l’Afrique. Je ne suis pas d’accord avec ma soeur Fatou Bnsouda. Ne dites pas que les Africains viennent vous voir (à la Cpi) pour être jugés. C’est faux, car l’Afrique ne veut pas de colonisation judiciaire». A réagi la ministre rwandaise à une défense de Bensouda qui disait que «La Cour pénale internationale a été créée par la communauté internationale qui n’est pas sous la houlette des grandes puissances (…) Nous pensons que l’Afrique a poussé à la création de la Cpi. Le premier pays à avoir ratifier la Traité de Rome est un pays africain et il s’agit du Sénégal.» Quand bien même qu’elle défende l’indéfendable, la procureure de la Cpi se trouve encore empêtrée dans un véritable imbroglio juridico-politique. Elle fait face à une affaire qui a tout d’un monstre dangereux capable de tout dévaster sur son passage. Y compris la dissolution de la Cpi et la suppression de ses postes juteux. Une «affaire Gbagbo» qui apparaît aujourd’hui aux yeux du monde entier comme un vide juridique dont l’issue mérite la relaxe pure et simple pour «insuffisance de preuve». Si le droit est dit à la Cpi ce serait un véritable couac pour Alassane Ouattara. Tout comme l’affaire «Katinan» du nom du Porte-parole du Président Gbagbo et ancien ministre du Budget dans le dernier gouvernement Marie-Gilbert Aké n’Gbo.
Instruite depuis Août 2012, l’affaire Koné Katinan va de report en report. Le pouvoir ivoirien avait d’abord accusé l’ancien ministre du Budget de «meurtre». Avant de se raviser pour retenir ce qui lui paraît plus vraisemblable, à savoir «conspiration de vol et vol en tant que ministre du budget de la République de Côte d’Ivoire». Mais avec ces plaies d’egypte, le régime ivoirien peine encore à apporter les preuves de ses accusations. Preuves que lui demande la Justice ghanéenne.
L’ancien Directeur du cadastre évoquait les menaces qui planent sur sa vie si les autorités de son pays d’asile l’extradaient en Côte d’Ivoire. «Ils vont me torturer et je vais finir handicapé» de retour en Côte d’Ivoire, a déclaré, mercredi 12 juin 2013, l’ancien ministre ivoirien du Budget, Justin Koné Katinan à la presse, devant le tribunal d’Accra d’où il sortait d’une autre audience foirée. Une énième audience qui va exaspérer le juge ghanéen: «Si ça continue comme ça, je vais tout arrêter et libérer le prévenu», aurait-il lâché avant de renvoyer l’audience à saint glin-glin. C’est un fiasco du camp Ouattara qui s’annonce. On continuera d’épiloguer pour longtemps encore sur l’acharnement du pouvoir d’Abidjan sur ce haut cadre de l’administration ivoirienne qui, lors de la crise postélectorale, avec une réelle sagacité était parvenu avec maestria à sauter le véto de l’Union économique monétaire ouest- africain (Uemoa). C’est d’ailleurs ce qui explique les chefs d’accusation aussi fantaisistes les unes que les autres, «conspiration de vol, et vol en tant que ministre du Budget de la République de Côte d’Ivoire».
Ou encore «vol aggravé, atteinte à l’économie nationale, détournement de deniers publics et pillages». Ouattara et les siens seraient-ils pris dans le tourbillon de leur propre jeu d’accusations farfelues ? en tout état de cause, vu «l’insuffisance de preuves» qui annonce la débâcle prévisible à la Cpi, vu aussi leur incapacité à apporter des preuves contre Koné Katinan au Ghana, les pontes du régime d’Abidjan ont de quoi s’arracher les cheveux. nous sommes ici, dans le cas de figure d’un fiasco communicant.
Les rebelles venus du Nord, lors des combats à Abidjan reclament leu part du butin
Au même moments certaines indiscrétions dans les cercles des dirigeants africains évoquent de plus en plus l’imminence de la liberté du Président Laurent Gbagbo. C’est peu de dire que les mauvaises nouvelles s’accumulent sur la tête d’Alassane Ouattara. 1038 milliards de Francs cfa ont été volés en 2003, dans trois agences de la Banque centrale des etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) de Bouaké (ancien fief de la rébellion), Korhogo et Man, des villes anciennement régentées par les rebelles du nord. Alors que tout semblait calme dans les palais présidentiels et de l’Assemblée nationale, voilà que des clameurs s’élèvent du Sénégal. et qui accablent Guillaume Soro Secrétaire général des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci) au moment des faits. Cette nouvelle n’est pas de bon augure pour le clan Ouattara.
Ce dernier aurait voulu prouver son intégrité morale qu’il aurait fallu qu’il bêche du côté de la Banque centrale des etats de l’Afrique de l’ouest, où ses partenaires de l’ex-rébellion du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (Mpci) alors dirigé par l’actuel président de l’Assemblée nationale, n’ont pas hésité à dérober, on le sait désormais, 1038 milliards de Francs cfa. Une somme pharaonique blanchie au Burkina Faso et au Sénégal qui a permis à financer la rébellion, l’achat d’armes, mais surtout l’investissement dans l’immobilier.
Vu sous l’angle de l’intégrité morale et de justice impartiale, on ne peut s’acharner contre Koné Katinan, un présumé innocent et adouber des pillards impliqués dans le braquage d’une banque centrale. Guillaume Soro était déjà dans l’oeil du cyclone depuis que les etats-Unis d’Amérique veulent le voire à la Cpi lui et ses com-zones Koné Zackaria, Chérif Ousmane, Fofié Kouakou, Touré Hervé alias Vétcho, etc. La résurgence de l’affaire de casse des agences de la Bceao pourrait précipiter son arrestation que les renseignements occidentaux veulent hors des frontières ivoiriennes. Et si Soro coule, c’est tout le système Ouattara qui va à vau-l’eau. Y compris Ouattara lui-même qui, le moment venu, devra s’expliquer sur son acharnement contre la Côte d’Ivoire.
Ce pays qu’il avait menacé de «mélanger» et de «rendre ingouvernable ». Les conséquences de cette dérive langagière sont aujourd’hui cataloguées sous forme de rapports que les organisations de défense des droits de l’Homme se feront le plaisir de dépoussiérer.
Simplice Allard