De retour au pays après 5 ans , Chantal Taïba explique: « Pourquoi je suis restée en France »

Par Le Temps - De retour au pays après 5 ans , Chantal Taïba explique « Pourquoi je suis restée en France ».

L'artiste ivorienne Chantal Taïba. Image d'archives.

Grand nom de la musique ivoirienne, Chantal Taïba fait partie de ces visages qui continuent de marquer la sphère musicale ivoirienne. Absente du pays pendant 5 ans, la reine du Matiko est de retour avec un nouveau bébé «Seredo», qu’elle compte faire adopter aux mélomanes ivoiriens. Entre rendez-vous d’affaires et programmation de spectacles, la lycéenne de la musique ivoirienne a bien voulu se prêter à nos questions.

Tu as passé un bon bout de temps en France. Comment peut-on évaluer ce séjour ?
Je suis parti en 2013. Normalement il était prévu que je fasse 21 jours. Mais finalement j’y suis restée. Et aujourd’hui cela fait exactement cinq ans que je vis en France. Les choses se passent très bien, je fais des formations, des stages. Vous savez la France c’est un pays à multiples opportunités. Et je me dis qu’il serait dommage que je ne profite pas de ses opportunités. Alors j’ai décidé de reste en France et de m’enrichir sur le plan du savoir, d’apprendre d’autres choses. Je m’en donne à cœur joie aux différentes formations.

Un mot sur ces formations ?
J’ai fait des formations dans le domaine de l’art. Et aussi dans d’autres domaines. Histoire de préparer mes vieux jours. J’ai créé une association dans le domaine de l’art pour faire le pont entre le nord et le sud dans l’optique de faire travailler les artistes africains en Europe. Je suis sur plusieurs fronts.

C’est dire que tu es désormais une experte ?
Non pas du tout. Je suis encore en apprentissage. Lorsque je finirai d’apprendre seulement à ce moment on pourra me donner cette qualification. Quoiqu’on ne finisse jamais d’apprendre. Pour l’heure je m’attèle à la validation de mes diplômes.

A t’entendre parler, tu comptes tirer un trait sur la musique…
Ah non. La musique c’est ma passion. Mon métier. C’est pour cela que je suis Chantal Taïba. Pour l’heure il n’en est pas question. J’avais commencé un album ici en 2010 avec David Tayorault et Serge Beynaud. Et quand je suis parti en France j’ai rejoint Manu Lima et Freddy Assogba. Après David est venu nous rejoindre. C’est comme cela que nous avons finalisé l’album « Sérédo ». Qui est sur le marché.

Il est disponible sur le marché ivoirien ?

Oui l’album est sorti ici en Côte d’Ivoire. Il est disponible depuis le mois de février 2018. Il est distribué par «Dreamakers».

Et en France?

Oui. Il est disponible dans toutes les Fnac.

Comment se comporte-t-il ?
Par la grâce de Dieu tous se passe bien. Il faut dire que c’est à partir de la soirée dédicace que nous avons organisé le 18 novembre 2017 pour sortir l’album officiellement que les choses ont commencé à bouger véritablement. Il est maintenant distribué à la Fnac grâce un partenariat avec une maison de disque. Et les retours que nous avons sont encourageants. Vous savez on sort les compact-discs (Cd) mais ce n’est pas évident que cela soit à la Fnac. Mais là nous avons pu être distribué à la Fnac et les choses bougent de ce côté.

Un résumé de l’album…
L’album est baptisé « Sérédo ». « Sérédo » qui signifie neuf en kroumen. C’est mon neuvième album. Et il comporte également neuf titres. Parce que neuf c’est le chiffre de l’accomplissement. Pour qu’une année scolaire soit validée il faut aller à l’école pendant neuf mois. Pour qu’un enfant naisse de façon normale, il faut en général qu’il passe neuf mois dans le ventre de sa mère. Neuf c’est un chiffre important.

Quels sont les thèmes abordés ?
Dans cet album, j’aborde la vie avec grand V. spécifiquement les joies et les peines. Vous savez j’aime chanter pour soigner l’âme, apaiser l’âme. Je chante pour parler à l’âme. Je ne veux pas que les gens dansent seulement sur ma musique, mais qu’au travers de mes textes ils tirent des enseignements. Je ne suis pas une artiste engagée, mais je suis une artiste concernée. Concernée par les souffrances des gens. Quand j’écris mes chansons, je cherche les mots pour soulager les maux. Afin que les gens qui m’écoutent soient fortifiés, soient soulagés, soient consolés.

Qu’elle différence il y a-t-il entre cet album et tes autres albums ?
Sur cet album, il y a quatre arrangeurs. Ce qui est rare. Travailler avec quatre arrangeurs pour seulement neuf titres ce n’est pas évident. Mais il fallait le faire. Parce que pour le neuvième il fallait vraiment qu’il soit du top niveau. Il fallait qu’il soit abouti. Il fallait que dans la diversité on retrouve quand même mon identité. C’est ce qu’il y a de spécial. La diversité des styles aussi. Car en dehors du Matiko qui est ma marque de fabrique, on retrouve sur cet album, on a le Matiko pur et dur fait avec David Tayorault. Le Matiko-Décalé avec Serge Beynaud, j’ai ouvert ma musique aux influences nouvelles. Il y a du zouglou originel. C’est-à-dire Tam-tam-voix, comme on l’écoutait dans les années 90. Je me suis essayée aussi à la rumba congolaise.

On peut dire que c’est un album de rupture ?
Non «Sérédo» n’est pas un album de rupture. C’est plutôt un album ouvert mais tout en gardant l’essence Taïba. En gardant l’identité musicale de Chantal Taïba. C’est-à-dire le Matiko. C’est vrai qu’il a été ouvert à d’autres influences mais je suis restée la Chantal Taïba qu’on connait tout en aérant ma musique.

Tes rapports avec le coupé-décalé ?
J’ai de bons rapports avec ce genre musical. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait appel à Serge Beynaud avec qui j’ai travaillé sur le Matiko-décalé. Etant un des portes flambeaux de ce style musical, je lui ai fait appel pour apporter sa touche de jeunesse de fraicheur, d’ouverture à la nouvelle génération.

Es-tu satisfaite du comportement de l’album sur le marché ivoirien ?
Il faut dire que l’album est sorti il y a seulement deux mois. Je sens maintenant l’engouement autour de cet album parce que je suis là. Sur le terrain. Le public savait vaguement que j’avais sorti un album, mais maintenant que je suis là pour la promotion il est encore plus intéressé. L’accueil est favorable quatorze ans après. Ce n’était pas évident d’être encore apprécié des mélomanes. Ma dernière œuvre discographique sur le marché datant de 2004. Les signaux sont bons.

Pourquoi avoir attendu quatorze ans pour sortir un album ?

J’ai attendu tout ce temps, justement parce que les producteurs n’existent pas. Il n’y en a plus sur le marché. Le mécénat, on n’en parle pas. Il est pratiquement mort. Alors que quand il n’y pas de mécénat, les choses ne peuvent pas avancer dans le bon sens. Vous savez partout dans le monde les artistes sont soutenus par des mécènes qui injectent de gros sous dans l’art. Sous nos cieux cela n’existe pratiquement plus ici. L’artiste est obligé d’être producteur en même temps. Ce qui n’est pas son rôle. Son rôle c’est décrire les chansons, de composer des chansons, de travailler avec des arrangeurs et des musiciens. Et le producteur se charge de tous ce qui est de l’ordre des finances. Et quand il n’y a pas de producteurs, il n’y a pas de mécénat, l’artiste est obligé de chercher lui-même des fonds pour sortir son album.

Avec le développement de la piraterie, pensez-vous qu’il y ait encore un marché en Côte d’Ivoire?
Il est certes vrai que la piraterie cause du tort aux artistes. Mais on peut dire qu’il y a un marché. Il y a le téléchargement qui est en train de s’imposer. Le Cd a tendance à disparaître. C’est dire que les pirates eux-mêmes auront des difficultés parce qu’ils n’auront à terme plus de supports à pirater. On s’adapte maintenant aux nouvelles technologies via les plateformes de téléchargement.

Pour en revenir à l’album, que prévoyez-vous pour sa promotion ?
On prévoit d’abord une série de dédicaces. Et si les choses marchent telles que nous l’espérons nous prévoyons d’ici la fin de l’année un grand concert Chantal Taïba. Pour les retrouvailles avec les fans.

Un dernier mot…
C’est dire tout simplement merci au grand public. Merci pour l’engouement autour de «Sérédo». C’est un album très varié dans lequel chacun trouve son compte. Et pour son argent. Merci à la presse pour tous le soutien qu’il m’accorde.

Interview réalisée par N.s.K