Désavoué à la Cpi : Ocampo vers la sortie / Les derniers jours du procureur argentin à La Haye

Le 19 avril 2012 par Le Temps - Le procureur Ocampo quitte bientôt la Cpi, sur une note de discrédit pour son parti pris dévoilé dans la crise ivoirienne. La tête basse, il va céder sa place à Bensouda, probablement avant le second round du procès

Luis Moreno Ocampo, procureur de la CPI.

Le 19 avril 2012 par Le Temps - Le procureur Ocampo quitte bientôt la Cpi, sur une note de discrédit pour son parti pris dévoilé dans la crise ivoirienne. La tête basse, il va céder sa place à Bensouda, probablement avant le second round du procès

de Laurent Gbagbo le 18 juin. Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cpi, ne devrait pas être du second round du procès de Laurent Gbagbo à la Cpi, le 18 juin 2012. Selon nos sources, l’argentin, qui s’est irrémédiablement compromis dans la crise ivoirienne, en affichant un parti pris scandaleux pour le camp Ouattara, pourrait être prié de partir un peu plus tôt que prévu avant la seconde audience de l’illustre prisonnier contre qui il a comploté au profit de Sarkozy et de Ouattara. Alors que son départ à la retraite devait se faire début juillet, nous dit–on, il va vraisemblablement passer le flambeau à son successeur dès la fin du mois de mai ou dans la première semaine du mois de juin. Pour éviter qu’il ne se trouve encore mêlé à la suite des débats. En fait, des indiscrétions autour de La Haye indiquent que la Cpi, qui ne veut plus d’Ocampo, est pressée de se débarrasser de lui. Car sa dernière bévue a été dénoncée par les juges comme un acte qui discrédite l’institution. au point où ses collègues magistrats à La Haye ont dit ne pas s’y reconnaître. Il s’agit de la lettre de félicitation qu’il a adressée à Guillaume Soro pour le féliciter de sa «nomination à la tête de l’Assemblée nationale». Même si, à en croire un confrère en ligne, le cabinet du procureur a démenti les faits, et remis en cause l’authenticité du document (alors que le concerné luimême n’a pas réagi sa la publication), la Cpi prend très au sérieux cette affaire qui, quoi qu’il en soit, en rajoute négativement aux griefs que les juges de La Haye ont formulés contre Ocampo. Ils ne lui pardonnent pas de les avoir engagés dans une aventure douteuse en leur transmettant un dossier vide. Dans l’affaire, la première à être « agacée » par les dérapages d’Ocampo est Fatou Bensouda, la magistrate gambienne qui doit lui succéder. Dans ce document, « authentique » ou non, l’argentin recommande son successeur à Guillaume. Et souhaite que le chef de l’ex-rébellion l’entoure de ses bons soins. Mieux, Ocampo espère que Soro va poursuive sa « collaboration de qualité » avec son successeur.

Le dossier entre les mains de Bensouda
Cette lettre gêne énormément le futur procureur de la Cpi qui arrive à un moment où le dossier ivoirien a pris une ampleur telle que la crédibilité de cet appareil judicaire internationale est plus que jamais en jeu. Un dossier d’accusation vide, des enquêtes qui commencent à peine parce qu’Ocampo a refusé de les faire mener, le transfèrement illégal de Laurent Gbagbo à La Haye… Des ratées qui placent Bensouda dans une position inconfortable et qui pourraient la faire apparaître comme partie prenante au complot. Ce n’est donc pas sans raison qu’elle a tenu à effectuer le déplacement d’abidjan pour dire ses vérité à Ouattara. Mais surtout pour montrer qu’elle entend, contrairement à Ocampo à qui l’avocat de Gbagbo a administré une raclée juridique, se dégager des confusions politiciennes et des manoeuvres ouattaro sarkoziennes pour rester impartiale, jusqu’au bout. En disant le droit, rien que le droit. Bensouda est consciente de l’importance de sa mission. Ocampo a humilié et ridiculisé la Cpi. Elle a le devoir historique de la réhabiliter. Ou alors cette justice internationale finira totalement discréditée pour toujours, aux yeux des africains en particulier et des démocrates du monde entier en général. La mobilisation pour la dénonciation de la conspiration de la France et pour la libération de Laurent Gbagbo a transformé à jamais le visage de La Haye et placé la Cpi face à une responsabilité historique. Fatou Bensouda doit démontrer que ladite cour n’est pas un outil aux mains des puissances occidentales qui la manipulent et s’en servent. Pour faire taire et pour humilier les hommes d’Etat et leaders Noirs qui s’opposent à elles. La magistrate est tenue de donner, par un procès juste et équitable qui concerne «les deux camps en Côte d’Ivoire», la preuve que la Cpi n’est pas un tribunal des condamnations abusives et arbitraires. L’image de cette cour pénale est en jeu. Les africains-français, eux, ne sont pas passés par quatre chemins pour demander sa fermeture. «Nous venons de nommer la Cour Pénale Internationale. Il est curieux de constater que la plupart des puissances occidentales qui ne reconnaissent pas la compétence de cette cour pour juger leurs propres ressortissants, sont les mêmes qui exigent à cors et à cris que les Africains y soient envoyés pour y être jugés et ceci pour des crimes commis en Afrique contre les Africains. Il est temps de dénoncer cette fumisterie au nom des droits universels de l’Homme…», a dit Calixthe Beyala au nom du Congrès du Mouvement des africain- Français (Maf). Avant d’ajouter que «L’existence de la Cour Pénale Internationale est pour chaque Africain descendant une humiliation». Et de pointer du doigt «cette prison pour Nègre». Pour enfoncer le clou par la suite, de façon cinglante : «Ceci explique pourquoi, le Mouvement des Africain-français demande la fermeture de la Cour pénale Internationale, cette prison qui porte en elle les germes de l’esclavage et de la colonisation, cette prison qui ressemble étrangement en un purgatoire pour Africain récalcitrant, ce goulag pour peuple dominé…». Ocampo est donc en train de faire sa malle, pour quitter définitivement la Cpi où il aura,
durant le temps de sa présence, servi les intérêts de ses «employeurs», au mépris du droit. Mais le dossier ivoirien a eu raison de lui. Il a buté sur l’envergure exceptionnelle de Laurent Gbagbo. Son jeu a été découvert. Et il sort par la petite porte, dans ses petits souliers, en arborant un profil rétréci. Hélas, en laissant à son successeur un faux dossier dont la Cpi ne saurait être fière. Nul doute que son départ fera beaucoup de bien à une institution qui n’a plus aucun crédit aux yeux de monde, par la faute de conspirateurs qui ont ruiné sa réputation.

K. Kouassi Maurice