Décryptage: La missive de Nicolas Sarkozy au Président de la CEI, Youssouf Bakayoko, tient au fait qu'il considère toujours la Côte d'Ivoire comme une colonie!
Le 25 février 2011 par IvoireBusiness – Un Président de la République, de quelque pays que ce soit, peut-il téléphoner ou écrire
Le 25 février 2011 par IvoireBusiness – Un Président de la République, de quelque pays que ce soit, peut-il téléphoner ou écrire
au président de la commission électorale indépendante d’un autre pays ?
A priori non ! Car ce n’est pas le même niveau protocolaire, c’est un non-sens, c’est une ingérence grave dans les affaires intérieures du pays concerné, et c’est une atteinte intolérable à la souveraineté nationale de ce pays. C’est malheureusement le jeu auquel s’est livré le Président de la République française Nicolas Sarkozy, qui a eu la main très légère en appelant M. Youssouf Bakayoko, président de la CEI de Côte d’Ivoire. Dans ce cas d’espèces, étant à la veille de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a fait montre d’une volonté manifeste de contrôler la proclamation des résultats des élections en Côte d’Ivoire.
Une petite comparaison s’impose avec ce qui se fait en France pour comprendre la gravité de l’acte posé par Nicolas Sarkozy, tel que révélé par le quotidien pro-gouvernemental Fraternité matin, dans sa parution du 22 février dernier, et depuis hier en boucle sur la télévision ivoirienne RTI. En France, c’est le ministère de l’intérieur qui organise les élections et personne n’y trouve rien à redire. Mais là où le citoyen lambda aurait eu quelque chose à redire, est si l’un des candidats à l’élection présidentielle s’aventurait à faire des recommandations ou à donner des ordres au ministre de l’Intérieur.
Le tollé qu’un tel acte pourrait soulever fait qu’à ma connaissance, aucun candidat français à l’élection présidentielle, ou même à n’importe quelle élection, n’a jamais osé le faire.
Alors question : Pourquoi ce que Sarkozy n’aurait jamais imaginé faire chez lui, le fait-il aisément ailleurs, notamment en Côte d’Ivoire ?
Tout simplement parce que dans la tête ou l’inconscient des dirigeants français, tous bords confondus, la Côte d’Ivoire fait encore partie intégrante de la France. Elle n’est en réalité pas indépendante – le terme attribué aux pays africains est Sous-préfecture ou Gouvernorat, avec à leurs têtes des sous-préfets ou des gouverneurs noirs (in 50 ans de Françafrique par Patrick Benquet)– malgré des oripeaux et attributs de souveraineté, qui sont en réalité factices.
Dans ces conditions, quand à la tête de la Côte d’Ivoire on trouve quelqu’un comme Laurent Gbagbo qui ne rentre pas dans le rang, qui ne respecte aucun code, qui refuse de rapatrier une importante partie de la richesse nationale à la France, il dérange manifestement et il est urgent de l’enlever.
C’est ainsi que tous les accords politiques inter-ivoiriens, de Marcoussis, Kléber, Accra I II III IV, Pretoria I et II, n’ont eu de cesse de vouloir l’enlever suite à l’échec du coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002. Coup préparé depuis le Burkina Faso et avec la bienveillante complicité de la France. Qui a elle-même tenté son propre coup d’Etat à Abidjan du 06 au 08 novembre 2004, pour une fois de plus échouer.
L’acte posé par Nicolas Sarkozy en appelant Yousouf Bakayoko, s’inscrit donc dans ce schéma de la Françafrique dans lequel les 14 anciennes colonies françaises d’Afrique noire restent encore dans le giron et aux ordres de la France. A l’époque on parlait de Pré-carré français, dont l’existence devait servir à fournir à la France, matières premières en abondance et rayonnement diplomatique de la France. La France doit son siège au Conseil de sécurité de l’ONU grâce à sa mainmise sur les pays africains.
Au vu de tout cela, on comprend qu’il était de la plus haute importance pour Nicolas Sarkozy de s’assurer que la CEI soit aux ordres et contrôlée, pour s’assurer de la victoire de son poulain Alassane Dramane Ouattara.
La suite on la connait : Des résultats donnés par Youssouf Bakayoko, aujourd’hui réfugié en France, depuis le Golf hôtel. Une crise postélectorale qui n’en finit plus. Une reconnaissance quasi-unanime de la communauté internationale à Alassane Ouattara le candidat de l’Elysée, une crise à la Bceao, l’asphixie financière du régime Gbagbo, et un début de guerre armée entre les Forces de défense et de sécurité fidèles au Président Laurent Gbagbo et une nébuleuse de forces regroupées autour des Forces nouvelles, fidèles à Alassane Ouattara.
L’enjeu de la crise postélectorale ivoirienne est donc l’indépendance et la souveraineté entière et totale de la Côte d’Ivoire.
Christian Vabé