Débats et Opinions : Pourquoi le FPI devrait rentrer au Gouvernement, par Armand Obou
Par Correspondance particulière - POURQUOI LE FPI DEVRAIT RENTRER AU GOUVERNEMENT.
Depuis quelques semaines des voix et non des moindres se lèvent du côté du pouvoir d’Abidjan, pour proposer publiquement au FPI d’entrer au gouvernement. A l’occasion de l’audience avec le RDR, Amadou Gon, Secrétaire Général de la Présidence de la République, donc la voix du maître, avait lancé un ballon d’essai au Président AFFI et sa délégation. Une bulle d’air qui a vite pris corps quand le Président Ouattara lui même s’en est immédiatement fait l’écho depuis la région du Bélier où il était en tournée. Depuis lors, que ce soit le Secrétaire Général par intérim du RDR ou Ahoussou Jeannot, le négociateur gouvernemental. Tous ne s’en cachent plus. Tous militent désormais ouvertement pour l’entrée des partisans du président Laurent Gbagbo au gouvernement.
Il est évident qu’un gouvernement qui depuis bientôt 3 ans, parce que ragaillardi par sa brutalité policière ne concédait pas un seul lopin de terre à son opposition, ne peut valablement opérer une telle pirouette sans raison politique valable. Le tigre d’Abidjan a forcément perdu un peu de sa Tigritude à entendre ses récentes dénégations des accusations des Nations Unies dont les experts ont mis à nu ses pratiques d’un autre âge. Cependant, l’heure n’est pas à la recherche du sexe des anges car l’objectif premier de la politique est de servir son peuple. Or, notre peuple se meurt. Nos militants croupissent dans les geôles des prisons. Nos cadres sont forcés à l’exil. Nos villages sont vidés de leur jeunesse. Nos parents n’ont plus de cadres à qui se référer au cas échéant. Nos jeunes qui ont eu plus de chance sont en exil ou au chômage parce que limogés dans le cadre de nombreux licenciements abusifs et collectifs. A l’ouest, au centre-Ouest, dans le pays Akyé, dans le sud-ouest et le Sud-est… Les régions favorables à Laurent Gbagbo sont entièrement décimées si elles ne sont sous occupation. Les autochtones font l’objet d’expropriation systématique. Nos forêts sont envahies dans nos régions par des étrangers et des dozos toujours armés et nos biens mobiliers et immobiliers en ville sont toujours occupés de force au titre du butin de guerre par des éléments des forces pro-Ouattara. Notre peuple se meurt. Si nous n’y prenons garde la composition sociologique de nos terres connaîtra une incroyable métamorphose à faire de nous et de nos enfants des exilés intérieurs. Voire des apatrides.
En pareille situation, deux solutions s’offrent à nous : Faire la guerre de libération à l’occupant ou faire la Paix des braves avec l’occupant.
Or la première hypothèse ne nous sied pas du tout. Nous n’avons ni la discrétion, ni la cruauté, ni les armes pour faire la guerre. Pire une guerre se fait avec des alliés. Reconnaissons humblement que nous n’avons pas d’alliés diplomatiques et militaires pour faire la guerre à Ouattara. D’ailleurs quand bien même nous aurions eu des alliés, nous n’avons pas les hommes au courage et à la ténacité avérée au point de vouloir prétendre au sacrifice suprême pour la patrie. Il ne nous reste donc que la seconde hypothèse: Faire la paix des Braves.
Depuis que le pouvoir a rendu publique son offre de collaboration avec l’opposition significative, le FPI prend à juste titre, le temps de la réflexion et de l’analyse politique préalable. Il est évident que la réflexion qui a cours est sûrement impactée par trois points essentiels : La libération du Président Gbagbo, le regard des militants qui pourraient assimiler l’entrée au gouvernement sans libération préalable du Président Gbagbo à une trahison et la garantie de la sécurité de nos cadres appelés aux responsabilités d’état eu égard au fait que selon le dernier rapport des experts de l’ONU adopté par le conseil de sécurité en date du 25 novembre 2013, le gouvernement Ouattara a commis des mercenaires libériens pour tenter d’assassiner les partisans du Président Gbagbo en exil au Ghana (Voir de larges extraits du rapport en encadré). D’où l’hésitation légitime des dirigeants actuels du Front Populaire Ivoirien. Face à cette situation, Il s’impose que d’autres voix plus indépendantes de la direction actuelle du parti, donnent aux militants du FPI et à l’opinion publique nationale et internationale un avis d’observateurs de la scène politique nationale.
Pourquoi faire la paix des braves avec le RDR en entrant au gouvernement en 2014 demeure la meilleure option à prendre aujourd’hui?
Rappelons qu’à l’occasion de la réunion du Comité de Paix de l’Union Africaine tenue à Adis Abeba, le 10 Mars 2011, faisant suite à la mission du groupe de haut niveau sur la Côte d’Ivoire, composé des Présidents Mohamed Ould Abdel Aziz de Mauritanie, Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Jakaya Kikwete de Tanzanie et Idriss Déby Itno du Tchad, l’Union Africaine avait décidé un arrangement politique contraignant pour les deux parties ivoiriennes, concédant la Présidence de la République à Alassane Ouattara et la Primature aux partisans de Laurent Gbagbo en application d’une solution politique d’ensemble qui permette de préserver la démocratie et la paix, et favorise une réconciliation durable entre tous les Ivoiriens. Au cours de cette réunion d’Adis Abeba, Laurent Gbagbo qui n’avait pu y participer personnellement évoquant des raisons évidentes de sécurité, a été représenté par Pascal Affi N’guessan et Alcide Djédjé. Le Président de la Commission de l’Union Africaine avait désigné l’Ambassadeur Brito du Cap Vert comme envoyé spécial à Abidjan pour conduire avec les parties ivoiriennes les arrangements pratiques nécessaires à l’exécution de ce modèle inédit de transition adoptée. Le Président Gbagbo n’avait pas rejeté formellement cette décision. Le porte-parole du Gouvernement Aké N’gbo, en l’occurrence Ahoua Don Mello en avait pris acte par déclaration publique en date du 11 mars 2011. Par contre Alassane Ouattara s’est refusé d’obtempérer à cette décision de l’UA en raison d’une suspicion légitime qui selon lui, pesait sur l’envoyé spécial de l’UA pour les relations de proximité que celui-ci semblait entretenir avec le Camp Laurent Gbagbo. Ce fut d’ailleurs, la dernière décision de l’UA qui précipitera le déclenchement effectif de la guerre par Nicholas Sarkozy. En clair n’eût été cette guerre déclenchée par la France, nous aurions eu de toutes les façons une cohabitation au pouvoir en 2011 comme ce fut le cas depuis 2003. Une cohabitation gouvernementale RHDP-Partisans de Laurent Gbagbo en 2014 ne peut donc que satisfaire la communauté Internationale car elle le serait en application des recommandations initiales de l’Union Africaine.
Par ailleurs, malgré les beaux discours chiffrés et optimistes du Président Ouattara et de son Premier Ministre la situation financière de notre pays est intenable. On le voit bien. Les infrastructures de développement comme le 3ème Pont qui sont en cours de réalisation ne sont que des BOOT (Build Own Operate Transfer) dont le financement n’a absolument rien à voir avec les finances publiques qui elles, sont réellement tendues car fortement dépendantes des appuis budgétaires extérieurs qui viennent à comptes gouttes ou ne viennent pas du tout. Au point de vouloir s’endetter au Congo et d’espérer engranger quelques 4.3 milliards de la privatisation de 15 entreprises à participation publique. Le financement de l’Université, l’échangeur de la Riviera et le reprofilage des rues à Abidjan l’ont été grâce au PUUIR qui existait avant l’avènement du Président Ouattara. En réalité les 6.000 milliards de dollars d’accord de principe de financement du PND obtenus à Paris en début d’année n’ont pas été décaissés et ne le seront jamais tant que le pouvoir ivoirien ne se conforme aux conditionnalités requises en pareille situation. Notamment, un parlement incluant l’opposition significative, des médias d’état impartiaux et libres, un gouvernement de Cohabitation ou d’Union nationale. Une justice impartiale, le désarmement effectif des ex-combattants et des supplétifs dozos qui continuent de se substituer à l’état dans une partie de ses fonctions régaliennes de sécurité…etc. Pour avoir été fonctionnaire au FMI, le Président Ouattara le sait et nous le savons tous, aucun décaissement significatif ne se fera tant que le pouvoir d’Abidjan ne se sera conformé à ces conditionnalités. Dans le même temps, il est bon de savoir que le Président Gbagbo est retenu à la Haye non pas par la seule volonté du Président Ouattara. Mais surtout par la volonté d’une partie de la Communauté Internationale qui s’est sentie défiée par un Président d’un Petit Pays d’Afrique au risque de bafouer son autorité qui du reste, est la seule garantie au maintien de l’équilibre et de la Paix dans le monde. L’on voit bien que la CPI n’a pas suffisamment de preuves contre Laurent Gbagbo mais ne le libère pas pour autant. Il est évident que la Communauté Internationale connaîtrait une dangereuse humiliation au cas où la CPI venait à libérer Laurent Gbagbo pour insuffisance de preuves comme l’exige les droits de l’accusé. Et une telle humiliation ne peut qu’affaiblir la Communauté Internationale dans son rôle indispensable de gendarme du Monde.
L’objectif de notre action militante en faveur de la libération de Laurent Gbagbo n’est absolument pas d’humilier ou d’affaiblir la communauté Internationale. Car personne n’a envie de voir un Monde sans autorité morale, un Monde sans Leadership éclairé et une Communauté Internationale affaiblie au risque de voir notre Monde s’engouffrer inéluctablement dans une troisième guerre mondiale pour laquelle les tentations sont grandes à la vue des défiances répétitives de la Corée du Nord et de la République Islamique d’Iran.
Laurent Gbagbo n’avait jamais voulu défier le Monde. Encore moins la Démocratie. Bien au contraire, il avait simplement voulu respecter la Constitution de son Pays dont le Président de la plus haute juridiction en matière électorale, l’avait proclamé Président de la République. Ne pas s’y soumettre aurait été pour son peuple une haute trahison. Pas plus ! Toute chose qui demeure le fondement de la Pratique démocratique dans le Monde. Malheureusement, Laurent Gbagbo a peu bien communiqué. Les nombreux spécialistes de la Communication du Palais, les responsables des médias d’état sous Laurent Gbagbo, sa direction de campagne d’alors et surtout son gouvernement ont eu une communication approximative. La propagande mensongère de ses adversaires a eu de loin plus d’impact sur l’opinion mondiale au point de donner de Laurent Gbagbo l’image tronquée qui lui vaut aujourd’hui de se retrouver à la Haye.
Mais le temps faisant son effet et la justice ne s’en référant qu’aux faits, le monde entier s’est bien rendu compte des limites de la propagande mensongère des adversaires de Laurent Gbagbo. Surtout que ceux-ci n’ont pu fournir les preuves des faits à lui imputés. L’insuffisance de preuves pour une mise en accusation dans les faits dont il est accusé est constatée par la Court. Que faire ? La logique juridique aurait voulu que Laurent Gbagbo soit libéré. Mais que faire quand c’est l’ensemble de la communauté Internationale qui avouerait ainsi avoir été abusée par la propagande des adversaires de Laurent Gbagbo ! Georges Bush avait lui aussi abusé la communauté internationale en accusant Saddam Hussein de détenir des armes de destruction massive pour justifier sa liquidation. Lorsque le Général Collin Powell qui avait conduit cette mission inédite en Irak s’en est rendu compte, il a démissionné. Mais la Communauté Internationale n’a pas pour autant rectifier le tir. Dans le jargon diplomatique de notre ordre mondial établi, un pays puissant ne baisse jamais la culotte devant un plus petit que soit. Le mieux que la Communauté Internationale puisse faire aujourd’hui est de s’aménager une porte de sortie honorable à défaut de persévérer dans l’erreur.
Ouattara a besoin des financements de la Communauté Internationale pour réaliser ses promesses de campagne électorale. En le faisant, il espère légitimement obtenir un second mandat. La Communauté Internationale flouée dans l’affaire Laurent Gbagbo a besoin de s’aménager une porte de sortie honorable. Quant à nous, partisans de Laurent Gbagbo, nous avons besoin d’obtenir la libération de Laurent Gbagbo et de redonner vie à nos parents qui se meurent dans nos régions.
En faisant la paix des braves qui se traduirait par l’entrée des partisans du Président Gbagbo au gouvernement, nous offririons ainsi une belle opportunité à Ouattara de prétexter la réconciliation nationale retrouvée en Côte d’Ivoire pour demander formellement au nom de notre pays, à la Cour Pénale Internationale, le sursis des poursuites contre le Président Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Simone Gbagbo, Guillaume Soro…et autres. Donnant ainsi l’occasion à la communauté Internationale l’ultime opportunité de sortir la tête haute de ce bourbier ivoirien sans aucune égratignure.
De la suite à donner à l’offre de collaboration du pouvoir d’Abidjan dépend désormais le sort du Président Laurent Gbagbo et de tous ses partisans qui vivent encore la rudesse de l’exil dans le Monde. Notre objectif premier étant la libération de Laurent Gbagbo, Il nous faut donc encourager le dynamique Président AFFI à opérer le sursaut national nécessaire pour sauver notre nation en déperdition parce que exposée à un réel péril d’expropriation et à une guerre civile certaine à l’horizon des élections de 2015.
En accédant au gouvernement, les partisans du Président Gbagbo cogéreront l’état jusqu’aux prochaines élections. Exactement comme sous la transition militaire. D’ailleurs, avec le Président Ouattara nous ne sommes pas du tout loin d’une transition militaire avec son corolaire d’abus de tous genres. La présence au gouvernement devrait à coup sûr impacter positivement sur la vie de la nation. Ce ne sont pas les compétences qui manquent parmi les partisans du Président Gbagbo pour apporter une contribution significative à la gestion de l’état. Le professeur Aké N’Gbo, Dr. Ahoua Don Mello, le Colonel Alphonse Mangly, Akoun Laurent, le professeur Kata Kéké, Désiré Sylvain Dallo, Coulibaly Gervais Deplenan, Dr. Kabran Appiah, Sylvain Miaka Ourétto, Michel Kodjo, Bamba Franck Mamadou, le professeur Koudou Kessié Raymond, Justin Koné Katinan, Dr. Philippe Atté…tous ont des parcours éloquents les uns les autres. Les partisans du Président Gbagbo qui ont déjà gouverné savent mieux que quiconque que l’entrée au gouvernement confère aussi le pouvoir de nomination des membres des conseils d’administration et des équipes de direction des sociétés sous tutelle, susceptibles d’accueillir les nombreux cadres partisans de Laurent Gbagbo qui ont injustement perdu leurs emplois ces dernières années. Or ce sont les cadres qui redonneront vie aux régions favorables à l’opposition dans la perspective des prochaines batailles électorales.
Autant de raisons qui militent fortement en faveur d’une entrée au gouvernement des partisans du président Laurent Gbagbo qui devront bien se résoudre à faire le sacrifice de la nécessaire cohabitation avec leur geôlier dans l’intérêt supérieur de la nation.
Cependant, la question sécuritaire demeure la plus difficile équation à résoudre. Comment peut-on être rassuré par les propos du ministre d’état Ahmed Bakayoko s’engageant à ne procéder à aucune arrestation des partisans du Président Laurent Gbagbo dès leur retour en Côte d’Ivoire. Rappelons que selon le rapport du Conseil de sécurité de l’ONU en date du 25 novembre 2013, ce sont bien les services du ministère de l’intérieur de Côte d’Ivoire qui ont recrutés des mercenaires libériens au mois de mai 2013 pour tenter d’assassiner les partisans de Laurent Gbagbo en exil au Ghana. A présent que le pouvoir d’Abidjan invite à franchir le pas qui sauvera notre nation en acceptant d’entrer au gouvernement, au nom de l’intérêt national, l’on est en droit de se demander qui assurera la sécurité des partisans du Président Gbagbo appelés aux fonctions d’état ? Il est évident que le ministère de l’intérieur ivoirien clairement accusé par les Nations Unies de tentative d’assassinat des réfugiés en exil est décrédibilisé pour assumer cette délicate responsabilité. A moins de confier le ministère de la sécurité aux partisans du Président Gbagbo eux-mêmes. A défaut, il convient de laisser aux troupes des Nations Unies le soin d’assurer la sécurité des personnalités proches du Président Gbagbo en application de son mandat en Côte d’Ivoire.
En tout état de cause, les partisans du Président Gbagbo devraient se faire violence en acceptant de rentrer au gouvernement sous arbitrage de l’Union Africaine et des Nations Unies dans une approche de prévention de crise plus grave en Côte d’Ivoire.
Une contribution de Armand Gérard Obou
Ingénieur Expert en économie numérique
Ex-Cadre du BNETD abusivement licencié
vivant en exil
Observateur de la vie politique Nationale
Partisan de la libération du Président Gbagbo à défaut d’une mise en examen des coupables du Camp-Ouattara en application d’une justice équitable.
ANNEXES:
1/Extraits du Rapport final du Groupe d’experts sur le Libéria en date du 25 novembre 2013 adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies
Ayant signé pour le groupe des experts:
L’américain Christian Dietrich expert des questions d’armement
L’Anglais Caspar Fithen expert des questions de ressources naturelles
Le Canadien Lansana Gberie expert des questions de finance
Assisté de 2 consultants:
Le Belge Raymond Debelle et le l’Américaine Emily Harwell
Chapitres III. Problèmes de sécurité transfrontières
Pages 16 à 19
« …Le Groupe d’experts a également réuni des renseignements détaillés concernant les fonds versés à compter de mai 2013 par le Gouvernement ivoirien à d’importants mercenaires libériens, dont Isaac Chegbo (« Bob Marley ») et Augustine Vleyee (« Bush Dog »), en vue d’obtenir des informations auprès de ces individus et de les dissuader de mener des attaques transfrontières. Ces fonds ont été versés par le Bureau du renseignement opérationnel du Ministère ivoirien de l’intérieur, par l’intermédiaire d’un Libérien qui avait travaillé pour l’Office national de sécurité sous la présidence de Samuel Doe à la fin des années 80, avait fait partie du Mouvement uni de libération du Libéria pour la démocratie à ses tout débuts et agissait actuellement à titre personnel. Le 3 octobre 2013, cet homme a fait savoir au Groupe d’experts qu’il avait proposé en mars 2013 au Ministère ivoirien de l’intérieur un plan de stabilisation de la zone proche de la frontière entre le Libéria et la Côte d’Ivoire. Les contacts dont le Groupe d’experts dispose parmi les mercenaires, qui lui ont toujours fourni des informations fiables lors de ses précédentes enquêtes, lui ont fait savoir en juillet 2013 qu’ils s´étaient rendus à Abidjan en mai 2013 pour recevoir de l’argent du Gouvernement ivoirien mais n’avaient touché qu’une petite partie des sommes qu’ils estimaient leur être dues. Entre juillet et octobre 2013, le Groupe d’experts a recueilli des renseignements sur cette opération en interrogeant à de multiples occasions six mercenaires libériens qui avaient reçu de tels paiements, deux fonctionnaires du Ministre ivoirien de l’intérieur et l’ancien membre de l’Office national de sécurité qui servait d’intermédiaire indépendant7.
33. D’après les informations obtenues auprès des sources susmentionnées, l’ancien membre de l’Office national de sécurité a facilité le passage par voie routière du Libéria à la Côte d’Ivoire d’au moins deux délégations de généraux mercenaires libériens à la fin du mois de mai et au début du mois d’août 2013. Les membres de ces délégations ont été escortés de la frontière libérienne à Abidjan à bord de véhicules officiels du Gouvernement ivoirien et logés à l’hôtel à Abidjan lors de négociations portant sur le versement direct de fonds. Des fonds supplémentaires ont été versés à l’ancien membre de l’Office national de sécurité pour qu’il les distribue, par l’intermédiaire des généraux mercenaires qui l’avaient accompagné à Abidjan, à d’autres commandants mercenaires se trouvant au Libéria, notamment dans les comtés de Grand Gedeh et de River Gee et à Monrovia. Il est arrivé au moins une fois que la MINUL et les services de sécurité libériens pensent à tort que l’un de ces paiements indiquait qu’un général mercenaire se préparait à mener une offensive transfrontière en Côte d’Ivoire depuis le Libéria. Au moment de la rédaction du présent rapport, les mercenaires libériens, l’ancien membre de l’Office national de sécurité et les services du Ministère ivoirien de l’intérieur avaient fait savoir au Groupe d’experts que cette opération de financement de mercenaires libériens se poursuivait.
34. Le Groupe d’experts a informé en juillet 2013 le Gouvernement libérien, la MINUL et le Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire des versements de fonds effectués par le Gouvernement ivoirien aux mercenaires libériens et a précisé ces informations à mesure que des détails supplémentaires ont pu être vérifiés. Le Groupe d’experts a organisé en juillet et septembre 2013 des séances d’information détaillées à l’intention des services de sécurité du Gouvernement libérien et de la présidence du Libéria, qui ont indiqué que le Gouvernement ivoirien n’avait divulgué aucune information à ce sujet. Des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur ivoirien ont confirmé au Groupe d’experts les 12 septembre et 1er octobre 2013 que la question des versements de fonds n’avait pas été portée à la connaissance du Gouvernement libérien. Le Gouvernement ivoirien craignait que les services de sécurité libériens ne détournent les fonds et menacent le bon déroulement de l’opération.
35. Le Groupe d’experts constate que la façon dont le Gouvernement libérien agéré la question des mercenaires a été jugée inefficace par le Gouvernement ivoirien. Les généraux mercenaires libériens Augustine Vleyee et Isaac Chegbo ont par exemple servi d’informateurs au Gouvernement libérien dès leur sortie de prison mais ont ensuite tous deux de nouveau proposé leurs services aux commanditaires pro-Gbagbo agissant depuis le Ghana. Le Gouvernement libérien a alors perdu tout contact avec ces individus et toute influence sur eux. Le Gouvernement ivoirien juge également problématique le piètre déroulement des procès de mercenaires libériens organisés par les autorités libériennes 8. En outre, d’après un document interne des services de sécurité ivoiriens cité par le Groupe d’experts sur la Côte d’Ivoire, l’Office national de sécurité libérien a facilité le versement de fonds à des mercenaires libériens effectué par d’anciens dignitaires du régime Gbagbo.
36. Les versements de fonds aux mercenaires libériens se sont avérés particulièrement efficaces car la plupart de ces individus n’ont pas de grandes causes politiques à défendre en Côte d’Ivoire et sont donc prêts à se laisser « acheter » par le Gouvernement ivoirien. Les généraux mercenaires libériens avaient en outre joué un rôle clef en facilitant la planification d’incursions transfrontières et l’organisation de milices ivoiriennes à cette fin, notamment à partir du comté de Grand Gedeh. Les versements de fonds directs aux mercenaires libériens ont aidé les autorités ivoiriennes à réunir des informations provenant du Libéria et ont semé la confusion parmi les mercenaires et les milices ivoiriennes en ce qui concerne l’identité d’éventuels agents du Gouvernement. D’après les mercenaires libériens qui agissaient pour le compte du Gouvernement ivoirien et ont été interrogés par le Groupe d’experts en juillet et en septembre 2013, cela a considérablement affaibli la capacité des réseaux de mercenaires et milices pro- Gbagbo du Libéria à recruter et mobiliser efficacement des combattants. Le Groupe d’experts note que les attaques perpétrées au milieu de l’année 2012 avaient été précédées de campagnes de mobilisation évidentes.
37. Le Groupe d’experts craint cependant toujours que la rémunération de mercenaires libériens par le Gouvernement ivoirien ne constitue pas une méthode viable de renforcement de la stabilité dans les zones frontalières. Un général mercenaire interrogé par le Groupe d’experts à Zwedru (comté de Grand Gedeh) en septembre 2013, qui a déclaré avoir combattu au Mali au début de l’année 2013, a indiqué que le Gouvernement ivoirien lui avait versé environ 8 000 dollars (4 millions de francs CFA) en août 2013. D’autres généraux mercenaires interviewés par le Groupe d’experts en juillet et septembre 2013 ont indiqué avoir reçu des sommes nettement inférieures, de l’ordre de 2 000 dollars chacun (1 million de francs CFA). Plusieurs des mercenaires ayant reçu de tels paiements se sont plaints d’avoir touché des sommes largement inférieures à ce qui leur avait été promis et ont affirmé que des fonds avaient été détournés par des fonctionnaires ivoiriens à Abidjan et par l’ancien responsable de l’Office national de sécurité. En outre, ces sommes ne sont pas suffisamment élevées pour avoir des effets durables. En d’autres termes, la plupart des généraux continuent de vivre dans la pauvreté et n’ont toujours pas d’autres moyens de gagner leur vie. Les généraux mercenaires risquent donc à l’avenir d’être de nouveau recrutés par le commanditaire qui les paiera le mieux. On ne sait par ailleurs pas ce qu’ils ont fait des sommes reçues du Gouvernement ivoirien et s’ils ont acheté de nouvelles armes ou munitions, investissements qui pourraient les aider à extorquer des fonds des autorités à l’avenir. Ces versements pourraient ainsi inciter certains commandants mercenaires à se doter de moyens supplémentaires pour déstabiliser les zones frontalières en vue de demander des fonds au Gouvernement ivoirien. Certains des généraux mercenaires libériens que le Groupe d’experts a interviewés en septembre et en octobre 2013 et qui n’ont touché aucune somme d’argent ont fait part de leur souhait de prouver au Gouvernement ivoirien qu’ils pouvaient eux aussi menacer la sécurité des zones frontalières et méritaient donc également de recevoir de l’argent.
38. Les autorités libériennes ont réagi de différentes manières lorsque le Groupe d’experts leur a appris que le Gouvernement ivoirien avait versé des fonds à des mercenaires. Certains hauts fonctionnaires interviewés par le Groupe d’experts n’ont manifesté aucune inquiétude et ont accepté cette méthode, qu’ils considèrent comme une prérogative du Gouvernement ivoirien lui permettant d’atteindre ses objectifs dans la région frontalière. Le Groupe d’experts note que si les versements de fonds effectués par le Gouvernement ivoirien aux mercenaires parvenaient à empêcher provisoirement des attaques transfrontières, cela éviterait au Gouvernement libérien d’avoir à déployer des forces de sécurité suffisantes dans la région frontalière. De tels déploiements mettent à rude épreuve les forces du Gouvernement libérien et imposent une lourde charge à Monrovia, sur le plan financier ainsi qu’en termes d’effectifs. Si le nombre d’attaques transfrontières menées en Côte d’Ivoire depuis le Libéria diminuait, les services de sécurité du Gouvernement libérien auraient moins besoin d’enquêter et d’appréhender d’éventuels combattants, ce qui réduirait le surcroît de tensions entre Monrovia et les Krahn dû aux arrestations et à la détention provisoire prolongée de mercenaires dans le comté de Grand Gedeh. Cela semble correspondre à la tendance des décideurs libériens à tenir compte avant tout de Monrovia plutôt que de considérer la situation dans les comtés excentrés.
39. D’autres responsables des services de sécurité libériens ont en revanche déclaré craindre que de tels paiements ne constituent pas un moyen viable d’instaurer la paix et la sécurité dans la région frontalière et risquent au contraire à plus long terme de contribuer à l’instabilité. Ils ont mentionné que les mercenaires privilégiaient généralement les offres les plus lucratives et pourraient toujours aisément accepter d’être financés par les réseaux pro-Gbagbo. Ces responsables libériens redoutent également que cette opération ait pour effet d’amoindrir l’autorité du Gouvernement libérien dans les comtés de Grand Gedeh et de River Gee auprès des mercenaires, dont beaucoup ont une opinion négative du Gouvernement et se rangent, du moins provisoirement, aux côtés de leur nouveau bailleur de fonds d’Abidjan. Plusieurs membres de haut rang des services de sécurité se sont en outre déclarés opposés à ce qu’ils considèrent comme une position radicale du Gouvernement ivoirien, y compris le secret qui a entouré ces versements de fonds. Ce point est particulièrement pertinent dans le contexte des enquêtes menées par le Gouvernement libérien en juin 2003 sur les fonds reçus par les mercenaires libériens, que l’on croyait au début liés à d’éventuelles attaques transfrontières à venir mais qui avaient été en réalité versés par le Gouvernement ivoirien.
40. Le Gouvernement ghanéen a également fait part au Groupe d’experts de sa circonspection durable à l’égard des intentions et mesures du Gouvernement ivoirien concernant le sort des anciens dignitaires du gouvernement Gbagbo qui se trouvent au Ghana. Le Groupe d’experts s’est rendu au Ghana du 7 au 12 juillet 2013 pour enquêter sur le financement des violations de l’embargo sur les armes commises au Libéria par des mercenaires libériens et des miliciens ivoiriens, ainsi que sur la situation des réseaux pro-Gbagbo agissant dans ce pays. Lors d’une réunion organisée le 10 juillet 2013 par le Conseil national ghanéen de sécurité, les autorités ghanéennes ont déclaré au Groupe d’experts que la situation des réfugiés pro-Gbagbo résidant au Ghana s’était aggravée quand le Gouvernement ivoirien avait envoyé sur place des agents chargés d’assassiner ou d’enlever des partisans réfugiés du régime Gbagbo. Les autorités ghanéennes ont affirmé avoir déjoué au moins deux opérations de ce type au début de l’année 2013 et ont déclaré qu’au moins un ancien partisan du régime Gbagbo rentré en Côte d’Ivoire avait été enlevé et était porté disparu. Le Groupe d’experts n’a pu vérifier cette information de source indépendante. Le 11 juillet 2013, il a rencontré au Conseil des réfugiés du Ghana à Accra plusieurs anciens ministres du régime Gbagbo. Tous ont affirmé souhaiter rentrer en Côte d’Ivoire mais craindre pour leurs jours s’ils y parvenaient. La plupart des anciens ministres avaient été inculpés en Côte d’Ivoire pour divers motifs, dont des crimes et délits économiques, et ont déclaré que des partisans du Gouvernement ivoirien s’étaient approprié leurs résidences et leurs biens… »
2/ ANNEXE 2
COMMUNIQUE DE LA 265ème RÉUNION DU CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ
Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), en sa 265ème réunion,
tenue le 10 mars 2011, au niveau des chefs d’Etat et de Gouvernement, a adopté la décision
qui suit sur la situation en Côte d’Ivoire :
Le Conseil,
1. Prend note du rapport du Groupe de haut niveau pour le règlement de la crise en
Côte d’Ivoire, créé aux termes du paragraphe 6 du communiqué PSC/AHG/COMM(CCLIX)
adopté lors de sa 259ème réunion tenue le 28 janvier 2011 [Document PSC/AHG/2(CCLXV)].
Le Conseil prend également note des déclarations faites par le Président Alassane Dramane
Ouattara, ainsi que par le représentant de S.E. Laurent Gbagbo ;
2. Réaffirme l’ensemble de ses décisions antérieures sur la crise postélectorale que
connaît la Côte d’Ivoire depuis le 2ème tour de l’élection présidentielle, le 28 novembre 2010,
reconnaissant l’élection de M. Alassane Dramane Ouattara en qualité de Président de la
République de Côte d’Ivoire;
3. Félicite le Groupe de haut niveau pour son engagement et les efforts soutenus qu’il
a déployés dans la recherche d’un règlement pacifique à la crise actuelle en Côte d’Ivoire. A
cet égard, le Conseil rend hommage aux Présidents Mohamed Ould Abdel Aziz de
Mauritanie, Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Jakaya Kikwete
de Tanzanie et Idriss Déby Itno du Tchad, ainsi qu’aux Présidents des Commissions de l’UA
et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Dr. Jean Ping
et M. James Victor Gbeho, pour leur contribution à la recherche d’une solution à la crise
actuelle en Côte d’Ivoire. Le Conseil félicite également tous ceux qui ont apporté leur
coopération au Groupe de haut niveau dans l’accomplissement de son mandat. Le Conseil
exprime son appréciation au Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki‐moon, pour
l’appui apporté au Groupe, à travers son Représentant spécial en Afrique de l’Ouest, Said
Djinnit ;
4. Exprime sa grave préoccupation face à la détérioration rapide de la situation
sécuritaire et humanitaire, depuis la proclamation des résultats du second tour de l’élection
présidentielle. Le Conseil note que, faute d’une solution rapide à la crise actuelle, la Côte
d’Ivoire risque de sombrer dans une violence généralisée aux conséquences incalculables
pour ce pays, ainsi que pour la région et l’ensemble du continent ;
5. Réitère sa ferme condamnation de toutes les exactions et autres violations des
droits de l’homme, menaces et actes d’intimidation, ainsi que des actes d’obstruction de
l’action de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), et déplore
profondément les pertes en vies humaines et actes de destruction de biens intervenus dans
certaines parties de la Côte d’Ivoire;
PSC/AHG/COMM.1(CCLXV)
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6. Réaffirme sa conviction que la crise postélectorale en Côte d’Ivoire requiert une
solution politique d’ensemble qui permette de préserver la démocratie et la paix, et favorise
une réconciliation durable entre tous les Ivoiriens ;
7. Fait siennes les recommandations du Groupe de haut niveau telles que contenues
dans le rapport du Groupe de haut niveau et entérine les propositions faites en vue d’une
solution politique d’ensemble à la crise en Côte d’Ivoire, qui offrent une base viable pour
une sortie de crise permettant de concilier le respect de la démocratie et la quête de la paix.
A cet égard, le Conseil rappelle les dispositions du paragraphe 6 (c) du communiqué de sa
259ème réunion affirmant que les conclusions du Groupe, telles qu’elles seront entérinées par le
Conseil, seront contraignantes pour toutes les parties ivoiriennes;
8. Demande au Président de la Commission de nommer un Haut Représentant chargé de la
mise en oeuvre de la solution politique d’ensemble, telle qu’entérinée par le Conseil, et de
mener à bien le processus de sortie de crise selon les modalités ci‐après :
(i) tenue, sous l’égide de l’UA et de la CEDEAO, dans un délai de deux semaines
maximum, de négociations entre les parties ivoiriennes afin d’élaborer un
schéma de mise en oeuvre des propositions du Groupe de haut niveau telles
qu’entérinées par le Conseil, avec l’octroi de toutes les garanties nécessaires
pour tous les acteurs concernés, en particulier le Président sortant, S.E. Laurent
Gbagbo,
(ii) mobilisation de l’appui des partenaires de l’UA en vue de la conclusion rapide de
l’Accord de sortie de crise, et
(iii) soumission, à une réunion du Conseil, d’un rapport exhaustif sur les résultats de
ses efforts ;
9. Demande aux parties ivoiriennes d’apporter leur entière coopération à la mise en
oeuvre effective, dans les délais impartis, des propositions du Groupe, ainsi que de
s’abstenir de toute action de nature à compliquer la situation et le processus de sortie de
crise ;
10. Souligne sa détermination à prendre, à la lumière des résultats des négociations
visées au paragraphe 8 (i) du présent communiqué, et sur la base des instruments
pertinents de l’UA, toutes les mesures que la situation appellerait ;
11. Demande au Président de la Commission de transmettre la présente décision au
Conseil de sécurité des Nations unies, à la CEDEAO et aux autres partenaires de l’UA;
12. Décide de rester activement saisi de la question.
UNION AFRICAINE
CONSEIL DE PAIX ET DE SECURITE
265EME REUNION
10 MARS 2011
ADDIS ABEBA, ETHIOPIE
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