Débats et opinions: Le Président Gbagbo confessa à Korhogo son unique erreur
Par Correspondance particulière - Le Président Gbagbo confessa à Korhogo son unique erreur.
LE PRÉSIDENT GBAGBO CONFESSA À KORHOGO SON UNIQUE ERREUR
Une erreur est un acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et
inversement. Ne faisons donc pas de confusion entre l’erreur (un acte, une
vue de
l’esprit) et les faiblesses propres à notre nature humaine. Arrêté puis
emprisonné à
Korhogo après le retrait, sur ses ordres, des FDS, combattus par l’armée
française et
les hommes de son adversaire politique Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo,
Chef
d’État et Chef suprême des Armées de la Côte d’Ivoire, déclara que
le principal
reproche qu’il se fait c’est d’avoir fait confiance. Nous sommes
tentés de rétorquer
au président ivoirien que la confiance n’excluant pas le contrôle, comme
garant de
l’intégrité territoriale de notre pays, il se devait de préserver la vie
des populations
assassinées par l’armée française et les hommes armés d’Alassane
Ouattara aussi
bien au centre, au sud, au nord, à l’est, à l’ouest de notre pays que
ceux tombés
sous les bombes françaises autour de sa résidence, en s’entourant
d’hommes
politiques et de soldats loyaux à la République. Tenir de tels propos à
l’encontre du
président Gbagbo c’est être simplement « Hors sujet ». La confiance
dont il parle n’a
pas trait à la méconnaissance de ses hommes ou de ses soldats, qui peuvent,
à tout
moment, choisir de s’allier au camp adverse pour des raisons qui leur sont
propres.
Tout Chef d’État, à la tête d’un pays qui se veut démocratique, doit,
en effet, tenir
compte de cette éventualité qui n’est pas tolérée par les régimes
totalitaires.
Déporté à la Haye par Sarkosy et Alassane Ouattara, il a été donné
l’occasion au
président Gbagbo d’étayer ses dires, quand il souligna face à la Cour
Pénale
Internationale qu’il est dans leur geôle parce qu’il a choisi de
respecter la
Constitution de son pays. On ne pouvait sortir des dix années de crise
suscitées par
les troupes d’Alassane Ouattara que si les Ivoiriens des quatre points
cardinaux de
notre pays acceptaient de se faire mutuellement confiance, de travailler
ensemble,
avec pour seule boussole notre Constitution. C’est au nom de cette
confiance
mutuelle, pierre d’angle de la paix sociale en Côte d’Ivoire, que le
président Gbagbo
accepta d’organiser les élections présidentielles, malgré le refus des
hommes
d’Alassane Ouattara de déposer les armes. Que serait devenue la Côte
d’Ivoire si le
président Gbagbo s’était opposé à l’organisation de telles
élections? Son refus aurait
conduit inéluctablement la Côte d’Ivoire à ce qui nous est donné de
constater
aujourd’hui ; un pays divisé où est pratiquée, de « manière légitime
», une
ségrégation ethnique, justifiée par la doctrine politique du rattrapage
ethnique,
élaborée en collaboration avec les stratèges français de la division, du
désordre, avec, en deux mots, les partisans du chaos. Le président Gbagbo
avait certainement
un plan B face à des adversaires politiques attachés à l’usage des
armes, dans le
cadre de la résolution d’une crise qui se voulait sociale et non armée,
puisque les
populations du sud, de l’ouest, du centre n’avaient pas auparavant pris
les armes
contre leurs frères du nord ou les étrangers qui résident sur le sol
ivoirien. Ce plan B
est celui élaboré par toute nation qui se veut démocratique : lorsque le
pouvoir
exécutif (politique) choisi librement par le peuple est menacé par des
forces
étrangères sur son territoire ou à ses frontières, les forces armées
républicaines ont
pour rôle de préserver l’intégrité territoriale de la nation en
question, de protéger
ses populations. L’on parle, à dessein, du monopole de la violence
physique légitime
concédé aux forces armées, sous l’autorité du pouvoir exécutif reconnu
par la Loi
fondamentale de la nation en question. Le président Gbagbo demanda aux
soldats
de la République de se retirer, en définitive, du champ de bataille, parce
qu’il lui fut
donné l’occasion de constater que l’armée française et les troupes
fidèles à Alassane
Ouattara n’affrontaient pas les nôtres (les siens) dans des combats
loyaux. De
nombreux civils furent, en effet, tués par les bombes françaises et les
troupes
traditionnelles d’Alassane Ouattara qui ne savaient rien au métier des
armes. Ses
adversaires politiques et leurs armées étaient prêts à raser la Côte
d’Ivoire, à
exterminer tous les Ivoiriens qui refusaient d’être des partisans du
rattrapage
ethnique. Le président Gbagbo découvrait, en même que nous, aussi bien la
cruauté
de ses adversaires, que la face horrible du rattrapage ethnique et de la
politique
africaine de l’Élysée, qui avait choisi d’aller au-delà des
frontières historiques de son
action politique et militaire dans ses ex-colonies africaines. Sarkosy
voulait
certainement associer à la figure du président Gbagbo celle de Kaddhafi
pour faire
croire au monde entier qu’il venait d’éliminer de la surface de la terre
deux
dictateurs. En Lybie comme en Côte d’Ivoire, les résidences des deux
Chefs d’État
furent bombardées parce que le but de ces bombardements était, sans aucune
fioriture, leur élimination physique. Le président Gbagbo, pour la paix
sociale, avait
donc fait confiance en des adversaires politiques qui recherchaient, au
contraire,
son élimination physique. N’ayant pas atteint leur objectif principal, ils
le
déportèrent à la CPI pour y demeurer jusqu’à la fin de ses jours. Juger
un Chef d’État
africain qui, dans l’exercice de ses fonctions, défend l’intégrité
territoriale de son
pays, reviendrait à faire comparaître les Chefs d’État français pour
tous les crimes
commis par l’armée française en Côte d’Ivoire et en Afrique, au moins
dans leur
propre pays doté d’un appareil judiciaire jugé impartial. Cette
humiliation que
subissent les Ivoiriens et les Africains à travers la personne du président
Gbagbo emprisonné comme un vulgaire malfrat nous permet de prendre
véritablement
conscience du fait que la France a été certes prise en exemple mais elle
n’est pas un
exemple d’équité, de probité, de sagesse. Que les Ivoiriens restent unis
malgré tous
ces « aveux » de militaires français sur la « trahison » de nos
officiers, de Mangou
etc.. Si l’armée française applique l’omerta en son sein, quand de
jeunes filles sont
violées par leurs supérieurs, que peut-elle nous dire de vrai sur les actes
qu’elle a
posés en Côte d’Ivoire. Avant que le général Mangou ne se retire du
champ de
bataille, des villages Ébrié, des membres de sa tribu (des femmes) furent
brûlés par
les « assaillants », des notables furent assassinés. Que dire de Yao
N’Dré, président
de la Cour Constitutionnelle? Ne jugeons donc pas pour ne pas être jugés,
n’appelons pas traitres des personnes qui ont connu des drames intérieurs
que nous
sommes loin d’imaginer. Nous n’aurions certainement pas fait mieux à
leur place.
Demeurons prudents dans un esprit de tolérance réciproque, en vue de
l’unité de
notre pays. Transformons notre « erreur » en atout en continuant de faire
confiance
car « il y a des milliers qui refusent de se prosterner devant Baal » pour
construire
avec le président Gbagbo une Nation unie.
Une contribution de Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)