Débats et opinions: La libération de Gbagbo dépendra des ivoiriens et des africains, et non de la CPI

Par Correspondance particulière - La libération de Gbagbo dépendra des ivoiriens et des africains, et non de la CPI.

Patriotes ivoiriens au cours d'une marcheà PAris pour exiger la libération de Gbagbo.

LA LIBÉRATION DE GBAGBO DÉPENDRA DES IVOIRIENS DES AFRICAINS ET NON DE LA CPI

Que devrions nous attendre de la CPI à la solde de la France, alliée des
grandes puissances dont dépendent l’ONU et tous les organismes
internationaux? Une décision, certes, politique, et non juridique des juges
à l’encontre du prisonnier politique Laurent Gbagbo. Qualifier de
politique la décision des juges de la CPI semblerait une position partisane,
une opinion partiale, si nous taisons le différend fondamental qui oppose
Laurent Gbagbo à la France. Gbagbo est l’un des premiers présidents
africains qui demande une révision des accords signés entre la France et
ses colonies au lendemain des « indépendances ». L’Afrique regorge de
richesses et pourtant ses fils sont contraints à l’exil, à cause de
dictateurs installés à la tête de leurs pays respectifs par la France
favorable à une pensée unique. Certains de nos frères périssent au large
des côtes italiennes ou espagnoles, les survivants, en quête de pain en
Europe, sont refoulés, humiliés par des partis politiques extrémistes,
populistes, qui les accusent d’envahir leur pays, et d’occuper les
emplois qui reviennent naturellement à leur progéniture. C’est dans un
tel contexte politique que le président africain Laurent Gbagbo a choisi de
lutter pour des accords gagnant-gagnant entre la Métropole (la France) et la
Côte d’Ivoire (ses ex-colonies). Lorsque nous découvrons ahuris la
mauvaise gestion des leaders de l’UMP, le parti politique de Sarkosy dont
les membres s’enrichissent grâce au diamant ivoirien, centrafricain, à
l’or, au cacao (au chocolat ivoirien), la lutte politique de Gbagbo risque
de priver ces personnes cupides et non la France de grandes ressources. Ces
personnalités politiques françaises sont nombreuses à avoir de gros
capitaux cachés à l’étranger. Nous sommes loin d’imaginer
l’importance de leur fortune jugée en proportion d’un ex-caporal
ivoirien proche d’Alassane Ouattara qui, en l’espace de dix ans, a
accumulé plus de 300 milliards de francs CFA. Jugé, en définitive,
infréquentable par l’Élysée, à cause de ses objectifs politiques, il
fut décidé son élimination physique par Sarkosy. Gbagbo pouvait être, en
effet, en train de remercier les jeunes gens venus le soutenir, au moment où
les bombes françaises lancées sur sa résidence, sur ordre de Sarkosy, les
massacrèrent. Le ministre de l’intérieur ivoirien, le magistrat Désiré
Tagro dont la corpulence et le faciès sont pratiquement identiques à ceux
du président Gbagbo, n’a-t-il pas été assassiné à sa place par les
soldats d’Alassane Ouattara, sous l’effet de stupéfiants, incapables de
distinguer l’un de l’autre? Les élections présidentielles ivoiriennes
dont les résultats furent proclamés par la France qui ne reconnaissait pas
ceux de la Cour Constitutionnelle ivoirienne démontrait déjà la volonté
de l’Élysée de créer, en Côte d’Ivoire, les conditions d’une guerre
civile, un désordre, qui leur aurait permis de prendre totalement le
contrôle de notre pays. Nous avons assisté, pour la première fois dans le
monde, à une chose insolite, au regard des événements qui ont conduit à
la seconde guerre mondiale. Pouvions-nous imaginer un seul instant Hitler
déclarer la guerre à la France et à l’Angleterre, et voir les Français
et les Anglais accusés par une Cour Pénale Internationale de crimes contre
l’humanité contre les nazis pour s’être défendus? Eh bien ! c’est ce
qui nous est donné d’assister dans l’affaire Gbagbo à la CPI, où les
juges confirment les charges contre un président africain investi par la
Cour Constitutionnelle de son pays à qui son adversaire politique Alassane
Ouattara, soutenu par la France, déclara la guerre. La décision des juges
de la CPI, inspirée du mensonge, est politique parce que la déportation du
président Gbagbo à la CPI est, avant tout, une affaire politique. Arendt
affirme, à juste titre, que « La véracité n’a jamais figuré au nombre
des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un
moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques». Benjamin
Constant est encore plus incisif ; il souligne que « Le principe moral que
dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et
isolée rendrait toute société impossible … » Les utilitaristes abondent
dans le même ordre d’idée et prétendent que si le mensonge permet de
maximiser une situation (les intérêts de la France en Afrique par exemple),
il est moral de mentir, il serait même immoral ne pas mentir. Les Ivoiriens,
les Africains, dans le procès de Gbagbo, tout au long de leur lutte
politique, se doivent de s’inspirer plutôt de la pensée d’Emmanuel
Kant, qui soutient, au contraire, que le mensonge nuit toujours à autrui :
même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en
général et il rend vaine la source du droit. Il s’agit de ce mensonge qui
corrompt, falsifie la vérité. La crédibilité de la CPI vient d’être
fragilisée par la décision politique des juges qui ont mis trois ans à
avoir sur leur table des preuves contre Gbagbo réfutées par la défense. La
confirmation des charges est une décision qui est, paradoxalement, favorable
au président Gbagbo et à ses partisans pour deux raisons fondamentales.
Elle permet d’assurer sa sécurité à la CPI parce qu’une fois libéré
sa vie aurait été menacée. Aucun pays au monde n’aurait été capable
d’assurer sa sécurité. Il nous suffit de rappeler la position du
président sud-africain Zuma lors de sa visite en Côte d’Ivoire, durant le
contentieux électoral, et après son passage à Paris, sur invitation du
président Sarkosy. Opposé à une intervention armée dans notre pays, il
battit en retraite lorsque des marchés furent conclus entre la France et son
pays. Une sécurité rapprochée la plus efficace et fidèle aurait-elle
résisté à une pluie de dollars ? Ces derniers auraient été certainement
poussés à faire connaître au président Gbagbo la fin de Félix Moumié,
cet homme politique camerounais empoisonné en Suisse. La vie de Gbagbo
aurait été menacée aussi bien par ses propres hommes que par ses
adversaires politiques. Cela supposerait-il que nous ne devrons plus lutter
pour sa libération ? Non ! Cela signifie, au contraire, que nous devons
intensifier notre lutte en faveur de la démocratie, en créant les
conditions d’élections transparentes en Côte d’Ivoire, l’unique voie
de sa véritable libération. Étant présumé innocent tant que les charges
retenues contre lui n’ont pas été confirmées, Gbagbo demeure notre
candidat aux élections présidentielles de 2015. Ce qui signifie que nous
avons à battre campagne, afin que son élection soit un
plébiscite, une aube nouvelle en Côte d’Ivoire et en Afrique, car la
vérité finira par triompher du mensonge. Une fois élu président il
gouvernera notre pays et se fera représenter à la CPI par maître Altit,
pour poursuivre son procès contre ceux qui l’accusent d’avoir commis des
crimes contre l’humanité. Ces accusateurs ne seront plus tous sous le
couvert du pouvoir politique actuel, d’autres perdront leur immunité
parlementaire, et seront obligés de comparaître devant la Cour Pénale
Internationale où ils pourront éventuellement être enfermés. Ainsi,
Daniel jeté dans la fosse aux lions en sortira vivant, et ses accusateurs
qui s’y retrouveront seront dévorés par les grandes puissances, ces
fauves qu’ils servent aveuglément. La confirmation des charges de Gbagbo
met, étrangement, le destin de ce résistant africain entre les mains du
peuple Ivoirien qui aura pour mission de « sauver le soldat Ryan aux mains
nues ou plutôt le Général Ryan (le président Gbagbo) » en allant
massivement le voter durant les présidentielles de 2015. La Providence
divine l’a protégé des bombes françaises, elle vient de nouveau assurer
sa propre sécurité jusqu’à son élection dont le suffrage avoisinera les
90%, si nous nous en tenons aux statistiques inhérents au boycott actif du
recensement dans notre pays. N’étant pas mort de crise cardiaque après la
décision brutale, violente, des juges de la CPI, contraire aux espérances
nourries, à dessein, par ses amis-ennemis, la Providence divine le
préservera certainement jusqu’aux élections présidentielles de 2015.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)