CPI/Blé Goudé s'adresse aux ivoiriens avant la reprise du procès aujourd’hui: « Merci Président Gbagbo pour toutes ces leçons politiques ! »

Par Ivoirebusiness - CPI. Le Ministre Charles Blé Goudé, président du COJEP, s'adresse aux ivoiriens avant la reprise du procès aujourd’hui « Merci Président Gbagbo pour toutes ces leçons politiques ! ».

Le Ministre Charles Blé Goudé le 13 mars 2017 à la Cour pénale internationale.

17 Janvier 2013 – 17 Janvier 2018 : 5 ans déjà !

Nous reprenons le procès ce matin. Aussi paradoxal que cela puisse apparaitre, c’est toujours pour moi un plaisir renouvelé de retrouver cette salle d’audience ! Vous savez, j’y apprends beaucoup ! La reprise de ce matin coïncide avec le 5ème anniversaire de mon enlèvement au Ghana, c’était le 17 Janvier 2013 au petit matin. 5 ans déjà !
De la DST à la CPI, votre soutien continue d’être pour moi, ce que la sève représente pour l’arbre. Vous êtes aussi pour moi, ce que le moteur est pour la dynamique.
Famille, parents, amis, camarades de lutte, démocrates de nationalités et d’obédiences politiques diverses, anonymes généreux, merci pour votre soutien !
A la diaspora ivoirienne et africaine, merci de votre mobilisation permanente et de votre présence à mes côtés dans cette autre épreuve de ma vie ! Merci à toutes et à tous d’avoir été là et d’être toujours là !
Merci également à ces jeunes avocats ivoiriens qui, dès mon extradition en Côte d’Ivoire en janvier 2013 s’étaient spontanément et bénévolement constitués pour moi. Que certains de ces jeunes avocats, sans complexe, m’assurent aujourd’hui une défense devant la CPI, me procure plus qu’un sentiment de fierté pour ma génération. Ici, dans ce pays lointain et ce froid glacial, Maîtres Claver N’DRY, Serges GBOUGNON, Séri ZOKOU, notre doyenne du Cameroun, Maitre Josette KADJI et toute mon équipe de défense avec à sa tête le très respecté Professeur Alexander KNOOPS, sont aujourd’hui devenus ma seconde famille. Merci à eux !
C’est surtout l’occasion pour moi de dire merci à un homme qui m’a donné le gout de la politique. Angoissés, rejetés, réprimés, perturbés par un avenir incertain, cet homme a été pour ma génération et moi, une réponse à nos nombreux questionnements. Là où les régimes d’alors nous servaient désespoir et doute, cet homme nous a enseigné que dans la vie, rien n’est gagné d’avance, mais que rien n’est non plus perdu d’avance. Il nous a appris que l’homme est le produit de ses choix ; et que, même si la politique ne peut pas toujours changer le quotidien du peuple, c’est possible que le peuple puisse changer le personnel politique. Aujourd’hui, le nom de cet homme se confond avec l’histoire de son pays. Pour y parvenir, il a fallu à cet homme du chemin. Il lui a fallu dans les épreuves et les humiliations construire une histoire avec son peuple dans sa diversité. Oui, vous l’aurez vite compris, je voudrai dire merci à l’homme Laurent Gbagbo, puisque c’est de lui qu’il s’agit. Son engagement et son parcours politique m’ont profondément inspiré. Même en prison, je continue de m’abreuver à la source de ses connaissances et de son expérience douloureuse mais enrichissante. Gbagbo le Démocrate, Gbagbo l’historien qui fait l’histoire, l’étudie, l’écrit et la fait écrire. Gbagbo le Généreux qui, même dans les farouches moments de l’adversité ne perd jamais son humanisme. Même les coups violents de l’adversaire ne lui ont pas fait perdre les valeurs auxquelles il est attaché. Chef d’Etat, j’ai vu Laurent Gbagbo instruire son équipe médicale pour que feu le frère ainé d’Alassane Ouattara soit transféré en avion dans une clinique, pour y recevoir des soins appropriés. Je l’ai vu offrir un toit à des adversaires politiques. Je l’ai vu se déplacer à chaque fois aux domiciles de ses opposants politiques pour leur témoigner son soutien et sa compassion lorsque ces derniers perdaient un parent ou un être cher. Aujourd’hui, les personnes qui hier ont bénéficié de sa générosité la lui rendent en monnaie de singe ; elles l’ont livré et éloigné des siens.
Malgré son éloignement géographique, Laurent Gbagbo demeure au quotidien avec les ivoiriens, dans leur esprit, dans leur conscience et dans leur cœur.
Inscrit à chaque page recto-verso de l’histoire de la Côte d’ivoire, Laurent Gbagbo représente plus qu’une page de l’histoire de la Côte d’Ivoire qui, désormais, se confond avec son nom. Par conséquent, avoir comme projet de « tourner la page Gbagbo » relève de l’utopie et de l’irréalisable. Pareillement, se donner comme combat et objectif d’empêcher des personnes de tourner la page Gbagbo, c’est inutilement débaucher de l’énergie pour barrer le chemin à des gens qui se donnent la peine d’empêcher la lune de briller, puis que de toutes les façons, la lune est faite pour briller et elle brillera. La preuve, plus de 27 ans après son assassinat, Thamas Sankara demeure dans les consciences burkinabés et africaines. Toutes les vaines tentatives de Blaise Compaoré pour l’effacer de l’histoire et de la mémoire collective du Burkina-Fasso se sont noyées dans le bain corrosif du temps ; et l’acte fratricide de Compaoré n’échappera pas au tribunal sans appel de l’histoire. Même mort, l’histoire du Ghana voisin ne peut s’écrire et se conter sans le nom de Kwame N’krumah. A plus forte raison, Laurent Gbagbo, encore vivant, comment quelqu’un, par quelques manœuvres et alchimies que ce soit, pourrait-il réussir à effacer son nom de l’histoire et de la mémoire collective de la Côte d’Ivoire ?
Ce qu’il nous reste plutôt à faire, c’est d’œuvrer d’abord à comprendre le combat de Laurent Gbagbo pour ensuite le faire comprendre aux générations futures. C’est de nous l’approprier, le pérenniser, le prolonger dans le temps en mutualisant nos intelligences, nos efforts.
Ce qu’il nous faut, c’est, chaque jour, de porter en nous l’esprit d’ouverture, de rassemblement et de générosité de Laurent Gbagbo.
Ce qu’il nous faut, c’est, dans le respect de nos valeurs et de nos principes, de ne pas fermer la porte à toutes les autres possibilités et sensibilités, c’est de nous garder d’élever les murs de notre propre enfermement politique.
De Laurent Gbagbo, j’ai appris qu’en politique, le sectarisme et le repli sur soi ne font pas recette.
De Laurent Gbagbo, j’ai appris qu’en politique, il n’y a pas d’ennemi à vie, il n’y a pas non plus d’ami éternel. Un farouche ennemi d’aujourd’hui peu devenir un partenaire demain tout comme une personne en qui vous avez mis votre entière confiance ou qui se présente comme un indéfectible fidèle peut vous abandonner à tout moment pour rallier l’adversaire.
C’est à cet homme là, qui a toujours refusé que l’on décide pour lui ce qu’il doit faire de sa vie, que je dédie cette journée. Tous unis autour de lui comme notre leader, nous devons nous montrer dignes de lui, surtout de ses valeurs car, c’est au fruit que l’on reconnait l’arbre.
C’est ici que je salue la hauteur d’esprit de Simone Ehivet Gbagbo. A l’occasion de ses vœux 2018 aux ivoiriens, du fond des méandres de sa cellule de prison, malgré sa souffrance, son appel à l’amour et au pardon a fini de me convaincre que je ne me suis pas trompé en la qualifiant de grande Dame, une Dame constante et fidèle aux idéaux de son époux. Du fond de ma cellule, je pense à elle et je la porte en prière !
De Laurent Gbagbo et de ses idéaux, moi aussi je resterai toujours digne. Pour pérenniser ce combat, qu’il plaise à chacun de faire ce qu’il croit juste et utile. La vie quant à elle, se chargera de nous récompenser ou de nous sanctionner ; c’est selon.
Merci à toutes et à tous !
Merci Président Gbagbo pour toutes ces leçons politiques !
Merci papa pour toutes ces leçons de la vie !

La Haye, le 17 Janvier 2018

Charles Blé Goudé,
Homme politique en détention préventive à La Haye