Coups d’Etat sanglants : « Une nouvelle politique africaine » de la France

Le 23 mai 2011 par le Temps - Pour justifier le coup d’Etat sanglant qu’il a ordonné le 11 avril 2011 à la force française à Abidjan, la Licorne, contre le Président

La famille "Françafrique" au grand complet, le 21 mai 2011 à Yamoussoukro.

Le 23 mai 2011 par le Temps - Pour justifier le coup d’Etat sanglant qu’il a ordonné le 11 avril 2011 à la force française à Abidjan, la Licorne, contre le Président

Laurent Gbagbo, Nicolas Sarkozy vient de déclarer au 43e Bima à Port-Bouet, que cet acte s’inscrit dans la nouvelle politique africaine de la France. Il soutient, avoir agi contre un hold-up électoral, de Gbagbo, et que contrairement à ce qu’il avait promis, la France maintiendra sa base militaire en Côte d’Ivoire. Et d’ailleurs il a rédigé un nouvel accord de coopération, entre –on le comprend- la France et la Côte d’Ivoire, sur ce sujet. C’est donc clair, Alassane Ouattara installé au pouvoir, le Président français Nicolas Sarkozy établit une coopération néocoloniale avec la Côte d’Ivoire. Et cette relation où le numéro 1 français mène le jeu, traduit bien le lapsus de « Tantie », Mme Henriette Dagri Diabaté, Grande Chancelière, qui, dans son discours s’adressant à Ouattara a dit « Monsieur le Préfet » en lieu et place de « Monsieur le Président » avant de se ressaisir. Dans la pratique de la Françafrique que représente aujourd’hui Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire, les coups d’Etat, les guerres civiles et autres méthodes de déstabilisation des régimes non aux ordres, étaient la tradition. Mais c’est la première fois que la France monte au créneau, et qu’avec ses soldats, au vu et au su du monde entier, en collaboration avec l’Onu, elle prend fait et cause pour un candidat – son candidat- et bombarde aux missiles la résidence de son adversaire, avec des milliers de morts et le renverse. L’image est ancrée. Gbagbo étant renversé, Sarkozy peut renverser la vérité électorale ivoirienne. N’est-ce pas d’ailleurs, parce qu’il a inversé les résultats du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, que nous en sommes là ? N’est-ce pas parce qu’il a organisé le hold-up électoral pour que, coûte que coûte, son ami Ouattara soit au pouvoir afin de lui livrer ce pays, qu’il a été ovationné le 21 mai 2011 à l’investiture, par une meute de burkinabé déversée à Yamoussoukro à cet effet ? Qui de Ouattara et de Gbagbo a fait un hold-up électoral ? Lorsqu’on est vainqueur d’une guerre, on peut accuser à loisir le vaincu de tous les maux. Gbagbo est donc accusé grâce aux bombardiers et autres Mi-24 de la Licorne et de l’Onu. Et tous étaient pour célébrer leur exploit, leur coup d’Etat collectif. En annonçant que c’est la nouvelle politique africaine de la France, Sarkozy annonce la brutalité officielle qu’il préconise désormais contre tous les régimes francophones friands d’autonomie vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. On le sait, pour aller à une élection et espérer la gagner sans être bombardé ensuite, il faut au préalable avoir la caution de l’Elysée, donc avoir accepté de donner au moins 80 % des richesses du pays. C’est dans cette veine que le va-t-en guerre de Paris, maintient la base de la force française en Côte d’Ivoire. Qui jouera les gendarmes et veillera sur les intérêts français dans la sous région. Ouattara est heureux du soutien de la France et de la perpétuation de la présence de sa force en Côte d’Ivoire pour le maintenir au pouvoir. Mais pour un leader ambitieux pour son pays, soucieux de son développement réel, il y a un piège à cette dépendance à l’armée de l’ancienne puissance coloniale. Alassane Ouattara doit se ressaisir. Aujourd’hui, les pays émergeants, qui sont considérés dans les grands rendez-vous de la planète, sont ceux qui ont une armée forte, une puissance de feu remarquable, avec une arme nucléaire. Or, la stratégie de la France est d’empêcher nos pays de grandir, de posséder une armée puissante comme la sienne et une arme nucléaire pouvant consacrer notre indépendance vis-à-vis tous. Elle a commencé cette campagne de manipulation en faisant croire que Laurent Gbagbo a dilapidé l’argent du pays en achetant des armes qui ne servent rien, sinon à tuer ses compatriotes. Et des nigauds, endoctrinés, se plaisent à s’indigner de découvrir des armes dans la résidence du chef de l’Etat, après sa capture. Mais le paradoxe, c’est que les mêmes sont fiers que la France, qui n’est pas leur pays, soit surarmée au point d’exporter la violence avec ses armes pour les délivrer. Ils ne se posent même pas la question de savoir pourquoi la France aurait-elle le droit d’être aussi surarmée, elle, et non leur pays. Quand leur pays, sans compter sur des mercenaires et des équipements de guerre étrangers, pourra, avec sa propre armée équipée, mater une rébellion comme celle commencée en 2002 jusqu’à la prise de pouvoir par Alassane ? Si un chef d’Etat n’a pas le droit d’armer son armée, avec quoi doit-il assurer la sécurité des biens et des personnes ? Avec quoi va-t-il protéger l’intégrité du territoire comme le lui demande la Constitution ? Avec quoi ? Compter sur la France ? Mais sur qui compte la France pour se défendre en dehors des guerres mondiales ? La France tue en Libye, elle tue en Côte d’Ivoire. Et ce, parce qu’elle est armée et surarmée. Cette France-là, pour conserver sa position de gendarme, de prédateur et de force néocoloniale, imposera toujours son assistance militaire à la Côte d’Ivoire qui ne doit pas être comme elle, au rang des grands tels l’Afrique du Sud et autres. Car si la Licorne aide Ouattara à s’éterniser au pouvoir, à frauder dans toutes les élections, et à donner le maximum de richesses à la France et d’emplois aux Français chômeurs, quel besoin aura-t-il pour développer l’armée ivoirienne et la recherche sur l’armement et même le nucléaire ? La défense ivoirienne restera marginale, à la merci des armées voisines et de la force française. Elle ne grandira jamais pour ne pas devenir redoutable et permettre la rupture du cordon « ombilical » avec la France. Sarkozy a averti : il matera ouvertement tous les régimes francophones qui ne sont pas prêts à lui livrer leur pays. Sinon la tradition de la Françafrique continue. Il appartient aux Africains d’y trouver la solution radicale.

Germain Séhoué