Côte d’Ivoire : L’emploi des jeunes, un devoir de responsabilité, Par Dr KOCK OBHUSU

Par Ivoirebusiness/Débats et Opinions - Côte d’Ivoire. L’emploi des jeunes, un devoir de responsabilité, Par Dr KOCK OBHUSU.

Dr KOCK OBHUSU.

L’EMPLOI DES JEUNES EN CÔTE D’IVOIRE, UN DEVOIR DE RESPONSABILITÉ

L’emploi des jeunes et même des moins jeunes est un problème en Côte d’Ivoire. Sa résolution est un devoir, un devoir de responsabilité. C’est une véritable épine dans les pieds d’un pays qui est claudicant, il y a belle lurette. Le problème ne date donc pas d’aujourd’hui. Plusieurs faits participent majoritairement cependant, en ce moment à la dégradation continue de la situation de l’emploi dans ce pays :

1. Le premier fait est : l’inadéquation entre l’école et les besoins économiques réels du pays. Une situation liée à la mauvaise affectation des ressources,

2. Le second fait est : l’immigration incontrôlée qui participe au déversement de flots de jeunes des pays limitrophes dans le pays. Il n’y a en rien l’ombre d’aucune xénophobie en cela. Rien que du factuel. On est obligée de le préciser parce que le problème dans ce pays étant qu’on ne peut évoquer la question démographique explosive sans qu’on ne soit tout de suite taxé de xénophobe. Pour ces jeunes la Côte d’Ivoire où il est facile d’obtenir rapidement des papiers bidonnés de nationalité devient un pays de transit vers l’Europe,

3. Le troisième fait est : les difficultés pour les jeunes y compris ceux qui se battent pour accéder au crédit, etc.

La jeunesse ivoirienne : une plaie à soigner sérieusement
C’est une plaie qu’il faut traiter sérieusement pour circonscrire la douleur et parvenir progressivement au moins à cicatriser la société ivoirienne. Une société avec une jeunesse blessée, fracturée et cassée. Une cicatrice est quand même bien plus acceptable qu’une plaie purulente et puante comme celle collée aux pieds de la Côte d’Ivoire.

En le disant, nous entendons déjà certaines personnes rétorquer que c’est un problème général voire un problème de dimension planétaire. Donc prière d’inviter ceux qu’ils voient comme les « Gougnons », (entendez sorciers) de circuler car il n’y a rien à voir. Oui, en effet c’est un problème général. De dimension planétaire ? Non pas du tout. Pas du tout, parce que c’est un problème qui n’a pas la même dimension suivant les espaces économiques.

Nous les entendons même déjà sortir leur argument de comparaison classique, fétichiste et non moins puérile, leur fameux « même en France… ». Chaque fois qu’on soulève un problème sérieux pour inviter les uns et les autres à la réflexion et au débat constructif, ils nous sortent la même formule comme s’il suffisait de précéder toute argumentation de « même en France » pour se donner bonne conscience face aux situations dramatiques.

C’est une manière un peu trop facile d’occulter les drames à bons comptes. Les pluies qui tuent, ils sortent « même en France », les accidents de la route qui se multiplient, ils sortent « même en France », les immeubles qui s’effondrent, ils sortent « même en France ». Ces derniers temps, c’est une comparaison avec les Etats-Unis d’Amérique et la Chine qui a pris le relai. Et dans les yeux de ces derniers pullulent des sorciers.
La jeunesse ivoirienne en valeur relative est aujourd’hui celle qui en Afrique noire est la plus touchée par les mouvements d’émigration. On dit que les voyages forment la jeunesse mais en Côte d’Ivoire l’émigration n’est pas du tout formative. Elle est même périlleuse car non ordonnée tant la société est débordée. Les perspectives sont bouchées de l’intérieur et le tiers des immigrants qui arrivent en Italie sont de nationalité ivoirienne.

Dans un passé récent, il était établi que chaque mois, ce ne sont pas moins de 1.500 ivoiriens qui prennent le risque et bravent tous les obstacles de l'immigration clandestine pour arriver aux frontières italiennes. Il y a bien entendu les conséquences de la guerre. Mais la guerre ne suffit pas à elle seule à expliquer l’ampleur du phénomène. Ce chiffre a été livré par l’ancien directeur de cabinet adjoint du ministre de l'intérieur et de la sécurité ivoirien, Vincent Toh-Bi-Irié.

Ce monsieur qui semble être dans les profonds secrets des dieux affirmait s’appuyer sur les chiffres qui « ont été donnés par les autorités Italiennes ».
C’est un problème qui nécessite un traitement de fond. Mais avant tout, encore faudrait-il qu’on définisse ce qu’est être jeune en Côte d’Ivoire. Être jeune, est-ce avoir entre 16 à 25 ans ? Est-ce avoir jusqu’à 30, jusqu’à 40 ou jusqu’à 50 ans, voire 60 ans ?

Définir clairement une tranche d’âge en parlant de la jeunesse est important car cela rendrait tout discours relatif à la jeunesse plus compréhensif et donnerait d’ailleurs plus de lisibilité à la lecture des actions que le gouvernement prétend mener en direction de cette jeunesse. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus.
Mais nous n’allons pas nous étendre dans un développement trop poussé pour ne pas rendre lourde et indigeste la présente contribution.
Passons donc, sans transition, à ce qui pourrait être fait dans le traitement de la situation des jeunes en Côte d’Ivoire.

Il faut organiser, règlementer et limiter sérieusement l’ouverture des écoles en Côte d’Ivoire
Le premier défi à relever, c’est de centrer les efforts en direction des enfants sur la scolarité de base. Aucun enfant dans les dix années à venir ne doit rester sans savoir lire ni écrire au moins son nom. Il ne suffit plus d’écrire ou de dire et répéter que l’école est obligatoire. Il s’agit de la rendre obligatoire dans les faits par un suivi et un contrôle effectif dans les villes et les villages.

Un référent école obligatoire jusqu’au moins en classe de cours moyen deux pourrait être désigné dans chaque circonscription. Celui-ci aurait la responsabilité de rendre compte des cas de déscolarisation ou d’exclusion avant la fin de la classe de CM2. A charge à l’éducation nationale et à l’autorité judiciaire en charge de l’enfance et de la famille de faire ce qui est en leur pouvoir pour rétablir la continuité scolaire dans les familles défaillantes ou les cas des enfants isolés. Mais bon pour être sincère, avouons que là, c’est une autre paire de manches. Ce n’est pas demain la veille.

La jeunesse doit bénéficier de formations en phase avec les besoins de l’économie ivoirienne afin de lui éviter les voies de garage actuelle. Il faut arrêter de laisser opérer librement les vendeurs d’illusions qui ouvrent des formations, des écoles qu’ils savent pertinemment qu’elles ne répondent pas aux besoins de l’économie nationale. Les parents se saignent pour enfin de compte, voir leurs enfants au bord de la route. Nous laissons trop de jeunes dans le désespoir en Côte d'Ivoire. Cela n’est pas bon du tout. Il faut que le ministère de la jeunesse articule son action avec les autres ministères pour mettre en phase des formations avec les nécessités de l’économie nationale.

Il doit inciter par des aides substantielles, les entreprises à former des jeunes aux métiers répondant aux besoins. Des formations de type « formations par l’action » doivent être privilégiées. La priorité doit être donnée par exemples aux formations agricoles mettant l’accent sur le vivrier, les formations techniques de type outillage, plomberie sanitaire, couture, électricité, réparation mécanique (un domaine où le bricolage est encore la règle), etc.

Un jeune formé à un métier réel et concret a plus confiance dans la vie et de fait est porté à être plus entreprenant.

Il faut œuvrer à lever l’obstacle majeur à l’insertion économique des jeunes : l’accès au crédit
Ce qui s’est passé ces derniers jours avec les déclarations du ministre Mamadou est révélateur de quelque chose de grave. De très grave même. Il ne s’agit pas simplement d’amateurisme ou d’incompétence comme on pourrait croire mais de quelque chose de plus grave que cela d’autant plus que le bénéficiaire rétorque aux accusations du ministre Mamadou que « l'affaire était plus profonde que ce que l'opinion pourrait imaginer. »

Dans un pays normal où les institutions (le parlement, le gouvernement, la société civile organisée, etc.) et l’opinion jouent respectablement et respectivement leur rôle, ce ministre aurait déja été éjecté du gouvernement sans autre forme de procès et sommer de s’expliquer. Donner sept cents millions de francs CFA à un individu pour un projet d’ouverture de salons de coiffure dans un pays comme la Côte d’Ivoire. Aïe Lagô, yo wa !
Et toute honte bue, venir à la télévision dire aux ivoiriens que ce dernier refuse de rembourser. Mais à quoi s’attendait-il donc, Mamadou. S’il refuse de rembourser c’est qu’il sait pourquoi.
Voila bien une somme qui aurait bien pu servir à l’accompagnement de dix ou vingt jeunes voire plus dans des projets d’investissement.
Cela étant dit,

Il faudrait chercher à lever le principal obstacle auquel sont confrontés les jeunes : l’accès au crédit.
Cette politique pourrait prendre plusieurs formes. Tout d’abord, les pouvoirs publics doivent susciter et encourager l’apport de fonds de garantie aux banques et aux institutions financières opérant sur le territoire économique. Pour nous, il faudrait chercher à regrouper les jeunes par professions, par quartiers ou villes pour constituer des sociétés mutualistes qu’on pourrait appeler par exemple des Pôles économiques de captation (P.E.C.).

Chaque pôle serait placé sous la responsabilité d’un jeune formé à la gestion ou à la comptabilité avec la supervision d’un parrain ayant fait ses preuves dans l’entreprenariat, dans le commerce, etc. Ces derniers vont mettre en place un conseil d’administration du P.E.C . Chaque membre du P .E.C. doit verser une cotisation mensuelle symbolique, bien entendu, d’un montant qui restera à définir selon les cas à savoir l’activité, le quartier, la ville, les subventions éventuelles, etc . Cette situation permettrait de jauger le sérieux du jeune, de consolider sa volonté.

En contrepartie, il recevrait un carnet d’épargne dans lequel sont consignés les divers versements en compte bloqué pendant une période fixée, raisonnable et clairement notifiée au préalable. Un an au maximum, cela suffirait largement à notre avis. Tout jeune ayant économisé pendant la période qui lui a été notifiée pour atteindre un montant minimal fixé par avance recevrait une carte validée par la direction territoriale du travail du lieu d’exercice ou le ministère de la jeunesse. C’est le début de l’intégration que nous nommons le stade de l’« économie minimale ».

De cette manière, beaucoup de pôles économiques vont se constituer. C’est à la suite de cette procédure qu’interviendrait l’octroi de fonds pour l’aider à démarrer. Une commission d’expertise irait tous les trois mois par exemple effectuer une évaluation jusqu’à ce que le jeune se soit acquitté de sa dette et que ses activités aient complètement intégré la sphère économique. Cette voie se voulant progressive ferait l’objet dans un premier temps d’une expérimentation dans deux ou trois des grandes villes du pays.

Ces propositions ne concluent pas le debat mais ouvrent plutôt la question autour de l’accompagnement économique de la jeunesse en cote d’ivoire
Voilà quelques pistes de réflexion à explorer dans la politique de soutien et d’accompagnement des jeunes à notre avis. Elles sont pédagogiques, responsabilisantes et porteuses d’efficacité si les actions sont conduites avec rigueur et de façon surtout désintéressée par ceux qui sont mis en responsabilité.

©Dr KOCK OBHUSU
Economiste – Ingénieur