Clash SORO-ADO: David peut-il frapper Goliath ? Les forces et les faiblesses de chacun. Le Nord en ébullition. Les loups qui rodent

Le 02 février 2012 par IVOIREBUSINESS – L’annonce du clash entre Guillaume Soro et son mentor ADO a mis le Nord du pays en tourmoil. Ferkessedougou est déjà sur pied de guerre, prêt à en découdre avec quiconque touchera un cheveu de Soro, l’enfant du pays.

SORO et ADO lorsque l'entente était cordiale.

Le 02 février 2012 par IVOIREBUSINESS – L’annonce du clash entre Guillaume Soro et son mentor ADO a mis le Nord du pays en tourmoil. Ferkessedougou est déjà sur pied de guerre, prêt à en découdre avec quiconque touchera un cheveu de Soro, l’enfant du pays.

Korhogo est même en état de quasi-siège par les hommes de Fofié, proche de Soro.
Pro-Soro et pro-Ado prenant leurs marques et aiguisant leurs armes pour la bataille finale.
Les pro-Soro, sincères ou non, accusent aujourd’hui ADO d’avoir vendu le pays aux étrangers, notamment aux burkinabé, et d’avoir d’eux, les vrais ivoiriens, les étrangers sur leurs propres terres.
« Toutes les terres des ivoiriens sont passées entre les mains des étrangers. On va bientôt les découper », dira sous couvert d’anonymat un pro-Soro.
Même son de cloche à Bouaké parmi les FRCI. Selon une source proche du conclave de guerre tenu par Soro et ses hommes à Bouaké, la majorité des chefs de guerre rongent leurs freins contre Ouattara, accusé de faire la part trop belle aux étrangers.

C’est donc désormais une certitude : Rien ne va plus en Soro et son mentor ADO. Le second voulant coûte que coûte la tête du premier, dont il fut pourtant à la base de la carrière. Mais les temps ont changé et les intérêts des uns ne sont plus forcement ceux des autres. Dans sa conquête pour le pouvoir, ADO a beaucoup utilisé SORO comme homme de main, se bornant à tirer les ficelles dans l’obscurité, et niant chaque fois que cela était nécessaire qu’il était le parrain et le bénéficiaire des actions de la rébellion des Forces nouvelles.

GUILLAUME SORO, UNE CARRIERE FULGURANTE

Pendant toutes ces années de braises, Bogota (nom de guerre de Soro Guillaume) était à la manœuvre, avec notamment un certain IB, qu’il supprimera aux premières heures de leur prise de pouvoir commune.
Bogota aura appris de 2002 à 2011 à façonner et à modeler les Forces nouvelles qu’il scinda en deux: la branche politique dénommée le MPCI dont il s’autoproclama secrétaire général, et la branche militaire appelée les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), qu’il confia au Colonel Soumaïla Bakayoko, aujourd’hui général de division et chef d’Etat-major général des FRCI, la nouvelle armée réunifiée de Côte d’Ivoire.
Du moins sur le papier, car les combattants Frci, non payés, mal entrainés et indisciplinés, se rendent coupables tous les jours des pires exactions contre les populations civiles. Les cas de Sikensi, de Yopougon, de Duekoué, de Vavoua, et de Bonoua sont encore frais dans les mémoires.
Puis Dr Kumba, l’autre nom de guerre de Soro, commença à glaner les lauriers et se tailler un costume d’homme politique respectable auprès de Laurent Gbagbo, dont il fut ministre d’Etat au lendemain des accords de marcoussis, puis Premier ministre après les accords de Ouagadougou.
De cette épopée, Soro a gardé la maîtrise totale des hommes et de l’appareil FRCI. Il s’est aussi bâti une grosse fortune lors des casses de la Bceao dans les zones sous son contrôle, puis à la Primature sous Gbagbo et maintenant sous Ouattara.
Autant dire que Soro n’est plus aujourd’hui le jeune étudiant, ancien secrétaire général de la FESCI, et colistier d’Henriette Diabaté à Port-Bouët aux législatives de 2000.
Il a pris du gallon, beaucoup. C’est la raison pour laquelle Alassane Ouattara a été obligé de la maintenir à la primature jusqu’à maintenant.
On peut sans aucun doute dire que Soro est un os dans la gorge de Ouattara, son parrain, dont il qui sait beaucoup.

POURQUOI ADO VEUT SE DEBARRASSER DE SORO ?

Bogota, c’est peu dire, est une menace pour ADO, aujourd’hui arrivé au pouvoir, dans les conditions que l’on sait, raison pour laquelle ce dernier veut s’en débarrasser. Et il veut le faire pour deux raisons :
La première, ADO veut se débarrasser d’un allié menaçant et lui coller tous les crimes de sang et de guerre sur lui, le chef des Forces nouvelles dont le rôle dans la crise postélectorale est accablant. Les charniers de Duekoué (1000 morts tués en raison de leur appartenance ethnique par les Frci et dénoncés par le HCR, Human rights watch, Amnesty international) et de Yopougon (Fosses communes de 200 pro-Gbagbo également dnoncées par ces Ong) sont à charge de Soro et ses chefs de guerre tels que Cherif Ousmane, Wattao, Zaccharia, Wattao, Eddy Meidi, et Ousmane Coulibaly.
La seconde raison, c’est une façon pour Ouattara de se redonner une virginité de technocrate du FMI et pour répondre aux injonctions des USA qui ont fait du cas du transfèrement de Guillaume Soro à la CPI, une exigence non négociable.
La troisième raison, c’est pour donner de la crédibilité à la CPI et répondre aux allégations d’une justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire.
La quatrième raison, c’est pour contenter un allié de poids, le Pdci-Rda, sans qui aucune prise de pouvoir n’aurait été possible.
Déjà, les premières salves de grogne au sein du Pdci ont commencé à se faire sentir. Henri Konan, le président du parti, est constamment accusé par la jeune garde du parti d’avoir bradé le parti d’Houphouët à Alassane Ouattara pour ses intérêts personnels. Les demandes pressentes de tenue de congrès se font sentir, de manière parfois violente. La levée de bois vert entre KKB, président de la Jpdci et son vice-président Abonoua, ont récemment défrayé la chronique.

ADO POURRA-T-IL FACILEMENT SE DEBARRASSER DE SORO ?

La question qui brule les lèvres est est-ce qu’ADO pourra se débarrasser aussi facilement de Guillaume SORO?
A priori, non. Car les premiers signes montrent que Soro s’apprêterait à opposer une résistance héroïque à son patron qu’il qualifie de plus en plus d’ingrat, de traitre, et d’avoir vendu le pays aux étrangers. Paroles sincères ou paroles d’un allié aujourd’hui en difficulté ?
En plus d’une garde prétorienne de 500 personnes qu’il a mise sur pied, il s’est purement et simplement retiré à Bouaké pour y tenir un véritable conclave de guerre avec tous ses chefs de guerre, qui il faut le dire, lui obéissent plus qu’à Ouattara, qu’ils découvrent pour beaucoup maintenant.
Même si certains chefs de guerre comme Koné Zaccharia et Chérif Ousmane obéissent directement à Ouattara, la balance penche nettement en faveur de Soro.
Sans oublier que ce dernier est également ministre de la Défense. Son ministre délégué Koffi Koffi Paul, qui était son ancien directeur de cabinet à la primature, lui obéit d’abord.
Autre atout de taille, Soro a encore la haute main sur l’administration dans les zones Centre-Nord-Ouest (CNO), car la réunification du pays n’est pas encore une réalité. Les préfets et sous-préfets sont encore sous les ordres des Com’zones. A Korhogo, tout le monde sait que Fofié Kouakou, proche de Soro fait la pluie et le beau temps. Situation identique à Bouaké, toujours le siège des Forces nouvelles, où aucune administration n’est encore opérationnelle.
Comme on le voit, l’Opération qui consiste à se débarrasser de Soro et de le conduire à la CPI, s’annonce titanesque pour ADO.

LES ATOUTS DE ADO POUR SE DEBARRASSER DE SORO

Alassane Ouattara ne part pas de rien pour arriver à virer Soro de la Primature. Aujourd’hui chef de l’Etat, il a la haute main sur les finances de la Côte d’Ivoire, qu’il gère avec opacité et à coups de decrets, sans aucun contrôle de l’assemblée.
Et l’histoire de sa récente visite d’Etat en France et de la signature en grande pompe des nouveaux accords de défense entre la France et la Côte d’Ivoire, est en fait l’acte1 du renversement de Guillaume Soro.
Jamais depuis Houphouët Boigny, un chef d’Etat ivoirien, voire africain, n’a été reçu avec autant de faste en France.
Pour certains, l'accueil réservé à Alassane Ouattara par son ami de 20 ans Nicolas Sarkozy continuera à alimenter encore longtemps, la chronique des rapports incestueux qu'entretiennent la France et la Côte d’Ivoire, rapports qu’on inscrira aisément au chapitre de la Françafrique, 50 ans de barbouzerie et de coups tordus de la France en Afrique.
La signature d'un accord de défense, dénommé traité de partenariat de défense, entre Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara —prévoyant le maintien de 300 soldats français de la force Licorne en Côte d'Ivoire— est de nature à conforter le régime d’Abidjan, même si le Président français affirme que "C'est un accord qui montre que la France est aux côtés de la Côte d'Ivoire dans sa quête de sécurité (et) que l'armée française n'a pas vocation à s'ingérer, ni de près, ni de loi dans les affaires de la Côte d'Ivoire".
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Bien que soumis aux Parlements ivoirien et français avant adoption, et ne comportant pas officiellement de clauses secrètes, cet accord de défense porte la marque d’une clause officieuse, même si Ouattara se défend sans convaincre de n’avoir «besoin de la protection de qui que ce soit».
En effet, sous l’artifice de formation des cadres de la nouvelle armée ivoirienne dont les Com’zones et chefs de guerre seraient exclus, il s’agira pour la France d’affaiblir, voire de neutraliser Guillaume Soro.
De plus, il a été longuement question de Soro et de ses chefs de guerre entre Sarkozy et Ouattara. La France ayant elle aussi décidé de les débarquer et de créer une nouvelle armée ivoirienne plus vièrge.
ADO, après sa visite d’Etat en France et après son escapade au 18e sommet de l’UA à Addis Abeba, est encore retourné en France. Officiellement pour des soins. Officieusement pour regler les détails d’un débarquement de 300 légionnaires sur les bords de la lagune Ebrié, afin de neutraliser les FRCI et Guillaume Soro.
Le « Beau Blaise », Président inamovible du FASO, sera une fois de plus mis à contribution. C’est le sens de la visite éclair qu’effectuera ADO à Ouagadougou après la visite très privée qu’il effectue en ce moment à Paris.
Il s’agira de bloquer la base arrière qu’a toujours été le Burkina Faso pour Soro et les Forces nouvelles, aujourd’hui FRCI.
Comme on le voit, la hache de guerre déclarée entre Soro et ADO pourrait être particulièrement meurtrière et sanglante, et replonger la Côte d’Ivoire dans une nouvelle crise majeure, aux lendemains incertains.

UN TROISIEME LARRON POURRAIT S’ABAISSER ET RAMASSER LA MISE : LES COMBATTANTS ARMES !

Dans cette guerre au sommet entre les deux têtes de l’exécutif ivoirien, un troisième larron pourrait s’inviter et remporter la mise.
Il s’agit des mouvements armés contre Ouattara qui pullulent en ce moment et qui ont juré de faire bientôt tomber son régime.
Parmi eux, on compte le mouvement pour la souveraineté et la défense de la Côte d’Ivoire (MSD-CI) du major Bamba, responsable de la sanglante attaque de Taï le 15 septembre 2011 et dans laquelle près de 200 FRCI périrent.
On compte également le Commando Beinguiste, qui écume les forêts de l’Ouest, et qui est spécialisé dans la guérilla urbaine avec des attaques sanglantes du côté de Duekoué et Bangolo. A Duekoué, ses hommes infligèrent de lourdes pertes à deux colonnes de FRCI sur l’axe Duekoué-Man, faisant 35 morts en leurs sein.
Tout dépendra de l’attitude de ces groupes armés dans cette guerre entre père et le fils. Vont-ils observer une neutralité bienveillante pour ensuite porter l’estocade à celui qui restera sur le champ de bataille, ou vont-ils profiter de la situation d’affrontement entre les deux camps pour prendre des villes et propager leur rébellion en vue d’une prise du pouvoir ? Rien n’est moins sûr. Toujours est-il que tous les scénarios sont permis.

Il serait aussi intéressant de savoir comment réagira la population ivoirienne, car un soulèvement populaire n’est pas non plus à exclure.
Les jours qui viennent nous permettrons d’y voir plus clair.

Christian Vabé