Cités universitaires de Port-Bouët: ON VOLE TOUT, MÊME LES MURS…

Le 16 avril 2012 par Fraternité matin - Fermées depuis le 19 avril 2011 après la crise post-électorale pour des travaux, les cités universitaires de Port-Bouët sont chaque jour démolies

Cité universitaire de Port-bouët. De fratmat.info.

Le 16 avril 2012 par Fraternité matin - Fermées depuis le 19 avril 2011 après la crise post-électorale pour des travaux, les cités universitaires de Port-Bouët sont chaque jour démolies

à petits coups de marteaux pour servir de matériaux de combustion. État des lieux.
Jakarta
La cité 1 de Port-Bouët baptisée « Jakarta » par les étudiants en référence à la capitale de l’Indonésie, est tristement célèbre à cause des récurrents conflits entre les étudiants et les riverains. En 2002 notamment, ces étudiants avaient fini par être chassés par leurs hôtes, sidérés, avant de revenir après force négociations. Les murs et toitures, ici, sont intacts. La présence des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) basés non loin de là (au centre pilote), atténuent certainement l’ardeur des pilleurs.
Cependant, les déchets et autres ordures sont déversés partout. Les herbes ont également poussé de sorte que certains riverains y mènent paître leurs animaux. Derrière le bâtiment 6, une termitière a même poussé. Un pan de la clôture s’est affaissé, laissant une ouverture qui sert de raccourci aux riverains.
Port-Bouët 2
Ici, aucun dégât majeur n’a été enregistré. Les Frci sont les nouveaux locataires depuis le début de la crise. M. Mamadou Coulibaly dit « le vieux », un des éléments des Frci de la compagnie Anaconda, confie que « depuis le départ des étudiants, un groupement des Frci dirigé par le Lieutenant Gohourou est logé dans cette cité ». Ils ont eux-mêmes procédé à quelques travaux de réparation.
Base navale
La cité de Port-Bouët 3 est baptisée « base navale » par les ex-locataires du fait de sa proximité avec la mer. Dans cette cité, le visiteur est tout de suite frappé par le spectacle désolant. Tout est sens dessus dessous. Comme sur un champ de bataille. La cité est donc à la merci des vandales qui règnent en maître. Tôles, tuyaux, sanitaires, tout est parti. Même les murs ne sont pas épargnés. Ils sont détruits, car ils contiennent du siporex qui permet aux femmes d’économiser leur charbon. « Les femmes utilisent le siporex avec lequel les murs sont construits pour économiser leur charbon », explique dame Evelyne Takpé. De fait, « le mur de la cité est devenu un fond de commerce pour certains. Cette matière est vendue en détail à 100 francs le tas au marché ». Cette cité, la plus grande des résidences universitaires de Port-Bouët, a, par ailleurs, été transformée en dépotoir par les riverains.
Cité des mariés
À la « cité des mariés » (où logeaient les étudiants mariés) située au quartier Vanou, des éléments des Frci veillent au grain, comme à la cité 2, y logent et assurent la sécurité. Selon Ahmed Diarrassouba, un des éléments, « avant l’arrivée des Frci, certaines personnes avaient commencé a enlevé les tôles. Et ce, après avoir tout volé dans les chambres. Mais depuis que nous sommes là, l’espace est sécurisé », dit-il.
Vridi cité
Ici le constat est également amer. Un étudiant qui habitait cette cité et aujourd’hui résidant non loin de là, explique que « depuis le départ des étudiants, une partie de la clôture s’est effondrée. Elle sert désormais de passage aux riverains qui veulent éviter les longs détours. Cette cité est désormais habitée par des éléments des Frci ».
Seuls tiennent encore les murs des résidences occupées par les FRCI.

Le caporal Kouakou Kouassi Amadou dit « John » du groupement tactique 5 (Gt5) et chargé de la sécurité de la cité, y vit avec sa famille (sa femme et ses cinq enfants). Cette cité héberge aujourd’hui de nombreux soldats, pour la plupart mariés. « Nous vivons ici depuis près de 10 mois avec nos familles. Nous, les militaires, nous allons nous restaurer à la base (au centre pilote) et chacun se débrouille pour nourrir sa famille ». Et John de poursuivre : « avant notre arrivée, la cité était transformée en dépotoir par les riverains. C’était aussi un fumoir pour les jeunes drogués. Les chambres ont été toutes pillées, les tuyaux d’eau emportés. Nous nous sommes débrouillés pour avoir le courant mais nous n’avons pas d’eau». Et Mme Touré Maimouna, résident à côté de la cité de renchérir : « en plus, la cité était devenue un hôtel la nuit tombée. Une fillette de 8 ans a même été violée dans cette cité par des inconnus».
Du retour des étudiants
Sur la question, les avis divergent. Pour les commerçants, il faut tout mettre en œuvre pour que les étudiants reviennent. Car, ils constituent leur clientèle. « On ne peut se réjouir de ce qui est arrivé aux étudiants. De toutes les façons, ils sont nos frères. Nous n’avons pas de problème avec eux. D’ailleurs, depuis qu’ils ne sont plus là, nos petits commerces ne marchent plus. Ce sont nos gros clients. Quand ils étaient là, ils venaient avec leurs visiteurs pour acheter nos marchandises », soutient Mlle Doumbia Alimata, qui habite non loin de la cité 2. « Pendant la crise, tout le monde avait peur. Mais si ce moment est passé, les étudiants doivent regagner leurs résidences. Ils sont nos plus grands clients », confie Zaher, un Mauritanien qui tient une boutique proche de la cité 1. M. Blaise K., propriétaire d’un magasin de traitement de texte, près de la cité de Vridi renchérit : « il est important que les étudiants reviennent, car ce sont eux qui animent le quartier. Le petit commerce que nous faisons ne marche plus. Les femmes qui tiennent des restaurants pour qui les étudiants étaient les gros clients, ont des problèmes aujourd’hui. Cela constitue également un manque à gagner important pour la Société des transports abidjanais (Sotra) qui n’arrive plus à vendre convenablement les cartes de bus».
Pour d’autres, le retour des étudiants n’est pas à l’ordre du jour. C’est le cas du vieux Sanou Adama qui réside non loin de la cité 1. « Ils sont partis, nous sommes à l’aise. Nous ne voulons plus d’étudiants ici. Nous les avons chassés à plusieurs reprises pour leurs mauvaises conduites. Ils sont venus demander pardon et nous les avons acceptés. Mais ils se sont toujours tristement illustrés », soutient-il. « Voici des étudiants qui ont des maquis et bars dans la cité. Pendant la crise, ils avaient leur commissariat et leur prison dans cette même cité », explique une dame qui a souhaité garder l’anonymat.
« Nous sommes fatigués d’eux. Nous ne voulons plus d’étudiants ici. Ils nous louaient les magasins à côté de la cité, mais en plus de cela, les mêmes venaient prendre nos marchandises de force ». En tout cas, pour elle, il faut donner la cité à d’autres personnes. Mlle Hortense Ouahou se veut plus mesurée. « Les étudiants doivent revenir, car la cité leur appartient depuis toujours et non à d’autres personnes (faisant allusion aux Frci). Toutefois, nous voulons désormais de bons étudiants et non des voisins encombrants », a-t-elle indiqué.

Eugène YAO
ekyci1@yahoo.fr